CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 278975
M. G.
M. Laurent Cabrera
Rapporteur
M. François Séners
Commissaire du gouvernement
Séance du 9 avril 2008
Lecture du 26 mai 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Bernard G., en son nom et en celui de la FEDERATION DES AYANTS DROIT DE SECTION DE COMMUNE ; M. G. demande au Conseil d’Etat d’annuler les dispositions relatives aux sections de commune de la circulaire du 10 septembre 2004 du ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et du ministre délégué à l’intérieur relative à l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ensemble la décision implicite de refus de retrait de ces dispositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur,
les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le 10 septembre 2004, le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministre délégué à l’intérieur ont pris une circulaire relative à l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ; que M. G. demande l’annulation des dispositions de la circulaire relatives aux sections de commune et du refus implicite de les retirer qui lui a été opposé par les ministres ;
Sur les conclusions dirigées contre les dispositions de la circulaire relatives à l’article 128 de la loi :
Considérant que l’interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions, l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ;
Considérant que, dans ses dispositions relatives à l’article 128 de la loi, la circulaire indique que la loi assouplit les conditions de transfert à la commune des biens, droits et obligations des sections de communes fixées par l’article L. 2411-12 du code général des collectivités territoriales et mentionne que cet article détermine les cas dans lesquels le préfet peut prononcer, à la demande du conseil municipal de la commune concernée, le transfert à la commune des biens, droits et obligations des sections de communes, pour des motifs liés à des présomptions de dysfonctionnement, notamment financier, de la section ou d’absence de mobilisation des ayant droit de la section ; que ces dispositions, qui se bornent à attirer l’attention de ses destinataires sur le contenu de l’article 128 de la loi susmentionnée du 13 août 2004, n’édictent pas de règles impératives et ne sauraient être regardées comme faisant grief ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de M. G. tendant à leur annulation sont irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre les dispositions de la circulaire relatives aux articles 126 et 127 de la loi :
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ;
Considérant, en premier lieu, que M. G. soutient que la décision implicite de rejet de la demande de retrait des dispositions de la circulaire relatives aux articles 126 et 127 de la loi méconnaît les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ; que le refus de retirer ces dispositions de la circulaire n’entre dans aucune des catégories d’actes que les dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 soumettent à l’obligation de motivation ; qu’il suit de là que le moyen soulevé à ce titre par M. G. ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la méconnaissance des dispositions de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, faisant obligation à l’autorité administrative d’accuser réception des demandes qui lui sont adressées, est sans incidence sur la légalité de la décision rejetant une demande ; que, par suite, le moyen tiré de cette méconnaissance ne peut, en tout état de cause, qu’être rejeté ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de la circulaire du 10 septembre 2004 relatives aux sections de commune, qui se bornent à préciser à leurs destinataires l’interprétation qu’il convient de faire des dispositions des articles 126 et 127 de la loi du 13 août 2004, à la lecture notamment des travaux parlementaires, ainsi que les conséquences qu’il y a lieu d’en tirer, n’ont ni pour objet ni pour effet d’édicter des règles nouvelles ; qu’ainsi, M. G. n’est pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient été prises par une autorité incompétente ;
Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne peut utilement, à l’appui de ses conclusions dirigées contre les dispositions litigieuses de la circulaire, se prévaloir devant le juge administratif des dispositions de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dès lors que la circulaire est intervenue conformément aux dispositions de la loi du 13 août 2004 ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. G. ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article 17 de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen du 10 décembre 1948, la seule publication faite au Journal officiel du 9 février 1949 du texte de cette déclaration ne permettant pas de ranger cette dernière au nombre des engagements internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont une autorité supérieure à celle de la loi en vertu de l’article 55 de la Constitution ;
Considérant, en sixième lieu, que, si M. G. est recevable à se prévaloir des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon lesquelles : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international", les dispositions de la circulaire relatives aux articles 126 et 127 de la loi du 13 août 2004, qui réitèrent ces deux articles, ont pour objet et pour effet, non pas de priver les sections de communes de leurs droits de propriété, mais de déterminer, conformément à l’intérêt général, les modalités de la gestion des biens et droits des sections de communes, dans des cas limitativement prévus de dysfonctionnements dans l’administration des sections ; que, par suite, ce moyen ne peut qu’être écarté ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. G. tendant à l’annulation des dispositions de la circulaire du 10 septembre 2004 relatives aux sections de communes et, par suite, ses conclusions tendant à l’annulation du refus implicite de les retirer qui lui a été opposé par leurs auteurs, ne peuvent qu’être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. G. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard G. et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.