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Conseil d’Etat, 30 juin 2004, n° 261472, Office public d’habitations à loyer modéré de la Ville de Nantes (OPHLM Nantes-Habitat)

Si la candidature des groupements d’entreprises à forme conjointe suppose, en vertu du I de l’article 51 du code des marchés publics, que le maître d’ouvrage ait décomposé le marché en plusieurs ensembles de prestations techniques susceptibles, chacun, d’être attribué à un membre du groupement, cette décomposition en lots techniques, - qui est une opération différente de celle de l’allotissement prévu à l’article 10 précité du même code, lequel consiste à conclure plusieurs marchés séparés- ne fait pas obstacle à la conclusion d’un marché unique.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 261472

OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT)

M. Yann Aguila
Rapporteur

M. Didier Casas
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 juin 2004
Lecture du 30 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre et 17 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT), dont le siège est 54, rue Félix Faure BP 83.618 à Nantes Cedex (44036) ; l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 13 octobre 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a, d’une part, annulé la procédure engagée par le requérant de passation du marché relatif à la démolition, la réhabilitation et la construction de logements à Nantes (Breil-Malville) et d’autre part, condamné l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) à verser la somme de 1 000 euros aux sociétés Sogea Atlantique et Entreprise des Travaux Publics de l’Ouest (ETPO), au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par les sociétés Sogea Atlantique et Entreprise des Travaux Publics de l’Ouest ;

3°) de condamner les sociétés Sogea Atlantique et Entreprise des Travaux Publics de l’Ouest à lui verser la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yann Aguila, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, avocat de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT),
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement (.). Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations" ;

Sur les conclusions à fins d’annulation de l’ordonnance du 13 octobre 2003 :

Considérant que, par une ordonnance du 13 octobre 2003, contre laquelle l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation du marché relatif à la démolition, la réhabilitation, la requalification et la construction de logements à Nantes (Breil Malville) engagée par cette personne publique ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 10 du code des marchés publics alors applicable : "Des travaux, des fournitures ou des prestations de services peuvent être répartis en lots donnant lieu chacun à un marché distinct ou peuvent faire l’objet d’un marché unique" ; qu’aux termes du I de l’article 51 du même code : "Les entreprises peuvent présenter leur candidature ou leur offre sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint, sous réserve du respect des règles relatives à la liberté des prix et à la concurrence. / Le groupement est conjoint lorsque, l’opération étant divisée en lots, chacun des prestataires membres du groupement s’engage à exécuter le ou les lots qui sont susceptibles de lui être attribués dans le marché. / Le groupement est solidaire lorsque chacun des prestataires membres du groupement est engagée pour la totalité du marché, que l’opération soit ou non divisée en lots" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que si la candidature des groupements d’entreprises à forme conjointe suppose, en vertu du I de l’article 51 du code des marchés publics, que le maître d’ouvrage ait décomposé le marché en plusieurs ensembles de prestations techniques susceptibles, chacun, d’être attribué à un membre du groupement, cette décomposition en lots techniques, - qui est une opération différente de celle de l’allotissement prévu à l’article 10 précité du même code, lequel consiste à conclure plusieurs marchés séparés- ne fait pas obstacle à la conclusion d’un marché unique ; qu’ainsi, en se fondant sur la circonstance que le marché litigieux avait le caractère d’un marché unique pour juger que la collectivité publique ne pouvait pas réserver ce marché aux groupements conjoints, le premier juge a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du 13 octobre 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ; qu’en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond ;

Sur les conclusions à fins d’annulation de la procédure de passation du marché litigieux :

Considérant qu’aux termes du 1° de l’article 17 de la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services : "Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes III et IV et précisent les renseignements qui y sont demandés" ; que l’annexe III, dans sa rédaction issue de la directive 2001/78/CE du 13 septembre 2001, fixe la liste et le contenu des rubriques que doivent comporter les avis de marché ; que les modèles d’avis contenus dans cette annexe ont été repris par l’arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 4 décembre 2002 ; qu’aux termes de cet arrêté la rubrique relative aux modalités de financement et de paiement du marché est ainsi libellée : "III. 1. 2° Modalités essentielles de financement et de paiement et/ou références des dispositions applicables (le cas échéant)" ;

Considérant que l’obligation de mentionner les modalités essentielles de financement dans l’avis d’appel public à la concurrence doit être entendue comme imposant à la collectivité publique d’indiquer, même de manière succincte, la nature des ressources qu’elle entend mobiliser pour financer l’opération faisant l’objet du marché qui peuvent être ses ressources propres, des ressources extérieures publiques ou privées, ou des contributions des usagers ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’avis de marché en cause, qui, en mentionnant uniquement les règles relatives aux délais de règlement ne faisait référence qu’aux modalités essentielles de paiement, ne comportait aucune mention concernant les modalités de financement telles que définies précédemment ; que l’absence d’une telle mention a entaché la procédure d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui incombaient à l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les sociétés SOGEA ATLANTIQUE et Entreprise de Travaux Publics de l’Ouest (ETPO) sont fondées à demander l’annulation de la procédure de passation du marché en cause ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) une somme de 1 000 euros au titre des frais exposées par les société SOGEA et ETPO et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de ces sociétés, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 13 octobre 2003 du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La procédure de passation du marché engagée par l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) relatif à la démolition, la réhabilitation, la requalification et la construction de logements à Nantes (Breil Malville) est annulée.

Article 3 : L’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) versera aux sociétés SOGEA ATLANTIQUE et ETPO prises ensemble une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE NANTES (OPHLM NANTES-HABITAT) et aux sociétés SOGEA ATLANTIQUE et Entreprises des Travaux Publics de l’Ouest (ETPO).

 


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