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Tribunal de grande instance de Saumur, référé, 13 mars 2002, Préfet du Maine et Loire c/ Consorts M.

Les articles R. 2213-31 à R 2213-33 du code des collectivités territoriales régissent l’inhumation des corps dans le cimetière communal ou dans une propriété particulière. Il n’existe aucune disposition relative à la congélation des corps.

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAUMUR

Affaire MONSIEUR LE PREFET DE MAINE ET LOIRE C/ Rémy M., Nadine M., Claude M.

Ordonnance du : 13 Mars 2002

N° RG 02/00022

ORDONNANCE DE REFERE

Rendue par M. MONDONNEIX, Président Assisté de Mme DIJOUX, faisant fonction de greffier

DEMANDEUR :

MONSIEUR LE PREFET DE MAINE ET LOIRE
MAIL DE LA PREFECTURE
49100 ANGERS

représenté par la Maître PRIOUX, avocat au barreau de SAUMUR

DEFENDEURS :

Monsieur Rémy M.
comparant en personne assisté de Maître FOUQUET, avocat au barreau d’ANGERS

Madame Nadine M.
non comparante

Madame Claude M.
non comparant

En présence de Monsieur Jean-Frédéric LAMOUROUX, Procureur de la République

Après que les parties ou leurs conseils aient été entendus en leurs explications et plaidoirie à l’audience Publique du 08 Mars 2002 et qu’il en ait été délibéré, l’ordonnance suivante a été rendue ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Monique L. est décédée le 25 février 1984 à RUEIL MALMAISON avant que sa dépouille ne soit transférée à NUEIL SUR LAYON pour être déposée, à l’initiative de Raymond M., dans un congélateur situé dans la crypte du château familial.

Le 22 février 2002, Raymond M. décédait à SURESNES avant que son corps ne soit transféré à NUEIL SUR LAYON pour être pareillement déposé, àl’initiative de son fils Rémy, dans le meuble de congélation où reposait déjà sa compagne.

Par actes du 6 mars 2002, le Préfet de Maine et Loire, suivant une ordonnance rendue sur requête en date du 5 mars 2002, a fait assigner en référé pour le 8 mars 2002 Rémy M., fils de Raymond M. et de Monique L. ainsi que Nadine M. et Claude M. issues d’une précédente union de leur père aux fins d’être autorisé, sur le fondement de l’article 809 alinéa I du nouveau code de procédure civile, à pénétrer dans l’enceinte de la propriété des consorts M. située au château de Preuil, à NUEIL SUR LAYON, à recourir, le cas échéant, à la force publique pour faire cesser les troubles illicites et éviter tous débordements, à faire procéder, sur cette même propriété, en présence notamment du Maire de la commune, d’un hydrogéologue agréé, et avec le concours du service des pompes funèbres, aux opérations nécessaires à une inhumation décente des corps des deux défunts et à recourir à tous moyens, tels que le scellement de la dalle mortuaire, utiles à la préservation de l’intégrité de la sépulture, l’ensemble de ces opérations étant mises à la charge de la famille des défunts.

Rémy M. expose qu’il a saisi le Préfet de Maine et Loire, le Ministre de l’intérieur, le Ministre chargé de la Santé et le maire de NUEIL SUR LAYON aux fins d’obtenir les autorisations nécessaires pour donner à son père une sépulture dans l’enceinte du château et suivant un mode de congélation.

En conséquence, il soulève l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire au profit des juridictions de l’ordre administratif.

A titre subsidiaire, il fait valoir qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un trouble manifestement illicite alors que la législation funéraire n’interdit pas qu’une sépulture soit donnée à une personne décédée sous la forme de la conservation cie son corps dans un meuble de congélation, qu’il n’est en aucune façon établi que le dispositif de congélation mis au point par Raymond M. porterait atteinte à des impératifs d’ordre sanitaire et de salubrité publique, qu’il n’ya aucune urgence alors que la situation perdure depuis 1984 en ce qui concerne Monique L. et que bien au contraire, une décision favorable au demandeur aurait des conséquences manifestement irréversibles, en totale contradiction avec la nature éminemment provisoire des ordonnances de réfere.

C’est pourquoi, il conclut au rejet des prétentions du Préfet de Maine et Loire.

Nadine M. et Claude M. n’ont pas comparu mais ont fait savoir, par un fax adressé à l’avocat de demandeur, que toutes les dispositions relatives àl’inhumation de leur père étaient à prendre par leur demi frère.

Le Procureur de la République a conclu favorablement au demandeur au motif que la législation funéraire est d’ordre public.

L’affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2002.

EXPOSE DES MOTIFS

Attendu que la demande présentée par le Préfet de Maine et Loire n’implique pas une appréciation du Juge des référés qui serait de nature à entraver l’action de l’Administration ; que c’est à tort que le principe de la séparation des pouvoirs est invoqué par Rémy M. et alors surtout qu’aucun acte administratif à caractère individuel n’est intervenu en l’espèce ; que l’exception d’incompétence doit être rejetée ;

Attendu qu’en vertu de l’article 809 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile, le Président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en reféré les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’omposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que les articles R. 2213-31 à R 2213-33 du code des collectivités territoriales régissent l’inhumation des corps dans le cimetière communal ou dans une propriété particulière ; que les articles R 2213-34 à R 2213-39 réglementent la crémation ; qu’il n’existe aucune disposition relative à la congélation des corps ;

Attendu que l’article R 2213-15 précise encore qu’avant son inhumation ou su crémaion, le corps d’une personne décédée Csf mis en bière ;

Attendu que les dispositions dont s’agit sont insérées dans un chapitre III intitulé POUVOIRS DE POLlCE PORTANT SUR DES OBJETS PARTICULIERS et plus précisément dans une section 2 régissant la Police des funérailles et des lieux de sépulture ; que par leur nature, ces dispositions sont d’ordre public ;

Attendu qu’il s’en suit que la violation des textes sus-visés constitue un trouble manifestement illicite ;

Que c’est en vain que Rémy M. excipe de l’existence d’un dispositif technique sophistiqué permettant la conservation des corps de ses parents ou des avancées toujours possibles de la science qui donneront peut être un jour raison à son père alors que l’évidence requise du juge des référés n’est autre que l’évidence juridique, à l’exclusion de toute considération scientifique qui ne saurait interférer dans sa décision ;

Que c’est en vain également que le défendeur invoque l’absence d’urgence alors que cette dernière est inopérante lorsqu’il s’agit d’apprécier l’existence d’un trouble manifestement illicite ;

Attendu qu’enfin, il importe peu que la décision prise au visa de l’article 809 du nouveau code de procédure civile présente un caractère irréversible alors qu’il appartient au Juge des référés qui constate l’existence d’un trouble manifestement illicite de prendre les mesures appropriées pour le faire cesser ;

Attendu que sans doute, le choix entre l’inhumation dans le cimetière communal, l’inhumation dans une propriété privée et la crémation relève de l’expression des dernières volontés du défunt ou, à défaut, de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles dont au premier chef les héritiers ; qu’en l’espèce, aucun desiderata n’a été fonnulé ;

Attendu cependant qu’il résulte des pièces versées aux débats que Raymond M. avait obtenu l’autorisation du sous-Préfet de SAUMUR de faire inhumer sa compagne dans une crypte du chateau de Preuil ; que si cette autorisation a été ensuite dévoyée, la requête présentée n’en était pas moins l’expression de la volonté de son auteur de faire choix de sa propriété comme lieu de sépulture pour son amie défunte ;

Attendu qu’il est constant que Raymond M. a exprimé le souhait de rejoindre sa compagne ; que la demande formulée par le Préfet de Maine et Loire est conforme aux dernières volontés du défunt quant à la localisation géographique de sa sépulture ;

Attendu, dans ces conditions, qu’il convient de faire droit à la demande et de dire que les frais exposés pour l’inhumation de Monique L. seront mis à la charge de Rémy M. cependant que ceux exposés pour l’inhumation de Raymond M. seront mis à la charge de ses trois enfants ;

PAR CES MOTIFS,

Nous, Juge des référés,

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme elles aviseront

Au provisoire, tous droits et moyens des parties réservés quant au fond,

Vu l’article 809 alinéa I du nouveau code de procédure civile,

Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par Rémy M. en faveur des juridictions administratives

Autorisons le Préfet de Maine et Loire ou son délégataire à pénétrer dans l’enceinte de la propriété des consorts M. sise au château de Preuil, à NUEIL SUR LAYON, à l’effet de procéder, sur cette même propriété, en présence notamment du Maire de la commune, après avis d’un hydrogéologue agréé, et avec le concours d’un service de pompes funèbres, aux opérations nécessaires à l’inhumation des corps de Monique L. et de Raymond M. et à recourir à tous moyens, tels que le scellement de la dalle mortuaire, utiles à la préservation de l’intégrité de la sépulture ;

Disons que le Préfet de Maine et Loire aura le droit de recourir à la force publique pour l’exécution de la présente décision ;

Disons que les frais exposés pour la réalisation de l’ensemble de ces opérations seront supportés par Rémy M. en ce qui concerne l’inhumation de Monique L., par Rémy M., Nadine M. et Claude M. en ce qui concerne l’inhumation de Raymond M. ;

Mettons les dépens de l’instance à la charge des défendeurs.

 


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