COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
N° 97MA05294, 02MA01158
Mme F.-V. et autres
M. ROUSTAN
Président
M. HERMITTE
Rapporteur
M. BENOIT
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 13 mars 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
(1ère chambre)
Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 10 novembre 1997 sous le n° 97MA05294, présentée pour Mme Monique V.-F., Mme Colette D. et M. Paul F. par la SCP GERBAUD-AOUDIANI-CANELLAS-CREBIER, avocat ;
Les requérants demandent à la Cour :
1°/ de réformer le jugement n° 97-5371, en date du 9 octobre 1997, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’arrêté en date du 12 mars 1997 par lequel le maire de la commune de Veynes a délivré un permis de construire à M. C. ;
2°/ de condamner M. C. au paiement d’une somme de 10.000 F par application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;
Ils font valoir que le permis de construire délivré le 12 mars 1997 à M. C. concerne un immeuble en copropriété dont l’aspect général est modifié de façon importante, avec appropriation de parties communes ; que par suite, ce permis de construire ne pouvait être délivré qu’après autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, ce que le maire de Veynes ne pouvait ignorer ; qu’une telle autorisation n’a pas été sollicitée par M. C., lequel ne tire du règlement de copropriété aucun droit à construire ; que par suite, le permis de construire étant entaché de nullité, il y a lieu de faire droit à leur demande tendant à ce qu’il soit sursis à son exécution ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 18 août 1998, le mémoire en défense présenté pour M. Robert C., par la SCP RICHAUD ROSTAIN, avocat ;
M. C. demande à la Cour :
1°/ de déclarer l’appel sans objet, la construction ayant été entièrement exécutée ;
2°/ de rejeter la requête ;
3°/ de condamner les appelants à lui payer une somme de 10.000 F en application du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Il fait valoir à l’appui de ses conclusions que la requête est irrecevable dès lors que seul le syndic de la copropriété peut représenter le syndicat en justice ; qu’aucune assemblée générale ne l’ayant désigné, le syndicat n’est pas valablement représenté ; que l’action individuelle prévue à l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 n’est pas recevable, les conditions exigées n’étant pas remplies ; que la demande de sursis à exécution est dépourvue d’objet, les travaux ayant été entièrement exécutés ; que les travaux concernent un lot indépendant de la copropriété pour lequel aucune autorisation préalable à des travaux n’est requise ; que, surabondamment, son épouse et lui détiennent plus de la majorité des voix prévue à l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ; que les travaux autorisés ne concernent pas le bâtiment principal dont l’aspect général est conservé ; que les requérants ne justifient ainsi d’aucun préjudice ;
Vu la mise en demeure de présenter ses observations en défense adressée le 9 septembre 1998 à la commune de Veynes et l’accusé de réception de cette mise en demeure ;
Vu l’ordonnance, en date du 24 février 2000, du président de la première chambre de la Cour fixant la clôture de l’instruction au 29 mars 2000 ;
Vu, enregistré le 28 mars 2000, le mémoire présenté pour Mme F.-V., Mme D. et M. F., qui concluent aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Ils font également valoir que le lot concerné par les travaux n’est indépendant de la copropriété qu’au titre des charges ; que les travaux entrepris sont plus importants que ne le soutient le défendeur ; que M. C. n’a pas correctement renseigné sa demande de permis de construire ce qui a pu induire l’administration en erreur ; qu’enfin, tout copropriétaire est recevable, du point de vue de l’intérêt à agir, pour contester un permis de construire concernant l’immeuble en copropriété ; qu’une SCI ayant été constituée entre M. et Mme C., qui possèdent le lot n° 13 visé par le permis de construire en litige, M. C. n’est pas recevable à agir dans la présente instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 21 juin 2002 sous le n° 02MA01158, présentée pour Mme Monique V.-F., Mme Colette D. et M. Paul F. par Me XOUAL, avocat ;
Les requérants demandent à la Cour :
1°/ d’annuler le jugement n° 97-3628 et 99-2993 en date du 11 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 12 mars 1997 par lequel le maire de la commune de Veynes a délivré un permis de construire à M. C. ;
2°/ d’annuler cet arrêté ;
3°/ de condamner la commune de Veynes et M. C. à leur payer chacun une somme de 1.500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Ils font valoir qu’en estimant que M. C. disposait, en vertu du règlement de copropriété, d’un droit de jouissance exclusif sur le lot n° 13 dont il est propriétaire, les premiers juges ont fait une mauvaise interprétation des faits de la cause et entaché leur jugement d’une erreur de droit ; que si, lorsque le règlement de copropriété prévoit un droit de construire au profit d’un copropriétaire, celui-ci peut exécuter les travaux sans autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, il en va différemment lorsque ce droit n’est pas, comme en l’espèce, clairement reconnu ; qu’en effet, le droit de construire en question est reconnu aux héritiers, ayant droits ou acquéreurs des demoiselles DUPONT, parmi lesquels figurent M. C. mais aussi d’autres copropriétaires ; que par suite, le droit de jouissance sur la petite cour concernée par le projet n’est pas réservé à M. C. ; qu’en outre, la propriété du sol reste en indivision comme les parties communes ; que dès lors, le propriétaire du terrain est l’ensemble des copropriétaires ; que la circonstance que M. C. supporte seul les charges du lot n° 13 n’implique pas à son profit un droit de construire ; que le permis de construire délivré le 12 mars 1997 à M. C., qui n’a pas pour objet d’autoriser des travaux portant sur la petite cour, modifie l’aspect général de l’immeuble en copropriété de façon importante ; que le demandeur n’a pas indiqué, dans sa demande, le nom et l’adresse du propriétaire du terrain ; que dès lors qu’aucune stipulation du règlement de copropriété ne donne à M. C. le droit de construire sur son lot, l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires était nécessaire ; que celle-ci n’a pas été sollicitée ; que par suite, le permis de construire, qui a été demandé par une personne ne justifiant pas d’un titre l’habilitant à construire et qui a été délivré sur la base d’un dossier irrégulier doit être annulé ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 30 septembre 2002, le mémoire présenté par la commune de Veynes, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 16 septembre 2002 ;
La commune de Veynes demande à la Cour :
1°/ de rejeter la requête ;
2°/ de condamner les requérants à lui verser une somme de 1.500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
La commune fait valoir que les requérants n’apportent aucun élément permettant de remettre en cause la qualité de M. C. pour déposer une demande de permis de construire concernant le lot dont il est propriétaire ; que la nécessité d’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires n’est pas établie ; que le permis de construire étant délivré sous réserve du droit des tiers, il n’y avait pas lieu, dans le cadre de l’instruction de la demande de vérifier les obligations de droit privé auxquelles le pétitionnaire était tenu, un éventuel litige sur ce point relevant de la seule compétence des juridictions judiciaires ;
Vu, enregistré le 10 février 2003, le mémoire présenté pour M. C., par la SCP RICHAUD ROSTAIN ;
M. C. demande à la Cour :
1°/ de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la requête ;
2°/ de condamner Mme F.-V., Mme D. et M. F. à lui payer une somme de 1.524 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que les requérants ne sont pas recevables à contester la légalité du permis de construire dès lors que les travaux concernent un lot indépendant, qui est sa propriété exclusive ; que les travaux en question sont autorisés par le règlement de copropriété ; que les travaux autorisés par le permis de construire en litige ne concernent pas le bâtiment principal dont l’aspect général est conservé ; que, surabondamment, son épouse et lui détiennent plus de la majorité des voix prévue à l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ; que les travaux de rénovation sont conformes à la destination de l’immeuble ;
Vu, enregistrée le 20 février 2003, la note en délibéré présentée pour Mme F.-V., Mme D. et M. F. ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 février 2003 :
le rapport de M. HERMITTE, premier conseiller ;
les observations de Me SALARIE, substituant Me XOUAL, pour Mme F.-V., Mme D. et M. F. Paul ;
les observations de Me ROSTAIN pour M. C. Robert ;
et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;
Considérant que les requêtes présentées par Mme F.-V., Mme D. et M. F., enregistrées sous les n° 97MA05294 et 02MA01735, qui concernent l’arrêté en date du 12 mars 1997 par lequel le maire de la commune de Veynes a délivré un permis de construire à M. C. présentent à juger les mêmes questions ; que par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 12 mars 1997 et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article R.421-1-1 du code de l’urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain..." ; qu’en vertu des prescriptions de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, auxquelles les stipulations des règlements de copropriété ne peuvent déroger selon l’article 43 de cette loi, les travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur d’un immeuble sont soumis à l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ; qu’il ressort de ces dispositions combinées que, lorsque l’autorité administrative compétente pour accorder le permis de construire est informée, en l’état du projet qui lui est soumis, de ce que la demande concerne un immeuble en copropriété, il lui appartient d’exiger la production des autorisations auxquelles les prescriptions législatives en vigueur, complétées le cas échéant par les stipulations du règlement de copropriété, subordonnent l’exercice du droit de construire pour chaque propriété ; que l’autorité administrative doit à cette fin examiner si les travaux faisant l’objet de la demande affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble et s’ils nécessitent ainsi l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé par le maire de la commune de Veynes dans son arrêté en date du 12 mars 1997, qui consiste en l’agrandissement par extension d’une habitation existante, situé dans un immeuble en copropriété dont elle constitue le lot n° 13 et qui en modifie l’aspect extérieur, entre dans le champ d’application des dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1965 ; que toutefois, M. C. se prévaut du règlement de la copropriété tel que modifié par un acte notarié en date du 30 octobre 1973, lequel prévoit au profit des héritiers, ayant droit et acquéreurs de Mlles DUPONT, anciennes propriétaires du lot n° 13, le droit de jouissance exclusive d’une petite cour, dont il est constant qu’elle est partie intégrante de ce lot, ainsi que "le droit de couvrir la totalité de cette petite cour par une dalle plate dont la hauteur ne pourra être ni supérieure ni inférieure au plancher bas du premier étage de la maison principale et de fermer les locaux ainsi créés" ; que si d’autres copropriétaires tiendraient également de Mlles DUPONT certains droits sur la copropriété et si le terrain d’assiette de l’ensemble des constructions existantes est en copropriété, il est établi que M. C., qui vient également aux droits de Mlles DUPONT, est propriétaire du lot n° 13 de la copropriété dont fait partie la petite cour susmentionnée concernée par les travaux autorisés ; que dès lors et à ce titre, il peut bénéficier des droits précisés par le règlement de copropriété sur cette partie de l’immeuble, qui l’autorise à effectuer des travaux de construction ; que dans ces conditions et au vu de ce règlement, qui confère à M. C. un droit de construire, le maire de la commune de Veynes, qui n’ignorait pas l’existence de la copropriété, a pu légalement considérer que M. C. avait qualité, au sens des dispositions de l’article R.421-1-1 du code de l’urbanisme, pour déposer une demande de permis de construire sur le lot n° 13, sans obtenir au préalable l’accord des autres copropriétaires ; que, de plus, le maire n’a pu être induit en erreur par l’absence d’indication, dans la demande de permis de construire, de l’identité du propriétaire du terrain d’assiette du projet, omission qui, en l’espèce, n’est pas de nature à entraîner à elle seule l’annulation du permis de construire en litige ;
Considérant que le règlement de copropriété en question étant un acte de droit privé, que le permis de construire, d’ailleurs délivré sous réserve du droit des tiers, n’a pas vocation à sanctionner, le moyen tiré de ce que le projet autorisé ne respecterait pas l’objet du droit de construire reconnu au profit du propriétaire du lot n° 13 est sans influence sur la légalité de l’arrêté attaqué ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que Mme F.-V., Mme D. et M. F. ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 12 mars 1997 par lequel le maire de la commune de Veynes a délivré un permis de construire à M. C. ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution de l’arrêté du 12 mars 1997 :
Considérant que dès lors qu’il vient d’être statué sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 12 mars 1997, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de cet arrêté ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une condamnation soit prononcée sur leur fondement à l’encontre d’une partie qui n’a pas la qualité de partie perdante dans l’instance ; que par suite les conclusions ayant cet objet présentées par les requérants à l’encontre de la commune de VEYNES et de M. C., qui n’ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, ne peuvent qu’être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner Mme F.-V., Mme D. et M. F. à verser une somme sur le fondement de ces dispositions à la commune de VEYNES ou à M. C. ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 97MA05294 présentée par Mme F.-V., Mme D. et M. F..
Article 2 : La requête n° 02MA01158 présentée par Mme F.-V., Mme D. et M. F. est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Veynes et de M. C. tendant à ce qu’il soit fait application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F.-V., à Mme D., à M. F., à la commune de Veynes, à M. C. et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.