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Conseil d’Etat, 7 juin 2004, n° 264946, Claude D.

Le préfet est tenu de soumettre à un examen médical tout conducteur qui a fait l’objet d’une mesure de suspension du droit de conduire d’une durée supérieure à un mois. Il appartient toutefois à l’autorité préfectorale de préciser au conducteur le délai dans lequel cette visite doit être effectuée et la nature des examens auxquels le conducteur est tenu de se soumettre.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 264946

M. D.

M. Gounin
Rapporteur

M. Chauvaux
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 mai 2004
Lecture du 7 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 8 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Claude D. ; M. D. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 9 février 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant d’une part à la suspension de l’exécution de la décision implicite par laquelle le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône a refusé de lui restituer son permis de conduire à l’issue de la période de suspension de ce permis et d’autre part à ce qu’il soit enjoint au préfet du Rhône de lui restituer dans un délai n’excédant pas huit jours son permis de conduire, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gounin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. D.,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 221-13 du code de la route : "I. - Le préfet soumet à des analyses ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques, notamment salivaires et capillaires : (.)/ 2º Tout conducteur qui a fait l’objet d’une mesure portant restriction ou suspension du droit de conduire d’une durée supérieure à un mois pour l’une des infractions prévues au présent code (.)/ II. - Lorsque le titulaire du permis de conduire néglige ou refuse de se soumettre, dans les délais qui lui sont prescrits, à l’une des visites médicales prévues au présent article, le préfet peut prononcer ou maintenir la suspension du permis de conduire jusqu’à production d’un certificat médical favorable délivré à la demande de l’intéressé par la commission médicale prévue à l’article R. 221-11" ; qu’il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de soumettre à un examen médical tout conducteur qui a fait l’objet d’une mesure de suspension du droit de conduire d’une durée supérieure à un mois ; qu’il appartient toutefois à l’autorité préfectorale de préciser au conducteur le délai dans lequel cette visite doit être effectuée et la nature des examens auxquels le conducteur est tenu de se soumettre ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le permis de conduire de M. D. a été suspendu pour une durée de quatre mois par décision du préfet du Rhône du 9 mai 2003 ; que si le préfet a subordonné, en application de l’article R. 221-13 du code de la route, la restitution du permis de conduire à une visite médicale de M. D., cette décision ne précise ni la nature des examens médicaux requis, ni le délai dans lequel ils doivent être effectués ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces indications aient été portées par ailleurs à la connaissance de l’intéressé ; que, dès lors, en estimant que le moyen invoqué devant lui et tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions de l’article R. 221-13 du code de la route en n’apportant pas ces précisions, n’était pas de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision implicite du préfet du Rhône refusant de restituer à M. D. son permis de conduire à l’issue de la période de suspension de quatre mois, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. D. est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. D. ;

Considérant d’une part que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que l’autorité préfectorale a méconnu les dispositions de l’article R. 221-13 du code de la route en ne précisant pas à M. D. les délais dans lesquels une visite médicale devait être effectuée et la nature des examens auxquels il était tenu de se soumettre, est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus préfectoral dont la suspension est demandée ;

Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision contestée, qui prive M. D. du droit de conduire alors que la sanction de suspension de son permis de conduire qui lui a été infligée pour une durée de quatre mois a été entièrement exécutée, porte atteinte de manière grave et immédiate à sa situation ; qu’ainsi la condition d’urgence doit, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme remplie ;

Considérant que les deux conditions fixées par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant remplies, il y a lieu de suspendre l’exécution du refus opposé à M. D. de lui restituer son permis, jusqu’à ce qu’il soit statué sur les conclusions tendant à son annulation pour excès de pouvoir ; que cette suspension implique la restitution du permis de conduire, sans préjudice de la possibilité pour le préfet de prendre une nouvelle mesure de suspension sur le fondement du II de l’article R. 221-13 du code de la route ; qu’il est par suite enjoint au préfet du Rhône de restituer son permis de conduire à M. D., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision sans qu’il y ait lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance en date du 9 février 2004 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : L’exécution de la décision implicite du préfet du Rhône refusant de restituer à M. D. son permis de conduire est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de restituer à M. D. son permis de conduire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera à M. D. une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. D. devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon et de sa requête devant le Conseil d’Etat est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Claude D. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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