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Conseil d’Etat, 18 février 2008, n° 306238, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales c/ M. B I.

Eu égard à son objet et à ses effets, une décision prononçant l’expulsion d’un étranger du territoire français, porte, en principe, et sauf à ce que l’administration fasse valoir des circonstances particulières, par elle-même atteinte de manière grave et immédiate à la situation de la personne qu’elle vise et crée, dès lors, une situation d’urgence justifiant que soit, le cas échéant, prononcée la suspension de cette décision. Il en va toutefois autrement lorsqu’une telle mesure d’expulsion est assortie d’une mesure d’assignation à résidence prise sur le fondement des dispositions de l’article L. 523-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile rappelées ci-dessus, dès lors que, dans un tel cas, la mesure d’expulsion ne peut en tout état de cause être exécutée qu’après l’intervention d’une décision d’abrogation de la décision d’assignation à résidence, laquelle ne peut être prise qu’en cas de faits nouveaux constitutifs d’un comportement préjudiciable à l’ordre public.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 306238

MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

c/ M. B. I.

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 février 2008
Lecture du 18 février 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, enregistré le 5 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 21 mai 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a, d’une part, prononcé, à la demande de M. Abdesselam B. I., la suspension de l’exécution de son arrêté d’expulsion en date du 1er mars 2007 et, d’autre part, mis à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de M. B. I. tendant à la suspension de l’arrêté d’expulsion en date du 1er mars 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. B. I.,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;

Considérant que, saisi sur le fondement de ces dispositions, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d’une part, par l’ordonnance attaquée, suspendu l’exécution de l’arrêté du 1er mars 2007 par lequel le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, a prononcé l’expulsion du territoire français de M. B. I., ressortissant marocain, et, d’autre part, rejeté la demande tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté du même jour assignant l’intéressé à résidence "jusqu’au moment où il aura la possibilité de déférer à l’arrêté d’expulsion dont il fait l’objet", le juge ayant regardé cette mesure comme fondée sur l’article L. 523-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en tant qu’elle a suspendu l’exécution de l’arrêté d’expulsion du 1er mars 2007 ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 523-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, "Peut également faire l’objet d’un arrêté d’assignation à résidence, à titre probatoire et exceptionnel, l’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion prononcée en application de l’article L. 521-2. Cette mesure est assortie d’une autorisation de travail. Elle peut être abrogée à tout moment en cas de faits nouveaux constitutifs d’un comportement préjudiciable à l’ordre public (.)." ;

Considérant qu’eu égard à son objet et à ses effets, une décision prononçant l’expulsion d’un étranger du territoire français, porte, en principe, et sauf à ce que l’administration fasse valoir des circonstances particulières, par elle-même atteinte de manière grave et immédiate à la situation de la personne qu’elle vise et crée, dès lors, une situation d’urgence justifiant que soit, le cas échéant, prononcée la suspension de cette décision ; qu’il en va toutefois autrement lorsqu’une telle mesure d’expulsion est assortie d’une mesure d’assignation à résidence prise sur le fondement des dispositions de l’article L. 523-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile rappelées ci-dessus, dès lors que, dans un tel cas, la mesure d’expulsion ne peut en tout état de cause être exécutée qu’après l’intervention d’une décision d’abrogation de la décision d’assignation à résidence, laquelle ne peut être prise qu’en cas de faits nouveaux constitutifs d’un comportement préjudiciable à l’ordre public ; qu’ainsi, le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant, qu’en l’absence de circonstances particulières invoquées par l’administration, la condition d’urgence posée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie ; que dès lors, le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle suspend l’exécution de l’arrêté d’expulsion du 1er mars 2007 pris à l’encontre de M. B. I. ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d’une part, que l’arrêté d’assignation à résidence pris le 1er mars 2007 à l’encontre de M. B. I., s’il vise l’article L. 523-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dispose en son article 1er que l’intéressé est assigné à résidence " jusqu’au moment où il aura la possibilité de déférer à la mesure d’éloignement dont il fait l’objet ", soit en vertu d’un motif et selon des modalités prévus par l’article L 523-3 du code ; qu’il ressort des termes de cet article 1er de l’arrêté d’assignation à résidence que la mesure d’expulsion dont M. B. I. fait l’objet peut être exécutée à tout moment ; que dès lors, l’arrêté ministériel d’expulsion du 1er mars 2007 doit être regardé comme portant atteinte de manière grave et immédiate à la situation de M. B. I. et comme créant ainsi une situation d’urgence de nature à justifier, le cas échéant, la suspension de son exécution ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : "Ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l’article L. 521-3 n’y fassent pas obstacle : 1º L’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (.)" ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre de M. B. I., qui est père de trois enfants mineurs français résidant en France, ne constituerait pas une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B. I. est, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, fondé à demander la suspension de l’exécution de l’arrêté d’expulsion du 1er mars 2007 pris à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros que M. B. I. réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : L’ordonnance du 21 mai 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu’elle a suspendu l’arrêté d’expulsion du 1er mars 2007 pris à l’encontre de M B. I..

Article 2 : L’arrêté ministériel du 1er mars 2007 décidant l’expulsion de M. B. I. est suspendu jusqu’à la date à laquelle il aura été statué sur les conclusions d’annulation dirigées contre cet arrêté.

Article 3 : L’Etat versera à M. B. I. la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à M. Abdesselam B. I..

 


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