CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 233169
Mme V. de V. d’A.
M. Salesse
Rapporteur
Mme Mitjavile
Commissaire du gouvernement
Séance du 1er décembre 2003
Lecture du 30 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 3 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme V. de V. d’A. ; Mme V. de V. d’A. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 28 mars 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a 1° rejeté la demande de M. et Mme B. tendant à la réformation du jugement du 9 janvier 1997 du tribunal administratif de Pau ne leur accordant qu’une réduction des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1985, 1986, 1987 et 1988 et 2° remis à leur charge les impositions litigieuses en ajoutant au montant de ses bases 34 067, 61 F pour 1987 et 22 371 F pour 1988 ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 15 000 F (2 286, 74 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme V. de V. d’A.,
les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’un examen de leur situation fiscale personnelle, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu ont été mises à la charge de M. et Mme B. au titre des années 1985 à 1988 ; que Mme V. de V. d’A., épouse divorcée de M. B. décédé le 25 juillet 1997, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 28 mars 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, d’une part, rejeté l’appel de M. et Mme B. tendant à la réformation du jugement du 9 janvier 1997 du tribunal administratif de Pau n’ayant fait droit que partiellement à leur demande de décharge des impositions litigieuses et, d’autre part, accueillant l’appel incident du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, a annulé ce jugement en tant qu’il avait accordé cette décharge partielle et remis les impositions en cause à la charge des intéressés ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 12 du livre des procédures fiscales : "Dans les conditions prévues au présent livre, l’administration des impôts peut procéder à l’examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l’impôt sur le revenu..." ; qu’aux termes de l’article L. 47 : "Un examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix" ; que ces dispositions ne font pas obligation à l’administration, lorsqu’elle exerce son droit de communication auprès des tiers, en consultant au cours de l’examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle d’un contribuable des documents qui ont été saisis par l’autorité judiciaire, et alors même qu’elle entend utiliser pour les besoins de cet examen les documents obtenus par l’exercice du droit de communication, d’en faire part, avant la clôture de la vérification, au contribuable intéressé en vue de lui permettre d’en discuter les éléments ; qu’elles ne l’obligent pas davantage à informer le contribuable qu’il a la possibilité de demander au juge judiciaire de lui donner accès aux documents saisis ; que la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a, par suite, pas commis d’erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que, faute d’une telle information, la procédure suivie à l’égard de M. et Mme B. aurait été irrégulière au regard des articles L. 12 et L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés... Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l’intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur " ; que la cour, saisie d’un moyen tiré de ce que l’administration aurait dû transmettre à M. et Mme B. une copie des documents saisis par l’autorité judiciaire et consultés par le vérificateur dans l’exercice de son droit de communication avant de leur adresser, sur le fondement de l’article L. 16 précité, une demande de justification, a pu sans erreur de droit écarter ce moyen au motif que l’obligation de restitution ne s’impose que pour les documents que le contribuable a remis lui-même au vérificateur et qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’oblige, pour les documents obtenus auprès des tiers, qu’une copie soit transmise au contribuable avant l’envoi d’une demande de justification ;
Considérant que le moyen tiré de la violation de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales est nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ;
Considérant qu’en jugeant que compte tenu des montants en cause et du caractère répété des revenus dissimulés, l’administration doit être regardée comme ayant établi que les requérants n’ont pas agi de bonne foi, la cour administrative d’appel, qui en évoquant le caractère " dissimulé " des revenus en cause, a nécessairement admis le caractère intentionnel d’une telle dissimulation, n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de la requérante tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme V. de V. d’A. la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme Veuve B. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme V. de V. d’A. Veuve B. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.