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Conseil d’Etat, 23 juin 2004, n° 208297, Association Les Amis de la Berarde et du Haut Veneon

L’administration dispose, pour la gestion des réserves naturelles, de pouvoirs étendus afin d’adapter son action à l’évolution des circonstances de fait. S’il lui appartient ainsi, le cas échéant, pour un tel motif, de proposer le déclassement d’une réserve dont les prescriptions ne se justifieraient plus, dans les conditions alors fixées à l’article L. 242-10 du code rural, et figurant désormais à l’article L. 332-10 du code de l’environnement, elle n’a l’obligation d’engager une telle procédure que dans le cas où le changement qui s’est produit dans les circonstances de fait et, notamment, dans la configuration des lieux a transformé les caractéristiques du site à un point tel qu’il a eu pour effet de retirer son fondement au classement initial.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 208297

ASSOCIATION LES AMIS DE LA BERARDE ET DU HAUT VENEON

M. Dacosta
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 28 mai 2004
Lecture du 23 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 mai 1999, l’ordonnance en date du 25 mai 1999 par laquelle le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la demande présentée à ce tribunal par l’association LES AMIS DE LA BERARDE ET DU HAUT VENEON, dont le siège est mairie de Saint-Christophe à Saint-Christophe-en-Oisans (38520) ;

Vu ladite demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 29 juillet 1997, et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l’environnement sur la demande que l’association lui a adressée et tendant à l’abrogation du décret du 15 mai 1974 classant en réserve naturelle des sites contigus au parc national des Ecrins et, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 15 000 F en application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque ;

Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement

Considérant que l’article 35 de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature a rendu applicables les articles 22, 23, 25, 29 à 32 et 34 de cette loi aux réserves naturelles créées en application de l’article 8 bis de la loi du 2 mai 1930 ; que ces réserves ont ensuite été soumises à l’ensemble des dispositions du chapitre II - intitulé " Réserves naturelle " - du titre IV du livre II du code rural, sur le fondement de l’article L. 214-19 du code rural, aujourd’hui repris à l’article L. 332-19 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée ; qu’aux termes de l’article L. 241-1 du code rural, issu de l’article 16 de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature, aujourd’hui repris à l’article L. 332-1 du code de l’environnement : " Des parties du territoire d’une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu’il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader. Le classement peut affecter le domaine public maritime et les eaux territoriales françaises. / Sont prises en considération à ce titre : 1º La préservation d’espèces animales ou végétales et d’habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ou présentant des qualités remarquables ; 2º La reconstitution de populations animales ou végétales ou de leurs habitats ; 3º La conservation des jardins botaniques et arboretums constituant des réserves d’espèces végétales en voie de disparition, rares ou remarquables ; 4º La préservation de biotopes et de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables ; 5º La préservation ou la constitution d’étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage ; 6º Les études scientifiques ou techniques indispensables au développement des connaissances humaines ; 7º La préservation des sites présentant un intérêt particulier pour l’étude de l’évolution de la vie et des premières activités humaines " ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 242-10 du même code, issu de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature aujourd’hui repris à l’article L. 332-10 du code de l’environnement : " Le déclassement total ou partiel d’un territoire classé en réserve naturelle est prononcé après enquête publique " ;

Considérant, en premier lieu, qu’alors même que la loi du 10 juillet 1976 a soumis la création des réserves naturelles à des conditions en partie différentes de celles qui avaient été posées par l’article 8 bis de la loi du 2 mai 1930, cette seule circonstance n’est pas de nature à rendre illégaux les classements prononcés sous l’empire de cette dernière loi, dès lors que le législateur non seulement n’a pas entendu y mettre fin mais a, de surcroît, expressément prévu le régime juridique qui leur était applicable ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que le décret classant en réserve naturelle la haute vallée du torrent du Vénéon serait devenu illégal en raison d’une modification des circonstances de droit doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que l’administration dispose, pour la gestion des réserves naturelles, de pouvoirs étendus afin d’adapter son action à l’évolution des circonstances de fait ; que s’il lui appartient ainsi, le cas échéant, pour un tel motif, de proposer le déclassement d’une réserve dont les prescriptions ne se justifieraient plus, dans les conditions alors fixées à l’article L. 242-10 du code rural, et figurant désormais à l’article L. 332-10 du code de l’environnement, elle n’a l’obligation d’engager une telle procédure que dans le cas où le changement qui s’est produit dans les circonstances de fait et, notamment, dans la configuration des lieux a transformé les caractéristiques du site à un point tel qu’il a eu pour effet de retirer son fondement au classement initial ;

Considérant que, même si le déclassement de la réserve naturelle de la haute vallée du torrent du Vénéon avait déjà été envisagé par l’administration antérieurement à l’intervention de la décision attaquée, à la condition d’ailleurs qu’il soit assorti d’un certain nombre de garanties juridiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que les caractéristiques du site aient été transformées à un point tel que son classement soit désormais privé de fondement ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait devenu illégal au motif que le classement du site en réserve naturelle ne se justifierait plus et que certaines des obligations qu’il édicte seraient méconnues doit également être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association LES AMIS DE LA BERARDE ET DU HAUT VENEON n’est pas fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement a refusé de faire droit à sa demande est entachée d’illégalité ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l’association LES AMIS DE LA BERARDE ET DU HAUT VENEON la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION LES AMIS DE LA BERARDE ET DU HAUT VENEON est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION LES AMIS DE LA BERARDE ET DU HAUT VENEON, au Premier ministre et au ministre de l’écologie et du développement durable.

 


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