CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 290366, 291694
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ Région Ile-de-France
Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur
M. Pierre Collin
Commissaire du gouvernement
Séance du 3 décembre 2007
Lecture du 18 janvier 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu 1°), sous le n° 290366, le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 17 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 13 décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 4 juillet 2003 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise accordant à la région Ile-de-France la décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants qui lui a été assignée au titre de l’année 1999 à raison du logement vacant au sein du lycée Jean Moulin du Blanc-Mesnil, d’autre part, au rétablissement de la région au rôle de la taxe sur les logements vacants de la commune du Blanc-Mesnil, au titre de l’année 1999, à raison de l’intégralité de la cotisation à laquelle elle avait été initialement assujettie (soit 3 478 F ou 530, 22 euros) ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rétablir l’imposition en cause ;
Vu, 2°), sous le n° 291694, le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 24 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 24 janvier 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation des jugements nos 0034806, 0035053 et 0035057 du 4 juillet 2003 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise accordant à la région Ile-de-France la décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants qui lui a été assignée au titre de l’année 1999 à raison des logements vacants dans trois lycées situés dans les communes de Pontoise et Sarcelles, d’autre part, au rétablissement de la région au rôle de la taxe sur les logements vacants des communes de Pontoise et Sarcelles, au titre de l’année 1999, à raison de l’intégralité des cotisations auxquelles elle avait été initialement assujettie (soit 1 224, 90 euros pour le lycée Camille Pissarro, 634, 95 euros pour le lycée de la Tourelle et 700, 26 euros pour le lycée Jean-Jacques Rousseau) ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rétablir l’imposition en cause ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, ensemble la décision n° 98-403 DC du Conseil constitutionnel du 29 juillet 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la région Ile-de-France,
les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l’administration fiscale a mis à la charge de la région Ile-de-France des cotisations de taxe sur les logements vacants au titre de l’année 1999, pour des logements vacants dans les lycées Jean Moulin du Blanc-Mesnil, Camille Pissarro de Pontoise, et La Tourelle et Jean-Jacques Rousseau de Sarcelles ; que, par quatre jugements du 4 juillet 2003, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la région Ile-de-France la décharge de ces impositions ; que, par deux recours distincts, le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre les arrêts de la cour administrative d’appel de Versailles du 13 décembre 2005 et du 24 janvier 2006 qui ont confirmé ces jugements ;
Considérant que les recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE présentent à juger la même question ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article 232 du code général des impôts, issu de l’article 51 de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions : " I. Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes appartenant à des zones d’urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées (.) / II. La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives, au 1er janvier de l’année d’imposition, à l’exception des logements détenus par les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources. (.)" ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 juillet 1998, que la loi n’a entendu établir aucune distinction tirée de la seule nature, publique ou privée, des propriétaires en ce qui concerne l’assujettissement à la taxe ; qu’ainsi, en jugeant que la taxe était seulement due par les propriétaires privés, la cour administrative d’appel de Versailles a entaché ses arrêts d’une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est par suite fondé à en demander l’annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 232 du code général des impôts, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel, que la taxe sur les logements vacants ne concerne que les logements pouvant être mis, sur simple décision du propriétaire, sur le marché immobilier locatif dans des conditions normales et durables d’habitation ; que les logements qui constituent des dépendances du domaine public, auxquels n’est pas applicable, notamment, la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, et dont l’occupation a, comme toute occupation du domaine public, un caractère précaire, ne remplissent pas ces critères ; qu’ils doivent par suite être exclus du champ d’application de la taxe sur les logements vacants ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que les logements en cause dans les présents litiges sont des logements appartenant au domaine public ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la région Ile-de-France la décharge des impositions en litige ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la région Ile-de-France d’une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d’appel de Versailles du 13 décembre 2005 et du 24 janvier 2006 sont annulés.
Article 2 : Les recours présentés par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE devant la cour administrative d’appel de Versailles sont rejetés.
Article 3 : L’Etat versera à la région Ile-de-France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la région Ile-de-France.