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Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 235398, Compagnie générale des eaux et autres

Une commune ne peut, en principe, subventionner un service public industriel ou commercial ou prendre en charge une partie de ses dépenses. Il ne peut être fait exception à cette règle que dans les cas limitativement énumérés à l’article L. 2224-2. Il appartient à tout service industriel et commercial communal, quel que soit son mode de gestion, d’équilibrer son budget en recettes et en dépenses. Il incombe notamment au service de prendre en charge sur ses ressources propres, à l’exclusion de toute subvention d’équilibre versée par la collectivité territoriale dont il relève, les déficits qui pourraient résulter tant d’impayés antérieurs que de dépenses d’investissement. Si les dispositions de l’article L. 2224-2 ouvrent la faculté aux communes, dans des cas limitativement énumérés, et notamment lorsque des investissements impliquant une hausse excessive des tarifs s’avèrent nécessaires, de décider de prendre en charge sur leur budget propre lesdites dépenses, elles ne leur en font nullement obligation. Enfin il appartient à la collectivité publique concernée de prendre en charge sur le budget annexe du service de l’eau les extensions du réseau qu’elle juge nécessaires.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 235398,236086,243893,245672

COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
COMMUNE DE SAINT-PAUL (Réunion)
Mme C.

Mme Ducarouge
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 juillet 2003
Lecture du 30 juillet 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 235398, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 10 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dont le siège social est 52, rue d’Anjou à Paris (75008), représentée par son président-directeur général en exercice ; la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 3 mai 2001 en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a déclaré illégale la délibération du 23 décembre 1995 par laquelle le conseil municipal de Saint-Paul a décidé de procéder à la réalisation de travaux de renforcement du réseau de distribution d’eau et d’appliquer une surtaxe au prix de l’eau pour les années 1996 à 1999 ;

2°) condamne les défendeurs à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 236086, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 16 juillet 2001 et le 16 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-PAUL, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l’Hôtel de ville de Saint-Paul ; la COMMUNE DE SAINT-PAUL demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 3 mai 2001 en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a déclaré d’une part que la délibération du 12 novembre 1992 avait été annulée par jugement du 3 juillet 1996, d’autre part, que la délibération du 23 décembre 1995 par laquelle le conseil municipal de Saint-Paul a décidé de procéder à la réalisation de travaux de renforcement du réseau de distribution d’eau et d’appliquer une surtaxe au prix de l’eau pour les années 1996 à 1999 était illégale ;

2°) condamne chacun des requérants de première instance à lui verser la somme de 1 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 3°) sous le n° 243 893, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 8 mars 2002, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-PAUL ; la commune demande que le Conseil d’Etat ordonne le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et condamne chacun des requérants de première instance à lui verser la somme de 1 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 4°), la requête, enregistrée le 26 avril 2002, sous le n° 245672, présentée pour Mme Gisèle C. ; elle demande que le Conseil d’Etat déclare illégales les délibérations du conseil municipal de Saint-Paul des 31 août 1994, 23 décembre 1995, 26 décembre 1996 et 30 décembre 1997, et condamne la COMMUNE DE SAINT-PAUL à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle s’en rapporte aux mémoires déposés par les défendeurs sous les n°s 235398 et 236086 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 2224-1, L. 2224-2, D. 2224-1 ;

Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, de Me Ricard, avocat de M. Ah Ch. et autres, et de la SCP Gatineau, avocat de la COMMUNE DE SAINT-PAUL,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 235398, 236086 et 245672 de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, venant aux droits et obligations de la société VIVENDI, de la COMMUNE DE SAINT-PAUL et de Mme C., tendent à l’annulation du même jugement du 3 mai 2001 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ; que, sous le n° 243893, la COMMUNE DE SAINT-PAUL demande en outre le sursis à exécution du même jugement ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT-PAUL a confié, par traité d’affermage en date du 30 janvier 1990, la gestion de son service de distribution de l’eau potable à la Société Vivendi, aux droits et obligations de laquelle est ensuite venue la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ; que les dépenses et recettes communales du service des eaux sont retracées conformément aux exigences de l’article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales dans un budget annexe ; qu’aux termes de l’article 2 du traité, "hormis les travaux d’entretien et ceux confiés au fermier par le présent traité, les autres travaux concernant les ouvrages du service seront exécutés par la collectivité" ; que le fermier est autorisé à percevoir auprès des usagers un prix comportant un tarif de base maximal, défini à l’article 32, fixé à l’origine à 12,75 F pour la partie fixe trimestrielle, revenant au fermier, auquel s’ajoutent, d’une part, la "surtaxe" définie à l’article 31, d’autre part, les divers droits et taxes additionnels au prix de l’eau ; qu’enfin le fermier, en vertu des stipulations de l’article 31 du traité d’affermage, est tenu de percevoir gratuitement, pour le compte de la commune, cette "surtaxe", fixée à l’origine à 2,25 F, pour la partie fixe, et proportionnelle à la consommation pour sa part variable, suivant un barème progressif, s’ajoutant au prix de l’eau et destinée notamment à la couverture des annuités d’emprunt ; que le fermier doit verser à la commune un loyer annuel de 1 950 000 F, en application de l’article 5. 3. du traité d’affermage ; que toutefois l’avenant n° 2 du 10 septembre 1997 a supprimé ce loyer, conformément à une délibération du 4 septembre 1997 du conseil municipal ; que pour financer tant les impayés des années antérieures que l’extension du réseau de distribution d’eau potable, la COMMUNE DE SAINT-PAUL a décidé de majorer la "surtaxe" au prix de l’eau ; que la part fixe de cette "surtaxe", ou "surtaxe location", est ainsi passée de 4,50 F en 1992 à 38,50 F en 1993, 1994 et 1995, 48,50 F en 1996 et 58, 50 F en 1997 ;

Considérant que M. Ah Ch. et d’autres usagers du service d’adduction d’eau potable de Saint-Paul de la Réunion ont contesté leurs factures d’eau devant le tribunal d’instance de Saint-Paul de la Réunion, en contestant la légalité des "surtaxes" décidées par le conseil municipal de Saint-Paul de la Réunion et perçues par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX pour le compte de la commune ; que le tribunal d’instance de Saint-Paul de la Réunion a, par jugements des 13 avril 1999 et 30 mai 2000, sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité des délibérations du conseil municipal de Saint-Paul fixant, à compter de 1992, le taux des surtaxes litigieuses ; que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, saisi par M. Ah Ch. et trois cent quarante-six autres demandeurs, a, par jugements du 13 avril 1999 et du 30 mai 2000, d’une part, constaté que la délibération du 12 novembre 1992 avait été annulée par jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 3 juillet 1996, d’autre part, que seule la délibération du conseil municipal de Saint-Paul du 23 décembre 1995 fixant le taux de la "surtaxe" était entachée d’illégalité, et enfin que les délibérations du 11 mars 1993 portant approbation du budget primitif annexe du service d’eau pour 1993, du 31 août 1994, du 23 décembre 1995, et du 26 décembre 1996 portant admission de créances en non-valeur, au titre respectivement des exercices budgétaires 1994, 1995 et 1996, ainsi que les délibérations du 30 décembre 1997 portant approbation du budget primitif du service de l’eau pour l’exercice 1998, et du 30 décembre 1997 portant approbation du budget supplémentaire du service de l’eau pour l’exercice 1997, n’étaient pas entachées d’illégalité ;

Considérant que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX fait appel de ce jugement, en tant que le tribunal administratif a déclaré illégale la délibération du 23 décembre 1995 décidant d’appliquer une "surtaxe" au prix de l’eau pour les années 1996 à 1999 ; que la COMMUNE DE SAINT-PAUL en fait également appel, en tant que le tribunal administratif a déclaré, d’une part, que la délibération du 12 novembre 1992 avait été annulée par son jugement du 3 juillet 1996, et, d’autre part, que la délibération du 23 décembre 1995 était illégale ; que M. Ah Ch. et les autres demandeurs devant le tribunal administratif demandent, par la voie de l’appel incident, l’annulation de ce jugement, en tant qu’il a déclaré légales les autres délibérations, notamment celles admettant des créances en non-valeur au titre des exercices 1994, 1995, 1996 et 1997 ; qu’enfin, Mme C. fait également appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la demande d’expertise formée par M. Ah Ch. et les autres demandeurs ; qu’ainsi il n’a pas entaché son jugement d’omission de statuer ; que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, serait dans cette mesure irrégulier ;

Sur l’étendue de la question préjudicielle :

Considérant que la question préjudicielle posée par le tribunal d’instance était limitée à la validité des délibérations fixant, à partir de 1992, la surtaxe au prix de l’eau ; que, dès lors, M. Ah Ch. et les autres demandeurs n’étaient pas recevables, devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, à demander que soient également déclarées illégales les délibérations en date des 11 mars 1993, 31 août 1994, 23 décembre 1995, 26 décembre 1996 et 30 décembre 1997 ayant pour objet d’approuver les budgets primitifs ou supplémentaires du service de l’eau ou d’admettre des créances de l’ex-régie des eaux en non-valeur ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif doit être annulé en tant qu’il a accueilli ces conclusions ; que la demande formée devant lui doit, sur ce point, être rejetée comme irrecevable ; qu’il y a lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, de rejeter également tant l’appel incident formé par M. Ah Ch. et autres que l’appel formé par Mme C., en tant qu’ils tendent à ce que ces délibérations soient déclarées illégales ;

Sur la légalité des délibérations des 12 novembre 1992 et 23 décembre 1995 en tant qu’elles fixent le taux des "surtaxes" au prix de l’eau :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les règles de droit applicables :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-5 du code des communes aujourd’hui repris à l’article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales : "Les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial, exploités en régie, affermés ou concédés doivent être équilibrés en recettes et en dépenses" ; qu’aux termes des alinéas suivants du même article, aujourd’hui repris à l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales : "Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre [de ces] services publics. Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l’une des raisons suivantes : 1° Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ; 2° Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ;... La décision du conseil municipal fait l’objet, à peine de nullité, d’une délibération motivée. Cette délibération fixe les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses des services auxquels elles se rapportent. En aucun cas, cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d’un déficit de fonctionnement" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’une commune ne peut, en principe, subventionner un service public industriel ou commercial ou prendre en charge une partie de ses dépenses ; qu’il ne peut être fait exception à cette règle que dans les cas limitativement énumérés à l’article L. 2224-2 ; qu’il appartient à tout service industriel et commercial communal, quel que soit son mode de gestion, d’équilibrer son budget en recettes et en dépenses ; qu’il incombe notamment au service de prendre en charge sur ses ressources propres, à l’exclusion de toute subvention d’équilibre versée par la collectivité territoriale dont il relève, les déficits qui pourraient résulter tant d’impayés antérieurs que de dépenses d’investissement ; que si les dispositions de l’article L. 2224-2 ouvrent la faculté aux communes, dans des cas limitativement énumérés, et notamment lorsque des investissements impliquant une hausse excessive des tarifs s’avèrent nécessaires, de décider de prendre en charge sur leur budget propre lesdites dépenses, elles ne leur en font nullement obligation, contrairement à ce que soutiennent Mme C.,, M. Ah Ch., et les autres demandeurs de première instance ; qu’enfin il appartient à la collectivité publique concernée de prendre en charge sur le budget annexe du service de l’eau les extensions du réseau qu’elle juge nécessaires ;

Sur le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne la délibération du 12 novembre 1992 portant augmentation du prix de l’eau et de la "surtaxe" :

Considérant que, par jugement du 3 juillet 1996, devenu définitif, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé la délibération du 12 novembre 1992 augmentant la surtaxe perçue par la commune sur les tarifs d’eau potable, seulement en tant que le produit de cette surtaxe, évalué à 2 956 836,64 F, excédait la somme de 2 526 838,64 F ; que ce n’est que dans cette mesure que la délibération litigieuse doit être regardée comme ayant cessé de produire tout effet à l’égard des tiers ;

Considérant, en revanche, qu’en ce qui concerne l’augmentation de la surtaxe à hauteur de 2 526 838,64 F, l’autorité absolue de la chose jugée ne s’attache pas à la décision par laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, qui était saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre la délibération du 12 novembre 1992 dans sa totalité, a, implicitement mais nécessairement, rejeté le surplus des conclusions des demandes tendant à l’annulation de cette délibération ; que la circonstance, constatée par ce jugement, que le montant des créances réputées irrécouvrables ait été réduit à 430 000 F dès le vote, antérieur à la délibération litigieuse, du budget supplémentaire de la commune pour 1992, n’emportait pas par elle-même suppression ou réduction de la surtaxe votée par le conseil municipal le 12 novembre 1992 ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT-PAUL est dès lors fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion s’est borné à déclarer que la délibération du 12 novembre 1992 avait été annulée par son jugement du 3 juillet 1996, et a refusé, par suite, de se prononcer sur sa légalité ;

Sur le moyen tiré de ce que l’augmentation des "surtaxes" aurait été décidée à des fins irrégulières :

Considérant que constitue une redevance pour service rendu, toute redevance demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d’un service public ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public, et qui trouve sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage ;

Considérant que le budget annexe du service de l’eau de Saint-Paul a été, conformément aux règles qui ont été énoncées plus haut, financé d’une part par la redevance perçue sur les usagers, dont la "surtaxe" litigieuse est un élément constitutif, d’autre part par le loyer versé par le fermier, en application de la convention d’affermage du 30 janvier 1990, jusqu’à sa suppression par l’avenant n° 2 du 10 septembre 1997 ;

Considérant que la redevance perçue auprès des usagers du service de distribution d’eau potable doit financer, conformément aux dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, l’ensemble des dépenses du service, y compris les déficits résultant des impayés et les intérêts des emprunts contractés en vue de l’extension du réseau ; que d’ailleurs, si M. Ah Ch. et autres soutiennent que les "surtaxes" n’auraient pas pour objet essentiel le financement des investissements, il ressort des pièces du dossier que les "surtaxes" au prix de l’eau, comportant une part fixe et une part variable en fonction de la consommation d’eau, votées par délibération du conseil municipal de Saint-Paul du 12 novembre 1992, puis par délibération du 23 décembre 1995, sont destinées notamment à financer un programme de renforcement du réseau qui s’élève sur 15 ans à 260 millions de francs ; que la charge cumulée de l’amortissement et des intérêts des emprunts souscrits pour étendre et améliorer le réseau de distribution d’eau potable s’est de 1992 à 1997 élevée à près de 50 millions de francs, alors que le montant total des admissions en non-valeur de créances réputées irrécouvrables a, sur la même période, été de 8 millions de francs ; que ce moyen ne peut par suite qu’être écarté ;

Considérant qu’en admettant même que l’augmentation consécutive des tarifs de l’eau soit excessive, au sens des dispositions précitées de l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, la COMMUNE DE SAINT-PAUL a pu légalement, en application des dispositions précitées de l’article L. 2224-1, décider de ne pas faire supporter par son budget général les charges du budget annexe de l’eau, mais d’instituer des "surtaxes" au prix de l’eau, afin d’assurer l’équilibre de ce budget annexe, et notamment de faire face aux investissements nécessaires ;

Sur le moyen tiré de ce que les bénéficiaires des investissements ne seraient pas des usagers du service de l’eau :

Considérant que si M. Ah Ch. et autres soutiennent que la commune aurait procédé à une extension des réseaux au profit de personnes qui n’étaient pas des usagers du service et que lui-même et d’autres requérants ne résideraient pas dans les secteurs concernés par l’extension des canalisations de distribution d’eau potable, il résulte des dispositions relatives aux services publics industriels et commerciaux qu’il appartient à la commune d’assurer, à partir des recettes du service, l’ensemble des équipements d’extension et d’amélioration des réseaux rendus nécessaires, notamment, par l’augmentation de la population et l’étendue des secteurs à desservir ; qu’ainsi M. Ah Ch. et autres ne sont pas fondés à soutenir que les délibérations fixant le taux des surtaxes seraient illégales en ce qu’elles auraient pour objet de financer des travaux effectués sur le réseau auquel ils sont abonnés, mais dont ils ne bénéficieraient pas directement ;

Sur les moyens tirés de ce que l’augmentation des "surtaxes" ne serait pas légalement justifiée :

Considérant que Mme C., M. Ah Ch. et les autres requérants n’établissent pas la réalité de l’exonération du paiement de "surtaxes" en faveur de services publics administratifs, et ne précisent d’ailleurs pas en quoi cette exonération, à la supposer établie, serait irrégulière ;

Considérant que ni Mme C., ni M. Ah Ch. et autres n’établissent que la tarification de l’eau aurait été fixée en prenant en compte de charges étrangères au service de l’eau, et que le montant de la surtaxe nécessaire pour équilibrer le budget du service aurait été surévalué, en vue notamment de compenser des dépenses fictives ou des créances abusivement considérées comme irrécouvrables ; que, notamment, ni la circonstance que la somme de 820 000 F inscrite au budget annexe du service de l’eau pour 1993 sous le chapitre "autres charges de gestion" correspondrait exactement au montant des dépenses regardées comme irrécouvrables, telles qu’évaluées au titre de l’exercice 1992 par le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion dans son jugement du 3 juillet 1996, et telles qu’elles figurent sous l’intitulé "autres charges de gestion" au chapitre 67 du budget du service annexe de l’eau pour 1993, ni les observations, sur la gestion de la commune, de la chambre régionale des comptes, qui a estimé les impayés à plus de 12 millions de francs, sur la période 1994 à 2000, ne sont en tout état de cause de nature à établir que les "surtaxes" auraient été augmentées exclusivement pour couvrir les déficits antérieurs du service de l’eau et fixées à un montant correspondant à des créances irrégulièrement déclarées irrécouvrables ; qu’en effet la charge des impayés des exercices antérieurs n’entre dans aucune des catégories de dépenses que le conseil municipal peut décider de faire assumer par le budget propre de la commune, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, et doit, en application de ces mêmes dispositions, être imputée au budget propre du service ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-PAUL a pu légalement, en application des dispositions précitées de l’article L. 2224-1, décider de ne pas faire supporter par son budget général les charges du budget annexe de l’eau, mais d’instituer des "surtaxes" au prix de l’eau, afin d’assurer l’équilibre de ce budget annexe, et notamment de faire face tant aux investissements nécessaires qu’au déficit résultant de la charge, moindre bien qu’importante, des impayés des exercices antérieurs ;

Sur le moyen tiré du caractère "difficilement supportable" de l’augmentation des "surtaxes" :

Considérant que le moyen tiré de ce que les assujettis à la "surtaxe" supporteraient une charge trop lourde porte sur le bien-fondé des sommes mises à leur charge ; qu’il est, dès lors, sans incidence sur la légalité des délibérations litigieuses ;

Considérant que la circonstance que, par délibération du 10 août 1999, la COMMUNE DE SAINT-PAUL a décidé de réduire la "surtaxe" pour les exercices ultérieurs est sans incidence sur la légalité des "surtaxes" litigieuses, établies au titre des années 1992 à 1998 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en fixant le taux de ces "surtaxes", par délibérations de son conseil municipal du 12 novembre 1992 et du 23 décembre 1995, la COMMUNE DE SAINT-PAUL n’a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant que, dès lors, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX et la COMMUNE DE SAINT-PAUL sont fondées à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a d’une part déclaré illégales la délibération du 12 novembre 1992 et celle du 23 décembre 1995 portant fixation des tarifs de l’eau et de la "surtaxe" en tant qu’elle décide "de faire évoluer les tarifs d’eau pour la période de 1996 à 1999 et d’appliquer une surtaxe au prix de vente de l’eau pour les années 1996 à 1999... et d’entériner le tableau des surtaxes et parts fermières", d’autre part estimé ne pas avoir à se prononcer sur la légalité de la délibération du 12 novembre 1992 ; qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun moyen dirigé contre les délibérations litigieuses n’étant fondé, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX et la COMMUNE DE SAINT-PAUL sont fondées à soutenir que la demande tendant à ce qu’elles soient déclarées illégales doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. Ah Ch. et autres à payer à la COMMUNE DE SAINT-PAUL et à la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNE DE SAINT-PAUL, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer, d’une part, à M. Ah Ch. et autres, d’autre part, à Mme Gisèle C., la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 3 mai 2001 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est annulé en tant qu’il s’est prononcé sur les conclusions de M. Ah Ch. et des autres requérants tendant à ce que soient déclarées illégales la délibération du conseil municipal de Saint-Paul du 11 mars 1993, en tant qu’elle approuve le budget primitif pour 1993 du service de l’eau, la délibération du 31 août 1994, en tant qu’elle annule et admet en non-valeur des créances de l’ex-régie des eaux pour un montant de 1 118 461,75 F au titre de l’exercice 1994, la délibération du 23 décembre 1995, en tant qu’elle annule et admet en non-valeur des créances de l’ex-régie des eaux, pour un montant de 1 966 800,52 F au titre de l’exercice 1995, la délibération du 26 décembre 1996, en tant qu’elle annule et admet en non-valeur des créances de l’ex-régie des eaux pour un montant de 1 989 375,41 F au titre de l’exercice 1996, la délibération du 30 décembre 1997, portant approbation du budget supplémentaire du service de l’eau pour l’exercice 1997, et la délibération du 30 décembre 1997, en tant qu’elle approuve le budget primitif pour 1998 du service de l’eau.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion par M. Ah Ch. et les autres requérants est rejetée en tant qu’elle tend à ce que ces délibérations soient déclarées illégales.

Article 3 : Il est déclaré que les délibérations du 12 novembre 1992 et du 23 décembre 1995 portant fixation des tarifs de l’eau et de la surtaxe en tant qu’elle décide de faire évoluer les tarifs d’eau pour la période de 1996 à 1999 et d’appliquer une surtaxe au prix de vente de l’eau pour les années 1996 à 1999 (conforme à celle figurant à l’annexe n° 1) et d’entériner le tableau des surtaxes et parts fermières" ne sont pas entachées d’illégalité.

Article 4 : La requête n° 245672 présentée par Mme C. est rejetée.

Article 5 : Le surplus de la demande présentée par M. Ah Ch. et autres devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et les conclusions de leur appel incident sont rejetés.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 235398, n° 236086, n° 243893 et n° 245672 est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, à la COMMUNE DE SAINT-PAUL, à Mme Gisèle C. et à M. Jean-Yves Ah Ch..

 


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