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Conseil d’Etat, 16 juin 2008, n° 296632, Henrys d’A.

Contraindre un individu à une adhésion profondément contraire à ses propres convictions et l’obliger, du fait de cette adhésion, à apporter le terrain dont il est propriétaire pour que l’association en question réalise des objectifs qu’il désapprouve va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un juste équilibre entre des intérêts contradictoires et ne saurait être considéré comme proportionné au but poursuivi.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 296632

M. D’A

M. Stéphane Hoynck
Rapporteur

M. Mattias Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 mai 2008
Lecture du 16 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 19 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. HENRYS D’A ; M. HENRYS D’A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 27 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé, à la demande des associations communales de chasse agréée (ACCA) de Mainsat et de Saint-Priest et du ministre de l’écologie et du développement durable, le jugement du 19 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Limoges a d’une part, annulé la décision du 3 septembre 1999 du préfet de la Creuse rejetant sa demande tendant au retrait de ses terrains du territoire des associations précitées, d’autre part, rejeté sa demande devant le tribunal administratif de Limoges ;

2°) d’annuler la décision du 3 septembre 1999 du préfet de la Creuse ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et des ACCA de Mainsat et de Saint-Priest, solidairement, la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. D’A et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l’association communale de chasse agréée de Mainsat et de l’association communale de chasse agréée de Saint-Priest,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par une décision du 3 septembre 1999, le préfet de la Creuse a refusé de faire droit à la demande de M. D’A tendant au retrait de ses terrains des territoires d’intervention des associations communales de chasse agréée (ACCA) de Mainsat et de Saint-Priest ; que par un arrêt du 27 juin 2006, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du 19 décembre 2002 du tribunal administratif de Limoges faisant droit à la demande d’annulation de cette décision présentée par le requérant, et a rejeté sa demande ; que M. D’A se pourvoit contre cet arrêt ;

Considérant que le 3° de l’article L. 222-10 du code rural alors applicable et aujourd’hui codifié à l’article L. 422-10 du code de l’environnement, prévoit que les propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d’un seul tenant supérieures à certaines valeurs peuvent s’opposer à la soumission de ces terrains à l’action d’une ACCA ; que cette valeur pour des terrains de la nature de ceux de M. D’A a été fixée dans la Creuse à 60 ha ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que M. D’A, propriétaire de parcelles d’une superficie totale inférieure à 60 ha a demandé le retrait de ses terrains des ACCA en se fondant sur sa volonté de conserver le droit de chasse associé à ses terrains pour son usage propre, sans permettre aux membres des ACCA d’en bénéficier ;

Considérant qu’aux termes de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. (.) " ; qu’aux termes de l’article 11 de cette convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. / 2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. " ; qu’aux termes de l’article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation" ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. D’A, la cour a fait application des dispositions alors applicables de l’article L. 222-10 du code rural, et non de la loi du 26 juillet 2000 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel, le régime des associations de chasse agréées répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que les propriétaires adeptes de la chasse qui apportent leurs terrains bénéficient, conformément aux dispositions de l’article L. 222-19 du code rural figurant aujourd’hui à l’article L. 422-21 du code de l’environnement, d’une admission de droit à l’association de chasse et par voie de conséquence du droit de chasser sur l’ensemble du territoire de l’association ; que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en estimant que l’application des dispositions en vigueur avant la loi du 26 juillet 2000 ne devait pas être écartée s’agissant des propriétaires favorables à la pratique de la chasse, dès lors que ce régime ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété qu’ils tirent des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que M. D’A soutient que la Cour a méconnu les articles 11 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’en effet, le système de l’apport forcé aux ACCA serait contraire au droit de ne pas adhérer à une association en violation de l’article 11 de la convention ;

Considérant que contraindre un individu à une adhésion profondément contraire à ses propres convictions et l’obliger, du fait de cette adhésion, à apporter le terrain dont il est propriétaire pour que l’association en question réalise des objectifs qu’il désapprouve va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un juste équilibre entre des intérêts contradictoires et ne saurait être considéré comme proportionné au but poursuivi ; que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par la loi alors en vigueur, la cour a jugé que les dispositions en cause ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’association du requérant, dès lors que ce dernier ne se fondait pas sur des convictions personnelles opposées à toute forme de pratique de la chasse ; qu’en statuant ainsi, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant enfin que le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu les stipulations de l’article 9 de cette convention n’est pas assorti des précisions permettant d’en vérifier le bien-fondé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu’il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. D’A la somme de 500 euros que demandent les ACCA de Mainsat et de Saint-Priest à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D’A est rejetée.

Article 2 : M. D’A versera aux associations communales de chasse agréées (ACCA) de Mainsat et Saint-Priest une somme globale de 500 euros en l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Henrys D’A, à l’association communale de chasse agréée de Mainsat, à l’association communale de chasse agréée de Saint-Priest et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

 


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