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Conseil d’Etat, 17 octobre 2008, n° 295388, Association France Nature Environnement et autres

L’administration est tenue, à l’occasion d’une décision d’autorisation d’expérimentation d’organismes génétiquement modifiés, de vérifier les conditions précises dans lesquelles s’inscrit cette expérience et en particulier si, en raison de circonstances physiques ou climatiques, il peut exister un risque de diffusion des organismes autorisés dans l’environnement immédiat ou plus lointain du lieu d’expérimentation. L’évaluation de ce risque suppose nécessairement que le dossier soumis à l’examen de la commission de génie biomoléculaire comporte l’indication de la localisation des expérimentations et des renseignements précis sur les caractéristiques des sites d’expérimentation et les risques particuliers qu’ils sont susceptibles de présenter.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 295388, 295760

ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et autres

M. Laurent Cabrera
Rapporteur

M. François Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 10 septembre 2008
Lecture du 17 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu, 1°), sous le n° 295388, la requête, enregistrée le 17 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, dont le siège est Réseau Juridique 10 rue Barbier au Mans (72000) ; l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 19 mai 2006 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a autorisé, à la demande de la société Pioneer Génétique SARL, la dissémination volontaire dans l’environnement, en vue de leur testage, de maïs génétiquement modifiés, à toute autre fin que la mise sur le marché, dans le cadre d’un programme expérimental de quatre ans sur le territoire de plusieurs communes ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°), sous le n° 295760, l’ordonnance enregistrée le 24 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulouse a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la confédération paysanne du département du Tarn-et-Garonne et autres ;

Vu, la requête, enregistrée le 27 juin 2006 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, présentée pour la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE, dont le siège est 9 rue du Fort à Montauban (82000), la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE, dont le siège est Maison de l’Agriculture 61 allée de Brienne à Toulouse Cedex (31069), la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est 81 avenue de la République à Bagnolet (93170) ; la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE et autres demandent :

1°) d’annuler la décision du 19 mai 2006 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a autorisé, à la demande de la société Pioneer Génétique SARL, la dissémination volontaire dans l’environnement, en vue de leur testage, de maïs génétiquement modifiés, à toute autre fin que la mise sur le marché, dans le cadre d’un programme expérimental de quatre ans sur le territoire des communes de Balignac, Castelsarrazin, Montauban (Tarn-et-Garonne) et Daux (Haute-Garonne) ;

2°) que soit mis à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 septembre 2008 présentée par le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention d’Aarhus ;

Vu la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l’utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés ;

Vu le décret n° 93-1177 du 18 octobre 1993 ;

Vu l’arrêté du 21 septembre 1994 relatif au dossier de demande de dissémination volontaire dans l’environnement à toute autre fin que la mise sur le marché et au dossier de mise sur le marché de plants, semences ou plantes génétiquement modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la société Société Pioneer Génétique Sarl,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes présentées par L’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et par la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE et autres tendent à l’annulation de la décision du 19 mai 2006 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a autorisé, à la demande de la société Pioneer Génétique, la dissémination volontaire dans l’environnement de maïs génétiquement modifiés, à toute autre fin que la mise sur le marché, dans le cadre de programmes expérimentaux, sur le territoire de plusieurs communes ; que ces requêtes présentent à juger la même question ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il soit statué par une seule décision ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la société Pioneer Génétique :

Considérant que, la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE et la CONFEDERATION PAYSANNE ayant produit leurs statuts et ayant établi chacune que l’auteur du présent pourvoi avait été régulièrement habilité pour ce faire, les fins de non recevoir opposées par la société Pioneer Génétique ne peuvent qu’être écartées ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes ;

Considérant que l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN ET GARONNE et autres soutiennent que la décision attaquée a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, la commission du génie biomoléculaire ayant rendu son avis au vu d’un dossier technique qui ne comportait pas de données suffisantes, notamment sur la localisation des opérations de dissémination envisagées ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 531-4 du code de l’environnement, la commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire est chargée d’évaluer les risques liés à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés ; qu’aux termes de l’article L. 533-3 du même code : " toute dissémination volontaire, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable. / Cette autorisation est délivrée par l’autorité administrative après examen des risques que présente la dissémination pour la santé publique et pour l’environnement " ; que le décret du 18 octobre 1993 pris pour l’application de ces dispositions prévoit dans son article 2 : " I La demande d’autorisation (.) est adressée au ministre chargé de l’agriculture. (.) Elle est accompagnée d’un dossier technique dont le contenu est fixé par arrêté du ministre de l’agriculture (.) II. Ce dossier comporte notamment 1° Tous les éléments permettant d’évaluer l’impact des essais sur la santé publique et sur l’environnement " ; qu’aux termes du II de l’article 3 de ce même décret : " dès que le dossier de demande d’autorisation est complet, le ministre chargé de l’agriculture. transmet pour avis la demande à la commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire " ; qu’enfin, aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 21 septembre 1994 pris en application des dispositions précitées de l’article 2 du décret du 18 octobre 1993 : " Toute demande de dissémination volontaire dans l’environnement prévue au chapitre Ier du décret n° 93-1177 du 18 octobre 1993 susvisé est assortie d’un dossier technique comprenant les renseignements suivants : (.) E. - Informations concernant le site de dissémination / 1. Localisation et étendue des sites de dissémination. / 2. Description de l’écosystème du site de dissémination, y compris le climat, la flore et la faune. / 3. Présence d’espèces apparentées sauvages sexuellement compatibles ou d’espèces végétales cultivées sexuellement compatibles. / 4. Proximité de biotopes officiellement reconnus ou de zones protégées susceptibles d’être affectées. " ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’administration est tenue, à l’occasion d’une décision d’autorisation d’expérimentation d’organismes génétiquement modifiés, de vérifier les conditions précises dans lesquelles s’inscrit cette expérience et en particulier si, en raison de circonstances physiques ou climatiques, il peut exister un risque de diffusion des organismes autorisés dans l’environnement immédiat ou plus lointain du lieu d’expérimentation ; que l’évaluation de ce risque suppose nécessairement que le dossier soumis à l’examen de la commission de génie biomoléculaire comporte l’indication de la localisation des expérimentations et des renseignements précis sur les caractéristiques des sites d’expérimentation et les risques particuliers qu’ils sont susceptibles de présenter ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la commission du génie biomoléculaire, qui a rendu le 27 janvier 2006 un premier avis au vu, notamment, de l’indication des régions et départements concernés, a ensuite été informée de la liste des communes dans lesquelles " pourra être implanté le programme d’essai " ; que, à supposer même que l’administration ait informé la commission plus précisément sur la localisation du programme d’essai, cette seule information complémentaire ne pouvait être regardée comme satisfaisant aux exigences réglementaires en la matière, faute d’être accompagnée, notamment, des renseignements prévus au E. de l’article 1er de l’arrêté du 21 septembre 1994 susmentionné ; qu’ainsi, l’administration ne peut être regardée comme ayant mis la commission du génie biomoléculaire à même de porter, sur les risques liés à l’expérimentation, l’appréciation qui lui incombe ; qu’eu égard à l’importance que revêtent, dans la procédure d’examen de la demande d’autorisation, ces informations et l’avis de la commission du génie biomoléculaire qui se prononce au vu de ce dossier, cette irrégularité est de nature à vicier la décision attaquée ; qu’ainsi l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT ainsi que la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE, la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE et la CONFEDERATION PAYSANNE sont fondées à soutenir que la décision du ministre de l’agriculture du 19 mai 2006 a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat le versement à l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT d’une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’au titre des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 650 euros chacune à la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE, à la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE et à la CONFEDERATION PAYSANNE ; qu’en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 5 000 euros que la société Pioneer Génétique demande au titre des frais exposés par elle devant le conseil d’Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 19 mai 2006 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a autorisé, à la demande de la société Pioneer Génétique, la dissémination volontaire dans l’environnement de maïs génétiquement modifiés, à toute autre fin que la mise sur le marché, dans le cadre de programmes expérimentaux, sur le territoire de différentes communes est annulée.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 2 000 euros à l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, et une somme de 650 euros chacune à la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE, à la CONFEDERATION PAYSANNE ainsi qu’à la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Pioneer Génétique tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, à la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DU TARN-ET-GARONNE, à la CONFEDERATION PAYSANNE DU DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE, à la CONFEDERATION PAYSANNE, au ministre de l’agriculture et de la pêche et à la société Pioneer Génétique.

 


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