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Le vote électronique n’est pas le vote de demain

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Même si de nombreuses expériences commencent à naître un peu partout en Europe, le ministre de l’Intérieur rejette pour le moment la mise en place d’un vote totalement électronique en France.

Référence : Rép. Min. Abelin, 26 mars 2001, JOAN

« Elections législatives , plus de 30 % d’abstentions ; référendum sur le quinquennat, près de 70 % d’abstentions ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes pour Alain Ferry, député UDF du Bas-Rhin : l’abstention reste forte à l’occasion des diverses échéances électorales. Afin de la réduire de manière conséquente, ce dernier a déposé le 27 mars à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à autoriser le vote à domicile via Internet.

Traduit juridiquement par un unique article, le texte déposé sur le bureau du Président de l’Assemblée nationale précise que « le vote à domicile au moyen d’ordinateurs connectés au réseau Internet est autorisé ». Des décrets d’application viendraient, par la suite, garantir l’anonymat, le secret et la sécurité du vote.

Le but affiché par le député est très simple. « A l’heure où se développent les moyens modernes de communications, via le multimédia, ne serait-il pas temps de donner la possibilité à nos concitoyens d’exprimer leur choix sur le web, directement de chez eux », indique-t-il dans les motifs de sa proposition de loi. « L’organisation de ce e-vote qui permettra de faciliter l’acte civique en lui-même et de séduire un électorat plus jeune, fera bien sûr l’objet de nombreux essais et pourrait être rodé sur des élections locales », ajoute-t-il.

En théorie intéressant, le vote électronique soulève néanmoins de nombreux problèmes, rappelés récemment par le ministre de l’Intérieur dans une réponse à un député en date du 26 mars 2001. Le membre du Gouvernement estime que le vote par Internet ne remplit pas, actuellement, les conditions permettant son institution, « pour des raisons qui tiennent principalement à l’absence de certitude quant au caractère personnel du choix émis par l’électeur ». En particulier, l’absence de passage dans l’isoloir ne permet pas de protéger l’électeur contre une éventuelle pression extérieure. En outre, l’absence de comparution personnelle de l’électeur, lors du vote, devant une autorité indépendante ouvre la voie à un risque important de fraudes. De manière analogue, ces craintes avaient abouti à la suppression du vote par correspondance par la loi du 31 décembre 1975.

Le ministre de l’Intérieur ne balaye pas pour autant l’idée. En effet, il précise dans sa réponse que « l’usage d’urnes électroniques semble plus pertinent ». L’existence de telles machines à voter enregistrant le vote de l’électeur, totalisant automatiquement le nombre de votants et de suffrages exprimés pour chaque liste, avait été insérée en 1969 dans le Code électoral. Or, cette expérience s’était soldée par un échec en raison de la défaillance répétée des machines et d’un coût de maintenance très élevé. Les dernières machines de ce type ont disparu en 1986, laissant cependant leurs empreintes dans l’histoire, les musées et le Code électoral.

En effet, celui-ci prévoit dans ses articles L. 57-1 et suivants, toujours en vigueur, la possibilité d’utiliser de telles machines dans les bureaux de vote des communes de plus de 3.500 habitants, figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État. Les machines doivent recevoir auparavant un agrément donné par le ministre de l’Intérieur qui vérifiera, notamment, qu’elle satisfassent à l’obligation du vote secret et personnel.

La fiabilité accrue de ces matériels, et les expériences positives qui ont eu cours dans divers États de l’Union européenne, semble redonner un second souffle à ces dispositifs, première étape vers une généralisation du vote électronique trop précoce aujourd’hui en France. Aux États-Unis, les premiers tests de vote totalement électronique ont eu lieu en Californie et en Arizona, lors des dernières élections présidentielles. « Le problème de toute élection est que le processus de vérification est laborieux et sujet aux erreurs », avait affirmé le 8 novembre dernier, Jim Adler, directeur de la société organisant ce premier e-vote. « Mais avec l’Internet, cette étape se fait automatiquement et rapidement ». Le vote électronique a donc de l’avenir. Si, dans un premier temps, le e-vote n’atténue pas le taux d’abstention, il permettra d’améliorer le décompte des votes notamment dans le cas d’importantes échéances électorales.

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 3 avril 2001

 


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