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Il résulte des principes généraux du droit applicables à l’extradition que celle-ci peut être refusée si elle est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son état de santé

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 313645

M. M.

Mme Catherine Chadelat
Rapporteur

M. Frédéric Lenica
Commissaire du gouvernement

Séance du 1er octobre 2008
Lecture du 29 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 2 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Mohamed M. ; M. M. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret du 21 février 2007 accordant son extradition aux autorités marocaines ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition conclue entre la France et le Maroc le 5 octobre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. M.,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant que le décret du 21 février 2007 accordant l’extradition de M. Mohamed M. aux autorités marocaines a été signé par le Premier ministre et par le garde des sceaux, ministre de la justice ; que la circonstance que l’ampliation remise à l’intéressé n’ait pas été revêtue de ces signatures est sans influence sur la légalité de ce décret ;

Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition conclue entre la France et le Maroc le 5 octobre 1957 : " La demande d’extradition (.) sera accompagnée de l’original ou de l’expédition authentique soit d’une décision de condamnation exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt ou de toute autre acte ayant la même force et décerné dans les formes prescrites par la loi de l’Etat requérant " ; qu’il ressort des pièces du dossier que, si l’ordre international d’arrestation du 19 juillet 2004 qui fonde la demande d’extradition de M. M. ne comporte pas la signature du Procureur du Roi du Maroc, celle-ci figure sur les autres pièces accompagnant la demande ; qu’en outre, le document attesté comporte le cachet du tribunal de première instance de Tanger ; qu’ainsi, son authenticité ne saurait être contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 34 de la convention précitée ne peut qu’être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant qu’il résulte des principes généraux du droit applicables à l’extradition que celle-ci peut être refusée si elle est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son état de santé ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. M. est atteint d’une leucémie aiguë myéloïde qui s’est brusquement révélée le 5 mars 2007, alors qu’il était sous écrou extraditionnel, entraînant sa remise en liberté d’office et son hospitalisation d’urgence ; qu’à cette date, le pronostic vital de l’intéressé était engagé à 180 jours, le pronostic à moyen terme n’étant pas prévisible ; que l’intéressé est actuellement dans une rémission complète, son état nécessitant toutefois des contrôles médicaux spécialisés dont il soutient ne pouvoir bénéficier dans son pays d’origine ;

Considérant, toutefois, qu’il ressort des mêmes pièces que l’intéressé, qui ne souffrait d’aucun antécédent, ne présentait aucune pathologie au jour où a été pris le décret attaqué, le 21 février 2007 ; que la circonstance que son état de santé se soit brutalement détérioré peu après est sans incidence sur la légalité de ce décret alors qu’au surplus, les autorités françaises ont recherché auprès des autorités du Maroc et obtenu d’elles, le 23 avril 2008, des garanties appropriées quant à la surveillance médicale et aux soins médicaux qui devraient lui être éventuellement apportés pour faire en sorte que son extradition ne l’expose pas à des risques exceptionnels eu égard à son état de santé ; qu’ainsi, en estimant que la remise de M. M. aux autorités marocaines ne risquait pas d’entraîner des conséquences d’une gravité exceptionnelle, les auteurs du décret attaqué n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ni d’erreur de droit ;

Considérant, enfin, que si une décision d’extradition est susceptible de porter atteinte, au sens de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au droit au respect de la vie familiale, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d’extradition, qui est de permettre, dans l’intérêt de l’ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l’étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l’exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l’étranger pour de tels crimes ou délits ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la convention susvisée doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. M. n’est fondé à demander ni l’annulation du décret du 21 février 2007 accordant son extradition aux autorités marocaines, ni à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. M. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed M. et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

 


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