CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 241804
SCI RIVIERE
M. Struillou
Rapporteur
Mme Roul
Commissaire du gouvernement
Séance du 23 février 2004
Lecture du 17 mars 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 9 janvier et 6 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SCI RIVIERE, dont le siège social est situé 17, rue Général Lambert à Saint-Leu (97436) représentée par ses représentants légaux ; la SCI RIVIERE demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule l’arrêt du 8 novembre 2001 de la cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit annulé le jugement du 10 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de la décision du 15 juillet 1996 du maire de Saint-Leu (Réunion) rapportant le permis de construire tacite dont la SCI RIVIERE était bénéficiaire ;
2°) mette à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;
Vu la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
les observations de Me Cossa, avocat de la SCI RIVIERE et de la SCP Gatineau, avocat de la commune de Saint-Leu,
les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-12 du code de l’urbanisme : "Si le dossier est complet, l’autorité compétente pour statuer fait connaître au demandeur (.) par une lettre de notification adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception postale, le numéro d’enregistrement de ladite demande et la date avant laquelle, compte tenu des délais réglementaires d’instruction, la décision devra lui être notifiée./ (.) L’autorité compétente pour statuer avise en outre le demandeur que si aucune décision ne lui a été adressée avant la date mentionnée au premier alinéa (.), la lettre de notification des délais d’instruction vaudra permis de construire et les travaux pourront être entrepris conformément au projet déposé, sous réserve du retrait, dans le délai du recours contentieux, du permis tacite au cas où il serait entaché d’illégalité. (.)" ; qu’aux termes de l’article R. 421-13 du même code : "Si le dossier est incomplet, l’autorité compétente pour statuer, dans les quinze jours de la réception de la demande, invite, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal, le demandeur à fournir les pièces complémentaires (.). Lorsque ces pièces ont été produites, il est fait application de l’article R. 421-12. (.)" ;
Considérant, qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, dans les conditions prévues à l’article R. 421-12 précité, la SCI RIVIERE avait été avisée par le service instructeur de sa demande de permis de construire qu’à défaut de réponse expresse de l’autorité compétente à la date du 28 mai 1996, elle serait titulaire, à cette date, d’une autorisation tacite ; que, si par un courrier daté du 3 mai 1996 il lui a été indiqué que, par application des dispositions de l’article 89 de la loi du 12 avril 1996 abaissant à 300 m2 le seuil à partir duquel la création d’une surface de vente est subordonnée à une autorisation au titre de l’article 29 de la loi du 27 décembre 1973, le projet commercial pour lequel elle avait sollicité un permis de construire était désormais assujetti à une telle autorisation et s’il lui était demandé en conséquence, par ce même courrier, de justifier de cette autorisation, le délai d’instruction de sa demande de permis de construire n’a été prorogé que par lettre du 4 juin 1996, soit postérieurement au 28 mai 1996, date à laquelle elle devait, par suite, être regardée comme étant titulaire d’une autorisation de construire tacite ; qu’ainsi, en jugeant que la SCI RIVIERE n’était pas titulaire, à cette date, d’un permis tacite, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ; que cet arrêt doit, dès lors, être annulé en tant qu’il porte sur les conclusions de la SCI RIVIERE tendant à l’annulation de la décision du 15 juillet 1996 par laquelle le maire de Saint-Leu a retiré le permis tacite du 28 mai 1996 ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’affaire, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 27 décembre 1973, dans sa rédaction issue de la loi du 29 janvier 1993 alors applicable : "Préalablement à l’octroi du permis de construire, s’il y a lieu, et avant réalisation, si le permis de construire n’est pas exigé, sont soumis pour autorisation à la commission départementale d’urbanisme commercial les projets : 1° De constructions nouvelles entraînant la création de magasins de commerces de détail d’une surface de plancher hors œuvre supérieure à 3 000 m2 ou d’une surface de vente supérieure à 1 500 m2, les surfaces précitées étant ramenées, respectivement, à 2 000 et 1 000 m2 dans les communes dont la population est inférieure à 40 000 habitants ; (.) ; qu’aux termes de l’article 89 de la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier : "Pour une période de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les articles 29 et 32 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat sont modifiés de la manière suivante : 1° Les surfaces de vente visées au 1° de l’article 29 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 sont fixées à 300 m² (.)" ;
Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de l’article 89 de la loi du 12 avril 1996, soit le 15 avril 1996, la légalité d’un permis de construire relatif à un magasin de commerce de détail dépassant 300 m2 de surface de vente était subordonnée à l’existence d’une autorisation accordée par la commission départementale d’urbanisme commercial ;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’à la date du 28 mai 1996, la SCI RIVIERE a été titulaire d’une autorisation tacite de construire ; qu’à cette date, elle n’avait cependant pas obtenu d’autorisation délivrée par la commission départementale d’urbanisme commercial ; que, dès lors, l’autorisation tacite qui lui avait été accordée était entachée d’illégalité et qu’elle a, par suite, pu légalement être rapportée par le maire de Saint-Leu par sa décision du 15 juillet 1996 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI RIVIERE n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a, par son jugement du 10 décembre 1997, rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 15 juillet 1996 du maire de Saint-Leu ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que la SCI RIVIERE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Saint-Leu, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCI RIVIERE la somme de 3 000 euros que la commune de Saint-Leu demande au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt du 8 novembre 2001 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé en tant qu’il porte sur les conclusions de la SCI RIVIERE tendant à l’annulation de la décision du maire de Saint-Leu, en date du 15 juillet 1996.
Article 2 : Les conclusions présentées devant la cour administrative d’appel de Bordeaux tendant à l’annulation de la décision du maire de Saint-Leu, en date du 15 juillet 1996, et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La SCI RIVIERE versera à la commune de Saint-Leu la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI RIVIERE et à la commune de Saint-Leu.