CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 250616
M. B.
M. Boulard
Rapporteur
M. Glaser
Commissaire du gouvernement
Séance du 3 décembre 2003
Lecture du 7 janvier 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 2002 et 27 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Pierre B. ; M. B. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 18 juin 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a annulé, d’une part, le jugement du 25 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté du 29 janvier 1997 du maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône mettant fin au détachement de M. B. dans l’emploi fonctionnel de secrétaire général de cette commune et, d’autre part, l’article 1er du jugement du 19 novembre 1998 du tribunal administratif de Marseille condamnant la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône à verser à M. B. la somme de 70 000 F et rejeté les conclusions de M. B. ;
2°) de condamner la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône à lui verser une somme de 2 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Boulard, Conseiller d’Etat,
les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Pierre B. et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône,
les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B., titulaire de l’emploi fonctionnel de secrétaire général de la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, a été blessé lors d’une altercation survenue le 7 novembre 1996 avec un adjoint au maire, que le juge pénal a ultérieurement déclaré coupable de violences volontaires à son encontre ; qu’à la suite de cet incident, par un arrêté du 29 janvier 1997, le maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône a mis fin au détachement de M. B. dans son emploi fonctionnel de secrétaire général au motif que les nécessaires relations de confiance avec l’intéressé n’étaient plus garanties ; que, par un jugement du 25 juin 1998, le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté précité ; que, par un autre jugement du 19 novembre 1998, le même tribunal a condamné la commune à verser à M. B. une indemnité de 70 000 F en réparation des préjudices subis ; que, par un arrêt du 18 juin 2002, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé, d’une part, le jugement du 25 juin 1998 et d’autre part, l’article 1er du jugement du 19 novembre 1998 et rejeté les conclusions d’excès de pouvoir et indemnitaires présentées par M. B. ;
Sur le pourvoi en ce qu’il concerne les conclusions d’excès de pouvoir :
Considérant qu’aux termes de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Lorsqu’il est mis fin au détachement d’un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel (...) et que la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l’article 98./ Ces dispositions s’appliquent aux emplois : (...) - de secrétaire général, de secrétaire général-adjoint des communes de plus de 5 000 habitants ; (...) La fin des fonctions de ces agents est précédée d’un entretien de l’autorité territoriale avec les intéressés et fait l’objet d’une information de l’assemblée délibérante et du centre national de la fonction publique territoriale " ;
Considérant qu’il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l’article 53 précité pour des motifs tirés de l’intérêt du service ; qu’eu égard à l’importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait pour le secrétaire général d’une commune de s’être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la part de l’autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier qu’il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions ;
Considérant qu’en relevant qu’il ressortait des pièces du dossier que les différends d’ordre professionnel qui avaient conduit à l’incident du 7 novembre 1996 étaient de nature à entraîner une perte de confiance de l’autorité territoriale à l’égard de M. B., la cour administrative d’appel a porté une appréciation souveraine sur les faits de la cause, qui est exempte de dénaturation ;
Considérant qu’en se fondant sur les circonstances susévoquées, qui ne sont pas dépourvues de lien avec les conditions dans lesquelles l’intéressé exerce ses responsabilités professionnelles, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté en ce qu’il concerne les conclusions d’excès de pouvoir ;
Sur le pourvoi en ce qu’il concerne les conclusions indemnitaires :
Considérant qu’en estimant, après avoir jugé que la commune n’avait commis aucune faute en mettant fin au détachement de M. B., que celui-ci avait obtenu réparation des préjudices moral et matériel consécutifs à l’incident du 7 novembre 1996 dans le cadre d’une instance judiciaire engagée par lui contre l’auteur des violences et en rejetant par suite les conclusions indemnitaires dirigées à ce titre contre la commune, la cour a, sans les dénaturer, souverainement apprécié les faits de la cause et les pièces du dossier ;
Considérant en revanche que la cour a omis de statuer sur les conclusions de M. B. tendant à la réparation par la commune du préjudice qu’il aurait subi du fait de la diffusion d’un tract relatif à cet incident ; que l’arrêt doit être annulé dans cette mesure ; qu’il y a lieu de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ;
Considérant que le tribunal administratif ayant omis de statuer sur les mêmes conclusions, il y a lieu d’annuler le jugement du 19 novembre 1998 en tant qu’il ne se prononce pas sur ces conclusions ; qu’il y a lieu d’évoquer l’affaire sur ce point ;
Considérant qu’il ne résulte pas des termes du tract distribué par la commune, en vue d’informer le public de l’incident litigieux et des décisions qui l’ont suivi, que le requérant soit fondé à se prévaloir d’un préjudice personnel lui ouvrant droit à indemnité à la charge de la commune ; que ces conclusions doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, en application de ces dispositions, de condamner M. B. à verser à la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. B. la somme que ce dernier demande au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 18 juin 2002 et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 1998 sont annulés en tant qu’ils ont omis de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. B. fondées sur la diffusion d’un tract par la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône.
Article 2 : Les conclusions susmentionnées sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B. est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône et tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre B., à la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.