CONSEIL D’ETAT
Statuant au Contentieux
N° 186479
ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE" et autres
M. de la Ménardière, Rapporteur
Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement
Lecture du 10 juin 1998
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d’Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 1ère sous-section),
Vu la requête sommaire, enregistrée le 26 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE", dont le siège social est 91, rue Gambetta à Rueil-Malmaison (92500), l’ASSOCIATION "UNION POUR LA VIE", dont le siège social est 27, rue Pierret à Neuilly-sur-Seine (92200) et l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE", dont le siège social est 66, rue Daguerre à Paris (75014), respectivement représentées par leurs présidents en exercice ; les requérants demandent que le Conseil d’Etat annule l’arrêté en date du 23 janvier 1997 par lequel le ministre de l’emploi et de la solidarité et le ministre de l’agriculture et de la pêche ont modifié l’arrêté du 3 avril 1985 fixant la nomenclature des actes de biologie médicale ;
Vu l’acte, enregistré le 11 avril 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, par lequel Maître Delvolvé, pour l’ASSOCIATION "UNION POUR LA VIE", déclare se désister purement et simplement de la requête ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 juillet 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour les ASSOCIATIONS "CHOISIR LA VIE" ET "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la déclaration universelle des droits de l’homme publiée le 9 février 1949 ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974 ;
Vu le pacte international des droits civils et politiques auquel la France a adhéré par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ;
Vu la convention relative aux droits de l’enfant ratifiée en vertu de la loi du 2 juillet 1990, par décret du Président de la République du 8 octobre 1990 et publiée le 12 octobre 1990 ;
Vu de code de la santé publique, notamment ses articles L. 162-1 à L. 162-16 et R. 162-16-1 à R. 162-16-7 ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article R. 162-18 ;
Vu le code civil, notamment son article 16-4 ;
Vu la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975, modifiée par la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
le rapport de M. de la Ménardière, Maître des Requêtes,
les observations de Me Delvolvé, avocat de l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE", de l’ASSOCIATION "UNION POUR LA VIE" et de l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE",
les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le désistement de l’ASSOCIATION "UNION POUR LA VIE" est pur et simple ; que rien ne s’oppose à ce qu’il lui en soit donné acte ; Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par leministre :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 162-18 du code de la sécurité sociale : "Une nomenclature des actes de biologie médicale est arrêtée par le ministre chargé de la santé, le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé de l’agriculture. Cet arrêté détermine les modalités d’application de la nomenclature dans les rapports entre leslaboratoires d’analyses de biologie médicale, d’une part, les organismes de sécurité sociale et les assurés, d’autre part. Cette nomenclature peut également comporter des modalités de nature à faciliter le contrôle médical de certains actes" ;
Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :
Considérant, d’une part, qu’aux termes du décret n° 95-1214 du 15 novembre 1995 : "Le ministre du travail et des affaires sociales exerce : (...) 2°) Les attributions dévolues au ministre de la santé et de l’assurance maladie" ; qu’ainsi, le ministre du travail et des affaires sociales était compétent pour prendre conjointement avec le ministre de l’agriculture l’arrêté du 23 janvier 1997 attaqué, sans que celui-ci doive comporter en outre la signature du secrétaire d’Etat à la santé ; Considérant, d’autre part, que, par arrêtés des 21 novembre 1995 et 7 février 1996, respectivement publiés au Journal officiel de la République française les 26 novembre 1995 et 9 février 1996, le ministre du travail et des affaires sociales a donné délégation permanente dans la limite de leurs attributions à M. Jean-François Girard, directeur général de la santé et M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale, à effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et conventions à l’exclusion des décrets et, que par décret du 23 novembre 1995, publié au Journal officiel de la République française le 25 novembre 1995, la même délégation a été donnée par le ministre de l’agriculture et de la pêche à Mme Mireille Riou-Canal, sous-directeur, co-signataire de l’arrêté par empêchement du directeur des exploitations, de la politique sociale et de l’emploi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait été pris par des autorités incompétentes doit être écarté ;
Considérant que l’autorité réglementaire a le pouvoir de modifier la nomenclature des actes de biologie médicale sans avoir au préalable demandé à la commission de la nomenclature des actes de biologie médicale d’émettre des propositions ; que, toutefois, si cette autorité décide de procéder à la consultation de la commission, elle doit le faire de façon régulière ; qu’il ressort des pièces du dossier que la commission de la nomenclature des actes de biologie médicale, qui avait notamment reçu communication de plusieurs rapports d’experts, était suffisamment informée avant de formuler ses propositions sur le projet d’arrêté qui lui était soumis ; que, par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’arrêté attaqué aurait été pris à la suite d’une procédure irrégulière ;
Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :
Considérant que l’arrêté interministériel du 23 janvier 1997 modifie l’arrêté du 3 avril 1985 fixant la nomenclature des actes de biologie médicale pris sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 162-18 du code de la sécurité sociale, d’une part, en complétant la liste des analyses de cytogénétique pratiquées en vue du diagnostic prénatal par l’inscription des analyses de biochimie, mentionnées à l’article R. 162-16-1 du code de la santé publique, portant sur les marqueurs sériques d’origine embryonnaire ou foetale, dans le sang naturel, du risque accru de trisomie 21 foetale, d’autre part, en ajoutant une sixième indication relative au caryotype foetal permettant sa prise en charge par l’assurance maladie en fonction des résultats des analyses précédentes et du seuil de risque fixé à 1 pour 250 ; qu’ainsi, l’arrêté attaqué, qui n’a d’effet que sur les conditions de réalisation du diagnostic prénatal, ne porte aucune atteinte au droit à la vie de l’enfant ; que, par suite, tous les moyens tirés de la violation de la Constitution, de traités internationaux, del’article L. 162-12 du code de la santé publique, de l’article 1er de la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse et de l’article 16-4 du code civil sont inopérants ;
Considérant que l’arrêté attaqué, ayant été pris sur le fondement de l’article R. 162-18 du code de la sécurité sociale, le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de l’article R. 162-16-7 du code de la santé publique, qui impose une consultation médicale du conseil génétique avant les analyses destinées à établir un diagnostic prénatal, est lui aussi inopérant ;
Considérant que le seuil de 1 pour 250 mentionné dans l’arrêté litigieux a été établi compte tenu d’une probabilité que l’enfant à naître soit atteint de la trisomie 21 ; que la circonstance que, en raison de la valeur de ce seuil, le test sérique, d’une part, ne permettrait pas de déceler la totalité des "grossesses trisomiques", d’autre part, conduirait à déclarer "à risque" un nombre important de grossesses alors que l’enfant ne sera pas atteint de trisomie ne suffit pas à révéler l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la fixation dudit seuil ;
Considérant que l’arrêté du 30 septembre 1997, relatif au consentement de la femme enceinte à la réalisation des analyses de cytogénétique et de biologie en vue d’établir un diagnostic prénatal, est postérieur à l’arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions de l’arrêté attaqué avec celles dudit arrêté est inopérant ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté en date du 23 janvier 1997 modifiant la nomenclature des actes de biologie médicale ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête en tant que celle-ci émane de l’ASSOCIATION "UNION POUR LA VIE".
Article 2 : La requête de l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE" et de l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LA VIE" est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE", à l’ASSOCIATION "UNION POUR LA VIE", à l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE", au ministre de l’emploi et de la solidarité et au ministre de l’agriculture et de la pêche.