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Les incompatibilités ne sont pas uniquement fixées par le Code électoral

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Le régime des incompatibilités n’est pas fixé exclusivement par les dispositions du Code électoral, mais également par les textes relatifs à la profession ou l’activité en cause.

Quels textes sont susceptibles de fonder le régime des incompatibilités applicables à un mandat particulier ? A cette question, le Conseil d’Etat a apporté le 28 décembre 2001 (Elections du maire de Longeville-les-Metz) une réponse logique : le juge administratif doit retenir, outre les incompatibilités fixées par le Code électoral, celles relatives à la profession ou l’activité du candidat.

Dans le cadre de l’élection du maire de la commune de Longeville-les-Metz, un requérant avait saisi le juge administratif de la situation du premier magistrat de la commune au regard des dispositions applicables à sa profession d’expert en automobile. En effet, le requérant soutenait que cette fonction est incompatible avec l’exercice de la fonction de maire. Or, à la lecture du Code électoral, une telle incompatibilité n’est pas prévue. Quelle devait être l’attitude du juge face à une telle situation ?

Le Conseil d’Etat dans sa décision du 28 décembre 2001 balaye rapidement l’argument selon lequel le Code électoral fixe une liste limitative des cas d’incompatibilité. Il affirme, en effet, que "l’édiction d’une règle d’incompatibilité ayant pour objet de prohiber l’exercice simultané d’un mandat électif et celui d’une profession ou d’une activité peut résulter aussi bien des règles applicables à ce mandat électif que celles relatives à la profession et à l’activité en cause". Ainsi, dans le cadre de son contrôle des élections, le juge administratif est amené à apprécier la situation de tel ou tel candidat vis-à-vis du Code électoral mais également de tout texte législatif et réglementaire applicable aux professions dites réglementées..

En conséquence, parallèlement aux dispositions du Code électoral qui posent l’incompatibilité entre la fonction de maire et adjoint au maire ou de conseiller municipal et celles, par exemple, de préfets, membre de la police nationale ou de l’armée (L. 237 du Code électoral), de nombreux textes législatifs ou organiques propres aux diverses professions prévoyant de telles incompatibilités sont sucescptibles de s’appliquer.

Par exemple, la fonction de conseiller municipal est notamment incompatible avec celle de membre de tribunal administratif ou de cour administrative d’appel (article L. 231-5 du Code de justice administrative), avec la fonction de membre du Conseil constitutionnel (article 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique), du Conseil supérieur de l’audiovisuel (article 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).

En outre, dans le cadre de l’appréciation du régime des incompatibilités, le juge des élections ne va pas que rechercher si le mandat de conseiller municipal ou la fonction de maire est incompatible avec telle ou telle profession ; il va devoir aller plus loin dans le cadre de son analyse. En effet, il vérifiera également que l’activité exercée par le candidat n’est pas incompatible avec le statut ou les qualité conférés par la fonction de maire.

Plus précisément, aux termes du Code général des collectivités territoriales, le maire de la commune a notamment la qualité d’officier de police judiciaire et celle d’officier d’état-civil. En conséquence, les professions ou activités non-compatible avec ces qualités seront, par ricochet, incompatibles avec les fonctions de maire.

Ainsi, dans la présente affaire, le requérant relevait qu’aux termes de l’article L. 326-6 du Code de la route, l’exercice de la profession d’expert en automobile ne peut se conjuguer avec celles d’officier public et ministériel. Le juge a néanmoins estimé que les qualités d’officier de police judiciaire et d’officier d’état civil ne sauraient conférer au maire la détention d’une charge d’officier public ou ministériel. En conséquence, la requête a été rejetée.

Cette appréciation extensive des incompatibilités va devoir amener le juge à augmenter son corpus juridique de référence en y intégrant l’ensemble des textes législatifs et organiques des professions réglementées tout en gardant un oeil sur l’évolution du statut du maire, et notamment, des qualités acquises par ricochet, par les candidats lors de leur investiture.

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 14 juin 2002

 


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