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Conseil d’Etat, 6 octobre 2008, n° 289492, Vladimir D.

Les dispositions de l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énumèrent de manière limitative les catégories d’étrangers pour lesquels, par dérogation aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, les décisions opposant un refus de visa doivent être motivées.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 289492

M. Vladimir D.

Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur

Mlle Célia Verot
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 septembre 2008
Lecture du 6 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Vladimir D., demeurant chez son fils, M. Viatcheslav D. ; M. D. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France du 17 novembre 2005 lui refusant un visa d’entrée et de long séjour en France ;

2°) d’enjoindre au ministre des affaires étrangères de lui délivrer le visa demandé dans un délai d’un mois ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de visa dans un délai d’un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par une décision du 30 décembre 2004, confirmée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France du 17 novembre 2005, le consul général de France à Moscou a refusé de délivrer un visa de long séjour à M. Vladimir D. en qualité d’ascendant à charge de ressortissant français ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des affaires étrangères ;

Sur la légalité externe :

Considérant que les dispositions de l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énumèrent de manière limitative les catégories d’étrangers pour lesquels, par dérogation aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, les décisions opposant un refus de visa doivent être motivées ; qu’il découle de ces dispositions que, dans les cas qu’elles énumèrent, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France est tenue, lorsqu’elle confirme un refus de visa opposé par une autorité diplomatique ou consulaire, de motiver sa décision ; qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D., ressortissant russe dont l’un des enfants résidant en France est de nationalité française, entre à ce titre dans l’une des catégories d’étrangers énumérées par l’article L. 211-2 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit (.) comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a suffisamment motivé sa décision en indiquant qu’elle s’est fondée d’une part, sur l’insuffisance des ressources personnelles de M. D., constituées d’une pension de retraite d’un montant équivalent à 130 euros par mois, pour financer un séjour de longue durée en France, d’autre part, sur le fait qu’il ne pouvait être regardé comme ascendant à charge, faute de justifier de la réalité et de la régularité de versements monétaires effectués par son fils ;

Sur la légalité interne :

Considérant que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande tendant à la délivrance d’un visa de long séjour par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité d’ascendant à charge de ressortissant français, les autorités consulaires peuvent légalement fonder leur décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu’il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu’il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ;

Considérant que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France est fondée sur d’autres motifs que la décision du consul général de France à Moscou, à laquelle elle s’est substituée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision initiale reposerait sur un motif insusceptible de la justifier légalement est inopérant ;

Considérant que le moyen tiré de ce que M. D. remplirait les conditions d’obtention d’une carte de résident est inopérant dans le cadre de la présente instance, relative à la légalité du refus de visa opposé à M. D. ;

Considérant, toutefois, que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le fils du requérant ne justifiait pas pourvoir régulièrement aux besoins de son père au seul motif que les virements bancaires de 8 000 et 9500 euros effectués respectivement le 21 novembre 2003 et le 21 décembre 2004 étaient libellés à l’ordre de l’épouse du requérant ; qu’en effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que les époux D., mariés sous le régime de la communauté, auraient été séparés ; que l’autre motif sur lequel s’est fondé la commission, tiré de ce que le requérant ne disposait pas de ressources personnelles suffisantes pour financer un séjour de longue durée en France, ne saurait à lui seul justifier légalement la décision attaquée ;

Mais considérant que l’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu’il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif ; que dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre des affaires étrangères invoque, dans son mémoire en défense communiqué à M. D., un autre motif tiré de ce qu’eu égard, notamment, à la circonstance que M. D. percevait une pension de retraite d’un montant substantiellement supérieur au montant du minimum vital établi par le gouvernement russe pour un retraité, dont la pertinence n’est pas contestée, il ne pouvait être regardé comme étant à la charge de son fils ; qu’en invoquant ce nouveau motif, le ministre ne s’est pas borné à apprécier le niveau des ressources propres de M. D. par rapport au seul revenu minimum local, mais a estimé que la pension de M. D. lui permettait de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes ; qu’un tel motif est de nature à justifier légalement la décision attaquée ; qu’il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution demandée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. D. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France du 17 novembre 2005 ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. D., n’implique pas que l’administration délivre un visa au requérant ou réexamine sa demande de visa ; qu’il s’ensuit que les conclusions à fin d’injonction présentées par M. D. ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. D. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Vladimir D. et au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

 


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