Référence : CE, Assemblée, 6 avril 2001, Gaston Flosse, n° 227063
Gaston Flosse demandait au juge administratif l’annulation de la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 août 2000 relative à la limitation du cumul des mandats et des fonctions électives. Ce texte avait été adopté à la suite de la réforme des lois relatives au cumul des mandats. Par une loi organique du 5 avril 2000, le Parlement a modifié l’article LO. 141 du Code électoral pour poser le principe selon lequel un mandat de député et donc, celui d’un sénateur par application de l’article LO. 297, est incompatible avec l’exercice de plus d’un mandat local, qu’il s’agisse d’un mandat de conseiller municipal d’une commune de plus de 3.500 habitants, de conseiller de Paris, de conseiller général, de conseiller régional ou de conseiller à l’Assemblée de Corse.
L’article LO. 151-1 ajoute que tout député ou sénateur qui acquiert un mandat électoral propre à le placer dans un des cas d’incompatibilités postérieurement à son élection à l’Assemblée nationale - ou au Sénat - dispose pour démissionner du mandat de son choix, d’un délai de trente jours, à compter de la date d’élection qui l’a mis en situation d’incompatibilité.
Un article de ladite loi organique est venu, néanmoins, pondérer ces dispositions. L’article 18 précise en effet que « tout parlementaire qui se trouve, à la date de la publication de la présente loi, dans l’un des cas d’incompatibilité qu’elle institue doit faire cesser cette incompatibilité au plus tard lors du renouvellement de son mandat parlementaire ».Une question centrale se posait donc, lors de la publication de cette disposition : les incompatibilités seront-elles applicables dès les élections du mois de mars 2001, ou lors du renouvellement du Sénat ou de l’Assemblée nationale, programmé respectivement pour le mois de mai 2001 et au cours du printemps 2002.
Le Gouvernement se tourna donc, face à ce flou législatif, vers le Conseil d’Etat. Le juge administratif, dans un avis de la Section de l’Intérieur, en date du 11 juillet 2000 indiqua que les prescriptions de l’article 18 de la loi du 5 avril 2000 « n’autorisent pas un député ou un sénateur qui se trouvait en situation d’incompatibilité à la date de publication de la loi organique, à acquérir ou à renouveler après cette date un mandat qu’il exerçait alors en méconnaissance des prescriptions de l’article LO. 141 du Code électoral. ». Ainsi tout renouvellement de mandat constituerait, en droit, l’acquisition d’un nouveau mandat propre à placer le parlementaire dans une situation d’incompatibilité.
Reprenant cette position du Conseil d’Etat, le ministre de l’Intérieur indiqua dans sa circulaire du 28 août 2000 qu’un parlementaire national qui se trouvait en situation d’incompatibilité à la date de publication de la loi devra faire cesser cette situation au plus tard lors du renouvellement de son mandat parlementaire. Ainsi, il pouvait légalement, dans ce contexte, se trouver en situation d’incompatibilité jusqu’à cette échéance. Toutefois, si, avant cette échéance, il acquit (par élection, réélection ou remplacement d’un conseiller municipal ou régional pour les suivants de liste) un mandat le plaçant en situation d’incompatibilité, les modalités prévues à l’article L.O.151-1 du code électoral s’appliqueraient alors.
Cette position avait été à nouveau affirmée, au cours du mois de décembre 2001, dans une réponse ministérielle. « Un député ou un sénateur en situation de cumul prohibé (...), peut légalement le rester jusqu’à la date de renouvellement de son mandat parlementaire dans l’hypothèse où aucun de ses autres mandats n’arrive à expiration avant cette date ».
Seulement par un arrêt en date du 6 avril 2001, le Conseil d’Etat statuant en Assemblée est venu se contredire, ou plutôt infirmer la position qu’il avait prise quelques mois auparavant en qualité de conseil du gouvernement. Dans sa décision, le juge a estimé qu’il résulte des termes de la loi et de l’ensemble des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de loi, que l’article 18 « réserve au député ou au sénateur qui se trouve, à la date de publication de la loi organique du 5 avril 2000, dans l’un des cas d’incompatibilité qu’elle institue, la faculté de ne pas mettre fin à cette situation avant la date du renouvellement de son mandat parlementaire ». Il a alors distingué deux situations.
Premièrement, si le député ou le sénateur acquiert un nouveau mandat local pendant la période transitoire instituée par la loi organique, il se trouve de ce fait placé dans un cas d’incompatibilité différent de celui constaté à la date de publication de la loi. En conséquence, l’article LO. 141 du Code électoral s’applique immédiatement et le parlementaire est contraint d’abonné un de ses mandats.
Deuxièmement, si le député ou sénateur renouvelle et non acquiert, l’un de ses mandats locaux qu’il détenait à la date de publication de la loi organique, il demeure, selon les termes du Conseil d’Etat, dans la même situation d’incompatibilité que celle qui existait à la date de promulgation de la loi organique. Le parlementaire n’est donc pas tenu de mettre fin immédiatement à la situation d’incompatibilité le frappant. Il devra y mettre fin lors du renouvellement de son mandat de député ou de sénateur.