COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
N° 03PA00323
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
Mme Sichler
Président
Mme Lecourbe
Rapporteur
Mme Escaut
Commissaire du Gouvernement
Séance du 16 octobre 2003
Lecture du 13 novembre 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
(5ème chambre A)
Vu, enregistrée au greffe de la cour le 23 janvier 2003, la requête présentée par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0209322/7 du 5 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. Lionel G., la décision de rejet implicite opposée par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, à la demande de communication de sa fiche d’écrou ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. G. devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 modifiée ;
Vu le code de procédure pénale :
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2003 :
le rapport de Mme Lecourbe, premier conseiller,
les observations de Mme Gargoullaud pour le GARDE DES SCEAUX, MINSITRE DE LA JUSTICE,
et les conclusions de Mme Escaut, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 modifiée susvisée : " Le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs. Sont considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre, tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, prévisions et décisions, qui émanent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, ou des organismes de droit public ou privé chargés de la gestion d’un service public. Ces documents peuvent revêtir la forme d’écrits, d’enregistrements sonores ou visuels, de documents existants sur support informatique ou pouvant être obtenus par un traitement informatisé d’usage courant. ... " ;
Considérant qu’aux termes de l’article D. 148 du code de procédure pénale " Tout établissement pénitentiaire est pourvu d’un registre d’écrou. Le chef de l’établissement, ou sous son autorité le fonctionnaire chargé du greffe, tient ce registre et veille à la légalité de la détention des individus incarcérés ainsi qu’à l’élargissement des libérables. Le registre d’écrou est constitué de feuilles mobiles sur lesquelles figurent le numéro d’écrou initial ainsi que le numéro d’écrou actuel et classées dans un fichier. Il doit être présenté aux fins de contrôle et de visa, aux différentes autorités judiciaires à chacune de leurs visites, ainsi qu’aux autorités administratives qui procèdent à l’inspection générale de l’établissement." ; qu’aux termes de l’article D.149 : " Lors de la conduite de toute personne dans un établissement pénitentiaire par l’exécuteur d’un arrêt ou jugement de condamnation, d’une ordonnance de prise de corps, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou un ordre d’arrestation établi conformément à la loi, un acte d’écrou est dressé sur le registre visé à l’article D.148. Le chef de l’établissement constate par cet acte la remise de la personne et inscrit la nature et la date du titre de détention, ainsi que l’autorité dont il émane. L’acte d’écrou est signé par le chef de l’établissement et par le chef d’escorte. En cas d’exécution volontaire de la peine, le chef de l’établissement mentionne sur le registre d’écrou l’arrêt ou le jugement de condamnation dont l’extrait lui a été transmis par le procureur général ou par le procureur de la République. En toute hypothèse, avis de l’écrou est donné par le chef de l’établissement, selon le cas, au procureur général ou au procureur de la République. La date de la sortie du détenu, ainsi que, s’il y a lieu, la décision ou le texte de la loi motivant la libération, fait également l’objet d’une mention sur l’acte d’écrou. (...)" ; qu’aux termes de l’article D.151 : " Le registre d’écrou ne doit pas quitter l’établissement pénitentiaire. Toutefois, à titre exceptionnel, la fiche d’écrou d’un détenu peut être déplacée en dehors de cet établissement afin de permettre soit l’écrou d’un individu hospitalisé immédiatement après son arrestation et momentanément intransportable, soit la levée d’écrou d’un détenu hospitalisé au moment de sa libération. " ;
Considérant qu’il ressort de ces dispositions, qui figurent au livre V, titre II, chapitre III, section I, paragraphe 1er lequel est relatif au registre et formalités d’écrou, que la fiche d’écrou comporte un volet identité, un volet escorte et un volet levée d’écrou qui est établi lors de la levée d’écrou définitive ; que figurent dans le volet identité le nom de l’établissement initial avec le numéro d’écrou et les derniers établissements successifs d’affectation, des informations relatives à l’identité du détenu, son état civil, sa situation familiale et professionnelle, son niveau d’instruction, des éléments signalétiques sur son aspect physique, un résumé du titre de détention, le nom du chef d’escorte et du préposé au greffe en cas de réintégration en cours de détention ; que le volet escorte comporte des mentions succinctes sur l’identité du détenu et un résumé du titre de détention ; qu’ainsi la fiche d’écrou, qui constitue un extrait du registre d’écrou, tenu sous la responsabilité du chef de l’établissement pénitentiaire qui n’est pas une autorité judiciaire, revêt le caractère d’un document administratif au sens des dispositions susrappelées de la loi du 17 juillet 1978 ; que le dossier individuel du détenu, qui est régi par les dispositions des articles D.155 à D.167 dudit code lesquels constituent le paragraphe 3 de la même section relatif aux dossiers individuels des détenus, comporte une partie judiciaire et une partie pénitentiaire ; que cette dernière partie, qui constitue d’ailleurs un document administratif communicable est, contrairement à ce que soutient le ministre, distincte de la fiche d’écrou même si les deux documents comportent en partie les mêmes informations ; que les circonstances que la fiche d’écrou soit établie en conséquence de l’ordre d’écrou, que les vérifications opérées lors de sa rédaction s’accompagnent de vérifications proches de celles effectuées par le parquet au moment de délivrer l’ordre d’écrou et qu’elle comporte des informations sur la durée de la peine restant à subir, laquelle résulte d’actes de nature judiciaire ou ayant des effets judiciaires, ne sont pas de nature à lui conférer le caractère de document judiciaire ; que, pas plus, la circonstance qu’une partie du document appelé " fiche pénale ", établi par l’administration pénitentiaire, reprenne les informations figurant sur la fiche d’écrou n’ôte à cette dernière son caractère de document administratif ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. G., annulé la décision implicite de rejet qu’il a opposée à la demande de ce dernier, de communication de la fiche d’écrou le concernant ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est rejetée.