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Conseil d’Etat, 30 juillet 2008, n° 310250, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales c/ M. Y.E.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions, et notamment de celles du paragraphe 2 de l’article 5 et de l’article 10, que les critères prévus à l’article 10 du règlement ne sont susceptibles de s’appliquer que lorsque le ressortissant d’un pays tiers présente une demande d’asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l’un ou l’autre des Etats membres. En particulier, les dispositions de cet article ne s’appliquent pas lorsque le ressortissant d’un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d’asile dans un Etat membre après s’être vu refuser l’asile par un autre Etat membre.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 310250

MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
c/ Y. E.

M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur

Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 20 juin 2008
Lecture du 30 juillet 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 26 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le ministre demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 12 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a prononcé la suspension de l’exécution de l’arrêté du préfet du Rhône en date du 28 septembre 2007 décidant la remise de M. Sultan Y. E. aux autorités italiennes et enjoint au préfet du Rhône de délivrer à de M. Y. E. le titre de séjour prévu par l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par M. Y. E. devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a suspendu l’exécution de l’arrêté en date du 28 septembre 2007 par lequel le préfet du Rhône a décidé la remise aux autorités italiennes de M. Y. E. ;

Considérant qu’aux termes de l’article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers : " 1. Les Etats membres examinent toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers à l’un quelconque d’entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l’Etat membre concerné. La demande d’asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (.) " ; qu’aux termes de l’article 4 de ce règlement : " 1. Le processus de détermination de l’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un Etat membre (.) " ; qu’aux termes de l’article 5 du même règlement : " 1. Les critères pour la détermination de l’Etat membre responsable qui sont établis s’appliquent dans l’ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre./ 2. La détermination de l’Etat membre responsable en application des critères se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur d’asile a présenté sa demande pour la première fois auprès d’un Etat membre " ; que les articles 6 à 10 du règlement fixent les critères permettant de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile ; qu’aux termes de l’article 10 : " 1. Lorsqu’il est établi (.) que le demandeur d’asile a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un Etat membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande d’asile. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière./ 2. Lorsqu’un Etat membre ne peut, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 et qu’il est établi (.) que le demandeur d’asile qui est entré irrégulièrement sur les territoires des Etats membres ou dont les circonstances de l’entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un Etat membre pendant une période continue d’au moins cinq mois avant l’introduction de sa demande, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande d’asile (.) " ; qu’aux termes de l’article 16 du même règlement : " 1. L’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile en vertu du présent règlement est tenu de : (.)/ e) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le ressortissant d’un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre Etat membre./ 2. Si un Etat membre délivre au demandeur d’asile un titre de séjour, les obligations prévues au paragraphe 1 lui sont transférées (.) " ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions, et notamment de celles du paragraphe 2 de l’article 5 et de l’article 10, que les critères prévus à l’article 10 du règlement ne sont susceptibles de s’appliquer que lorsque le ressortissant d’un pays tiers présente une demande d’asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l’un ou l’autre des Etats membres ; qu’en particulier, les dispositions de cet article ne s’appliquent pas lorsque le ressortissant d’un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d’asile dans un Etat membre après s’être vu refuser l’asile par un autre Etat membre ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. Y. E., ressortissant érythréen, est entré irrégulièrement en France en 2006, sans document d’identité ; qu’ayant déclaré être mineur à cette date, il a été confié, par une ordonnance du juge des tutelles en date du 15 septembre 2006, au service de protection de l’enfance du conseil général du département du Rhône et a sollicité auprès du préfet du Rhône son admission au séjour en qualité de demandeur d’asile ; que, toutefois, le relevé des empreintes digitales de M. Y. E., réalisé le 11 avril 2007 dans le cadre de l’instruction de sa demande, a permis d’établir qu’il avait formé, le 12 novembre 2005, une demande d’asile auprès des autorités italiennes, qui avait été rejetée le 10 janvier 2006 ; que le préfet a adressé aux autorités compétentes italiennes une demande de reprise en charge de l’intéressé, sur le fondement de l’alinéa e) du paragraphe 1 de l’article 16 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, à laquelle les autorités italiennes ont donné leur accord le 29 mai 2007 ; que, par décision du 28 septembre 2007, le préfet du Rhône a décidé de remettre M. Y. E. aux autorités italiennes ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’en retenant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article 10 du règlement du Conseil du 18 février 2003 était, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision du préfet du Rhône décidant la remise de M. Y. E. aux autorités italiennes, alors qu’il n’était pas contesté que l’intéressé avait formé, le 12 novembre 2005, une demande d’asile auprès des autorités italiennes, rejetée le 10 janvier 2006, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant que si M. Y. E. soutient que la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes méconnaît les articles 10 et 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, aucun de ces moyens n’est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; qu’ainsi, l’une des conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’étant pas remplie, la demande de suspension de M. Y. E. ne peut qu’être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 pour les frais qu’il a exposés devant le tribunal administratif de Lyon et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 12 octobre 2007 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. Y. E. devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DE L’INTEGRATION, DE L’IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Sultan Y. E..

 


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