format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 13 novembre 2002, n° 232265, Société SOCOPAR
Conseil d’Etat, 15 mai 2002, n° 213496, M. D.
Conseil d’Etat, 23 juillet 2003, n° 243045, Fédération nationale des associations tutélaires
Conseil d’Etat, 26 juin 2002, n° 223952, M. Jean-Marc F.
Conseil d’Etat, 3 décembre 2003, n° 246315, Pharmacie du Soleil
Conseil d’Etat, 3 mai 2004, n° 252926, Coordination rurale - Union nationale
Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 227463, Fédération des syndicats nationaux d’employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées et autres
Tribunal administratif de Paris, référé, 27 octobre 2001, Fédération nationale de l’habillement, nouveautés et accessoires et autres
Conseil d’Etat, 27 juin 2008, n° 300332, Fédération française des médecins généralistes
Conseil d’Etat, 19 mars 2008, n° 289433, Bernard C.




Conseil d’Etat, 17 juin 2002, n° 226936, Fédération nationale CGT des personnels des secteurs financiers et autres

La légalité d’un arrêté ministériel prononçant l’extension d’un accord collectif de travail est nécessairement subordonnée à la validité de la convention ou de l’avenant en cause. Lorsqu’une contestation sérieuse s’élève sur ladite validité, la juridiction administrative, compétemment saisie d’un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté ministériel d’extension est, eu égard au caractère de contrat de droit privé que présente l’accord, tenue de renvoyer à l’autorité judiciaire l’examen de cette question préjudicielle.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

Nos 226936,227145

FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et autres
UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL

Mlle Landais
Rapporteur

Mlle Fombeur
Commissaire du gouvernement

Séance du 3 mai 2002

Lecture du 17juin2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 226936, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 novembre 2000 et 7 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS, dont le siège est 51, rue de Paris, case 537 à Montreuil (93515), représentée par son représentant légal en exercice, le SYNDICAT CFDT DU CREDIT AGRICOLE DE VENDEE, dont le siège est route d’Aizenay à La Roche-sur-Yon (85000), représenté par son représentant légal en exercice, le SYNDICAT CFDT DU CREDIT AGRICOLE DU FINISTERE, dont le siège est 7, rue du Loch à Quimper (29555), représenté par son representant légal en exercice, le SYNDICAT CFDT DES SERVICES DE L’AGRICULTURE DE LOIRE-ATLANTIQUE, dont le siège est 37, rue Lamoricière à Nantes (44049), représenté par son représentant légal en exercice, le SYNDICAT CFDT AGRO-ALIMENTAIRE DES SERVICES PROFESSIONNELS DU MAINE-ET-LOIRE AGRO SERVICE, dont le siège est Bourse du travail, 14, place Imbach à Angers (49100), représenté par son représentant légal en exercice et le SYNDICAT GENERAI DE L’AGRO-ALIMENTAIRE CFDT DE LA SARTHE, dont le siège est 4, rue d’Arcole au Mans (72000), représenté par son représentant légal en exercice ; la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté du ministre de l’agriculture et de la pêche du 7 mars 2000 portant extension de l’accord national daté du 13 janvier 2000 relatif à la cessation anticipée d’activité, à l’aménagement et à la réduction du temps de travail au Crédit Agricole ;

2°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 25 000 F (3 811,23 euros) au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu 2°), sous le n° 227145, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2000 et 7 mars 2001, présentés pour l’UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL (SUD-CAM), dont le siège est 4, rue des Frères Brian à Avignon (84000), représentée par ses représentants légaux en exercice ; l’UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté du ministre de l’agriculture et de la pêche du 7 mars 2000 portant extension de l’accord national daté du 13 janvier 2000 relatif à la cessation anticipée d’activité, à l’aménagement et à la réduction du temps de travail au Crédit Agricole ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et autres, de la SCP Gatineau, avocat de la fédération nationale du Crédit Agricole et de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la fédération générale agro-alimentaire CFDT,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, respectivement sous les n°s 226936 et 227145, la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et cinq syndicats départementaux CFDT regroupant des salariés du Crédit Agricole, d’une part, l’UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL, d’autre part, demandent l’annulation de l’arrêté du 7 mars 2000 par lequel le ministre de l’agriculture et de la pêche a étendu l’accord national du 13 janvier 2000 relatif à la cessation anticipée d’activité, à l’aménagement et à la réduction du temps de travail au Crédit Agricole ; que ces requêtes présentent à juger les mêmes questions ; que, par suite, il y a lieu de les joindre pour qu’il soit statué par une seule décision ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense ;

Sur les moyens dirigés spécifiquement contre l’arrêté d’extension :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 133-1 du code du travail : “ La convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes doivent, pour pouvoir être étendus, avoir été négociés et conclus en commission composée des représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives dans le champ d’application considéré ” ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la fédération nationale du Crédit Agricole a invité l’ensemble des organisations syndicales représentatives des salariés des caisses régionales de Crédit Agricole et de leurs filiales à négocier un accord national d’aménagement et de réduction du temps de travail ; que ces négociations ont pris fin le 10 novembre 1999 ; que le 16 novembre 1999, la fédération nationale du Crédit Agricole a adressé à chacune des organisations syndicales précitées le projet d’accord dans sa dernière version débattue en invitant les destinataires à apposer leur signature avant le 7 décembre 1999 ; que ce projet d’accord a été signé par cinq organisations syndicales représentatives le 13 janvier 2000 avant de faire l’objet, le 7 mars 2000, de l’arrêté d’extension attaqué ; qu’ainsi, l’accord contesté a été négocié par l’ensemble des organisations syndicales représentatives, sans qu’aient d’incidence, ni la circonstance que certaines signatures ont été recueillies après la date du 7 décembre 1999, qui n’avait qu’un caractère indicatif, ni celle que la fédération nationale du Crédit Agricole a apporté au projet d’accord, entre la fin des négociations et la date des signatures, deux modifications purement formelles ou déclaratives qui ne changeaient rien aux regles de fond posées par l’accord ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté d’extension serait illégal faute pour l’accord étendu d’avoir, comme l’exige l’article L. 133-1 précité du code du travail, été négocié par l’ensemble des organisations représentatives, doit être écarté ;

Considérant que si les 51 caisses régionales du Crédit Agricole et leurs filiales exercent une activité bancaire, les conditions dans lesquelles elles assurent cette activité demeurent, sur plusieurs points intéressant notamment le droit du travail, spécifiques par rapport à celles applicables aux banques commerciales ; qu’elles sont notamment régies par une convention collective qui leur est propre ; que le ministre compétent pour étendre les conventions ou accords collectifs concernant les professions agricoles, dont font partie les salariés du Crédit Agricole aux termes des dispositions combinées des articles L. 722-20 du code rural et L. 131-2 du code du travail, est, en application de l’article L. 131-3 du code du travail, le ministre de l’agriculture et non celui chargé du travail ; que les salariés du Crédit Agricole relèvent, en ce qui concerne leur régime de sécurité sociale, de la mutualité sociale agricole et non du régime général ; que, compte tenu des spécificités rappelées ci-dessus qui doivent faire regarder l’activité économique exercée par le Crédit Agricole comme une “profession ”, l’accord du 13 janvier 2000 constitue un “ accord professionnel” susceptible, en application des dispositions précitées de l’article L. 133-1 du code du travail, d’être étendu ;

Sur les moyens mettant en cause la validité de l’accord étendu :

Considérant que la légalité d’un arrêté ministériel prononçant l’extension d’un accord collectif de travail est nécessairement subordonnée à la validité de la convention ou de l’avenant en cause ; que, lorsqu’une contestation sérieuse s’élève sur ladite validité, la juridiction administrative, compétemment saisie d’un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté ministériel d’extension est, eu égard au caractère de contrat de droit privé que présente l’accord, tenue de renvoyer à l’autorité judiciaire l’examen de cette question préjudicielle ;

Considérant que la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail prévoit, en son article 28, que sont réputées signées sur le fondement de cette loi les stipulations des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d’entreprise ou d’établissement conclus en application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail et qui sont conformes aux dispositions de la loi du 19 janvier 2000 ; qu’ainsi, la circonstance que l’accord étendu a été conclu le 13 janvier 2000, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, ne fait pas obstacle à ce que sa validité soit appréciée au regard du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 19 janvier 2000 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-19 du code du travail : “La convention ou, à défaut, les accords d’entreprise sont négociés entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise au sens de l’article L. 132-2” ; que l’article L. 132-27 prévoit que l’employeur est tenu d’engager chaque année. avec l’ensemble des organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise, une négociation portant sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail ” ;

Considérant que l’accord du 13 janvier 2000 prévoit que les organisations syndicales signataires désignent, dans chaque caisse régionale, des “correspondants ” chargés de participer à un processus de concertation en vue de l’application locale de l’accord national ; que ce dispositif conventionnel de concertation n’a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de dispenser l’employeur de négocier annuellement, au sein de chaque caisse régionale, avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ; que l’accord étendu indique lui-même, sous la rubrique “ adaptation éventuelle du dispositif local ”, que le dispositif de concertation n’a pas vocation à se substituer à la négociation collective qui s’avérerait nécessaire pour compléter l’accord national par un accord d’entreprise ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que l’accord national exclurait illégalement des négociations d’entreprise les organisations syndicales représentatives non signataires ne soulève pas de difficulté sérieuse et doit être écarté ;

Considérant que l’article L. 212-8 du code du travail relatif aux conventions et accords collectifs organisant la modulation de la durée du travail sur l’année dispose que : “Les conventions et accords définis par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les modalités de recours au travail temporaire, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte .dans la modulation (...) ” ;

Considérant que l’accord du 13 janvier 2000 fixe les règles selon lesquelles est établi, au niveau de chacune des équipes, le programme indicatif de la modulation de la durée du travail ; qu’eu égard à son caractère national, ce texte ne pouvait détailler davantage le contenu de ce programme indicatif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’accord serait insuffisamment précis sur ce point doit être écarté ;

Considérant, par ailleurs, que si l’accord étendu ne fait aucune mention des conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation, il n’en résulte pas que cet accord serait, pour ce motif, illégal mais seulement que les employeurs signataires, comme le confirme en défense la fédération nationale du Crédit Agricole, ont entendu ainsi renoncer à la possibilité de recourir au chômage partiel, sauf àcompléter l’accord du 13 janvier 2000 par un aVenant précisant les conditions de recours à ce dispositif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’accord étendu serait, sur ce point, contraire à l’article L. 212-8 précité du code du travail ne soulève pas de contestation sérieuse et doit être écarté ;

Considérant, enfin, que l’article L. 212-15-3 du code du travail prévoit que les cadres qui ne sont ni dirigeants ni intégrés à l’horaire collectif de travail peuvent être soumis à des conventions de forfait calculé en jours sur l’année quand leur “ durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du degré d’autonomie dont ils bénéficient dans l’organisation de leur emploi du temps” ;

Considérant que l’accord étendu prévoit, dans le B du chapitre I de son annexe 2, que les cadres “ responsables d’activité” et ceux “chargés d’activité” responsables de la gestion d’un point de vente sont soumis à des conventions de forfait exprimé en jours sur l’année, compte tenu de la nature de leurs fonctions et de leur niveau de responsabilité et d’autonomie ; que si les requérants soutiennent que l’accord étendu est, sur ce point, contraire àl’article L. 212-15-3 du code du travail en ce qu’il soumet à des conventions de forfait annuel en jours des cadres dont la durée du temps de travail peut pourtant être prédéterminée, ils se bornent, pour critiquer la définition selon eux trop large de cette catégorie de cadres, à produire un contrat de travail individuel datant de 1990 et donc largement antérieur à l’entrée en vigueur de la classification des postes actuellement applicable et à affirmer en conséquence que l’ensemble des cadres faisant partie de la catégorie retenue auraient des horaires de travail prédéterminés ; que, par suite, le moyen ne peut être regardé comme soulevant une contestation sérieuse et doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et autres et l’UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 7 mars 2000 portant extension de l’accord national du l3 janvier 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d’une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer aux requérants les sommes qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, d’autre part, que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner les requérants à payer à la fédération générale agro-alimentaire CFDT et à la fédération nationale du Crédit Agricole les sommes que celles-ci demandent sur le même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et autres et de l’UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL sont rejetées.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la fédération générale agro-alimentaire CFDT et la fédération nationale du Crédit Agricole est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS, au SYNDICAT CFDT DU CREDIT AGRICOLE DE VENDEE, au SYNDICAT CFDT DU CREDIT AGRICOLE DU FINISTERE, au SYNDICAT CFDT DES SERVICES DE L’AGRICULTURE DE LOIRE-ATLANTIQUE, au SYNDICAT CFDT AGRO-ALIMENTAIRE DES SERVICES PROFESSIONNELS DU MAINE-ET-LOIRE AGRO SERVICE, au SYNDICAT GENERAL DE L’AGRO-ALIMENTAIRE CFDT DE LA SARTHE, à l’UNION NATIONALE DES SYNDICATS DES AGENTS DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL, à la fédération nationale du Crédit Agricole, à la fédération générale agro-alimentaire CFDT et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site