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L’obligation de déclaration de patrimoine, condition essentielle de la transparence financière de la vie politique française

Par Benoit Tabaka

Dans un souci d’assurer une plus grande transparence de la vie politique française, la loi du 11 mars 1988 a institué un mécanisme permettant d’apprécier l’évolution de la situation patrimoniale de certains élus politiques et dirigeants d’organismes publics. Le but affiché était de s’assurer que les personnes assujetties n’ont pas bénéficié d’un enrichissement anormal du fait de leurs fonctions.

Les personnes visées par la déclaration de patrimoine

Depuis la loi du 11 mars 1988, la liste des personnes soumises à l’obligation de déclarer leur patrimoine s’est allongée. Il s’agit, aux termes de la loi du 11 mars 1988, des candidats à la présidence de la République, du président de la République, du Premier ministre, de l’ensemble des ministres et secrétaires d’Etat. Sont également concernés les présidents de conseil régional, le président de l’Assemblée de Corse , les présidents de conseil général, les présidents d’une assemblée territoriale d’outre-mer, les présidents élus d’un exécutif d’un TOM et les maires des communes de plus de 30000 habitants. En outre, l’article LO. 135-1 du Code électoral impose une obligation similaire aux députés et sénateurs. La loi du 8 février 1995 a étendu ces dispositions aux députés européens, au président du conseil exécutif de la Corse, aux présidents élus d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre dont la population excède 30000 habitants. Il en va de même, dès lors qu’ils sont titulaires d’une délégation de signature du président de l’exécutif, des conseillers régionaux, des conseillers exécutifs de la Corse, des conseillers généraux et des adjoints aux maires des communes de plus de 100000 habitants.

Les lois du 12 avril 1996 et du 19 mars 1999 imposent également de telles obligations à certains élus de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. Enfin, le décret du 1er septembre 1996 a étendu ces obligations aux dirigeants des établissements publics industriels et commerciaux, des entreprises nationales et de leurs filiales, des OPAC et OPHLM gérants plus de 2.000 logements, des SEM dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 millions de francs, et à ceux de la Poste.

Le dépôt de la déclaration de patrimoine

Les personnalités assujetties à cette obligation, doivent déposer une déclaration de situation patrimoniale au début et à la fin de leur mandat ou fonctions. Le dépôt est soumis à de strictes conditions de délais et le non-respect de cette obligation est sanctionné.

La déclaration de situation patrimoniale concerne la totalité des biens propres du déclarant ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l’article 1358 du Code civil. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration (élection, nomination, cessation des fonctions …). La déclaration est établie sur papier libre et doit être certifiée sur l’honneur, exacte et sincère. Elle doit, par ailleurs, revêtir la forme imposée par l’annexe du décret n° 96-7963 du 1er septembre 1996.

La Commission pour la transparence financière de la vie politique est seule compétente pour recevoir les déclarations de situation patrimoniale, sauf exception. Par exemple, la déclaration de patrimoine du président de la République et des candidats aux élections présidentielles est adressé au Conseil constitutionnel. Chaque déclaration de patrimoine est, soit déposée au siège de la Commission contre remise d’un récépissé, soit adressée au président de celle-ci par lettre avec accusé de réception.

En principe, chaque personnalité est soumise à deux déclarations. La première s ’effectue au début de l’exercice du mandat ou de la fonction. Elle doit parvenir à la Commission dans les deux mois qui suivent le début du mandat ou la prise de fonctions. Ce délai est ramené à un mois pour les dirigeants des organismes publics.

Une seconde déclaration s’effectue à la fin de l’exercice du mandat ou de la fonction. La déclaration doit alors parvenir à la Commission, s’agissant des élus, dans les deux mois qui précèdent la date normale d’expiration du mandat ou de la fonction. Lorsque le mandat ou la fonction prend fin avant sa date d’expiration normale pour une cause autre que le décès du titulaire, la déclaration doit parvenir à la Commission dans les deux mois qui suivent la fin du mandat ou de la fonction. Dans tous les cas, s’agissant des dirigeants des organismes publics, la déclaration doit être déposée dans le délai d’un mois après la fin des fonctions.

Un organe dénué de tout pouvoir d’investigation

La Commission est chargée d’apprécier la variation du patrimoine entre ces deux déclarations. Elle publie régulièrement au Journal officiel un rapport non nominatif retraçant les observations tirées des déclarations. Dans les cas où elle constate, après une procédure contradictoire, des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications, elle transmet le dossier au Parquet. En cas d ’inobservation de l’obligation de dépôt, les élus peuvent être frappés d’une inéligibilité d’un an et, la nomination d’un dirigeant d’un organisme public frappée de nullité.

Dans le cadre de son rapport pour l’année 2000, publié au Journal officiel du 9 mars 2001, la Commission a pointé du doigt un problème récurrent : le dépassement du délai imposé pour procéder au dépôt de la déclaration de patrimoine. En effet, jusqu’à présent, la Commission a adopté une interprétation souple de la loi en cas de non-respect des délais de dépôt des déclarations de patrimoine. Elle considérait que le retard de certains élus pouvait être imputé à la méconnaissance de la loi ou à une simple négligence qu’il paraissait excessif de sanctionner par une inéligibilité. Dans son rapport, elle indique, qu’il apparaît désormais, "plus d’une décennie après son entrée en vigueur, que les dispositions de la loi du 11 mars 1988 sont bien connues de l’ensemble des élus ou, à tout le moins, devraient l’être. Dès lors, à compter des élections cantonales et municipales de mars 2001, la Commission adoptera une position de plus grande fermeté vis-à-vis des manquements qu’elle constatera". Notamment, elle a indiqué que, après avoir rappelé aux personnes assujetties les obligations qui pèsent sur elles et les sanctions encourues, "il sera procédé sans rappel supplémentaire à la saisine des autorités compétentes, afin qu’elles prononcent les sanctions prévues par la loi".

L’article LO. 135-2 du Code électoral précise, quant à lui, que les déclarations déposées par le député ainsi que les observations qu’il a formulées, "ne peuvent être communiquées qu’à la demande expresse du déclarant ou de ses ayants droit ou sur requête des autorités judiciaires lorsque leur communication est nécessaire à la solution du litige ou utile pour la découverte de la vérité". Tel n’est pas le cas des déclarations déposées par le président de la République. Ces déclarations sont, en effet, publiées au Journal officiel.

Dans son rapport 2000, la Commission avait eu l’occasion, à propos de l’inexactitude des déclarations données, d’indiquer qu’elle n’a le pouvoir de contrôler que ce qui est déclaré et qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir d’investigation. Elle précisait à ce propos, qu’elle souhaitait "transmettre au parquet les déclarations en cause, dès lors que ces inexactitudes ou omissions paraîtraient révéler en réalité un manquement des intéressés à leurs obligations déclaratives, voire une éventuelle dissimulation de patrimoine". La Commission indiquait que, pour la première fois, un élu était poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour faux et usage de faux, en raison des inexactitudes mises à jour dans ses déclarations de patrimoine.

Une réforme des dispositions applicables ?

Dans son rapport, la Commission a, de nouveau, fait part des difficultés qu’elle rencontre dans l’application de la loi. Notamment, elle souhaite limiter le nombre de personnes assujetties en instituant un seuil, exprimé en montant du chiffre d’affaires, "en deçà duquel les dirigeants des filiales des entreprises nationales et des EPIC ne seraient plus soumis à l’obligation de déclaration patrimoniale". "C’est à ce prix seulement que la Commission pourra appréhender un nombre raisonnable de sociétés et de mandats et exercer un contrôle crédible et efficace sur une population resserrée", a-t-elle indiqué.

En outre, elle a proposé de doubler la durée du délai laissé aux dirigeants d’entreprises publiques pour déposer leur déclaration de patrimoine, afin de l’aligner sur celui accordé aux élus. Enfin, elle souhaite la suppression de la référence aux directeurs généraux adjoints dans la loi. "La rédaction actuelle apparaît en effet inutile et conduit à doubler le nombre de dirigeants assujettis tout en étant source de confusion ".

La Commission évoque également deux autres réformes. En premier lieu, elle souhaite que les personnes assujetties à l’obligation de déclarer leur patrimoine soient également tenues de déclarer leurs revenus, "tant il est clair qu’il est difficile d’apprécier la variation d’un patrimoine sans connaître la capacité d’épargne de l’intéressé". En second lieu, et afin de garantir la sincérité des déclarations, la Commission souhaite pouvoir disposer de la faculté d’exiger des personnes assujetties qu’elles communiquent les déclarations qu’elles ont souscrites au titre de l’impôt sur le revenu, et le cas échéant, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Benoit Tabaka

© - Tous droits réservés - Benoit Tabaka - 26 juillet 2001

 


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