format pour impression(IMPRESSION)

A LIRE EGALEMENT :
Sommaire de jurisprudence en droit électoral - octobre 2003 (partie 1)
Hébergement gratuit des sites Internet des candidats : le Conseil constitutionnel donne son feu (un peu trop) vert
Sommaire de jurisprudence en droit électoral - Juillet 2002
Les incompatibilités ne sont pas uniquement fixées par le Code électoral
Le juge des élections précise les inéligibilités applicables aux conseillers municipaux
La compétence préfectorale en matière de suppression du sectionnement électoral
Sondages électoraux : Les effets pervers de la jurisprudence Amaury
Le juge électoral n’épingle pas l’agrafe
L’obligation de déclaration de patrimoine, condition essentielle de la transparence financière de la vie politique française
La Cour de cassation autorise l’inscription des électeurs sur les listes électorales entre les deux tours du scrutin



La constitutionnalité de l’article L. 7 du Code électoral

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

La radiation automatique des listes électorales à la suite d’une des condamnations pénales visées à l’article L. 7 du Code électoral déroge au principe posé antérieurement par l’article 132-21 qui interdit toute perte de plein droit des droits civiques, civils et de famille en l’absence d’une disposition expresse de la part du juge pénal.

Commentaire : Civ.2, 1er mars 2001, Procureur général près de la Cour de cassation, pourvoi n° 01-00.584 & Réponse ministérielle n° 53683 du 19 mars 2001, JOAN p. 1706

Par une loi du 19 janvier 1995, le législateur a inséré un article L. 7 au Code électoral destiné à priver du droit de vote les personnes condamnées à certaines infractions notamment économiques. Tel est le cas d’un élu condamné pour atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats devant les marchés publics et les délégations de service public [article 432-14 du Code pénal]. L’article dispose que « ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-3 et 433-4 du Code pénal ou pour le délit de recel de l’une de ces infractions, défini par les articles 321-1 et 321-2 du Code pénal ».

L’article L. 7 du Code électoral impose une automaticité de l’application de plein droit de la radiation des listes électorales en cas de condamnation. Le juge a eu l’occasion de rappeler à différentes reprises, ce point. Notamment la Cour de cassation a cassé le jugement, qui pour rejeter la tierce opposition formée par un tiers électeur contre un précédent jugement ayant ordonné la réinscription d’un intéressé sur la liste électorale d’une commune, énonce que, en l’absence d’une peine complémentaire d’interdiction de ses droits civiques effectivement prononcée par la juridiction répressive contre un intéressé, condamné du chef du délit prévu à l’article 432-14 du Code pénal, cet intéressé ne devait pas, de plein droit et par le seul effet de l’article L. 7, être radié de la liste électorale [Civ.2, 3 février 2000, Mme Ferrari].

En l’espèce, les services de l’INSEE, compétents en la matière, avaient notifié à la commune un avis de radiation des listes électorales de l’élu condamné au titre de l’article 432-14 du Code pénal. La commission administrative ainsi que le tribunal d’instance s’opposèrent à cette radiation en invoquant les dispositions de l’article 132-21 qui interdit toute perte de plein droit des droits civiques, civils et de famille en l’absence d’une disposition expresse de la part du juge pénal.

Dans son arrêt du 1er mars 2001, la Cour de cassation a invalidé la position de première instance. Reprenant la solution déjà posée dans l’arrêt du 3 février 2000 sus-rappelé, le juge a indiqué que les dispositions de l’article L. 7 du Code électoral dérogent au principe antérieurement posé par l’article 132-21 du Code pénal. Par conséquent, dès lors qu’une personne est condamnée à l’une des peines énoncées par l’article L. 7, sa radiation des listes électorales et donc, sa privation des droits civiques de vote et d’éligibilité, sont automatiques.

Cette situation n’est pas sans rappeler le principe posé par l’article 194 de la loi du 25 janvier 1985. Cet article prévoyait l’application de plein droit d’une incapacité d’exercer une fonction publique électorale pour une personne dont un jugement avait prononcé la faillite personnelle. Or, cette disposition a été sanctionnée par le juge constitutionnel, dans sa décision 99-410 DC en date du 15 mars 1999 lors d’un contrôle de constitutionnalité par ricochet. Le Conseil constitutionnel a, en effet, estimé que cette privation automatique des droits civiques, civils et de famille méconnaissait le principe de nécessité des peines et devait donc être regardée comme contraire à la Constitution.

Nous sommes donc en droit de nous poser la question de la constitutionnalité de cette disposition. L’automaticité ainsi posée par l’article L. 7 a de fortes chances d’être sanctionné par le Conseil constitutionnel si ce dernier avait à contrôler un texte le modifiant ou y faisant référence. Interrogé sur ce point par un parlementaire, le ministre de l’Intérieur a indiqué dans une réponse ministérielle en date du 19 mars 2001 que « les dispositions de l’article L. 7 du code électoral peuvent ne pas être considérées comme manifestement disproportionnées au regard du principe de nécessité des peines, compte tenu du lien existant entre l’interdiction édictée et les infractions énumérées par ce texte ».

En effet, la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, dont est issu l’article L. 7 du code électoral, a entendu priver de leur éligibilité pendant un délai de cinq ans, non pas les personnes concernées par des incapacités ou décisions commerciales mais celles définitivement condamnées du chef d’infractions limitativement énumérées, qui, regroupées dans une section du code pénal intitulée " les atteintes à la probité " et concernant des personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public, comptent parmi les plus graves dans le domaine économique et financier : la concussion (art. 432-10), la corruption (art. 432-11), la prise illégale d’intérêts (art. 432-12 et 432-13), les atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public (art. 432-14), la soustraction et le détournement de biens par un dépositaire de l’autorité publique (art. 432-15 et 432-16). Dès lors, aux yeux du ministre de l’Intérieur, il ne saurait résulter automatiquement des termes de la décision du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 que les dispositions de l’article L. 7 du code électoral puissent être considérées comme anticonstitutionnelles. Seul l’avenir pourra nous confirmer une telle position.

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 1er mars 2001

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site