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Cour administrative d’appel de Douai, 3 avril 2003, n° 01DA00066, Commune de Proville et autres

En l’absence d’intervention des arrêtés prévus, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge, d’apprécier si, eu égard à leur localisation, à leur nature et à leur importance, les projets de travaux relatifs à des itinéraires routiers d’un coût au moins égal à 100 millions de francs doivent faire l’objet d’une instruction mixte à l’échelon central ou à l’échelon local.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

N° 01DA00066, 01DA00175

Commune de Proville et autres

Mme Merlin-Desmartis
Rapporteur

M. Yeznikian
Commissaire du Gouvernement

Audience du 19 mars 2003
Lecture du 3 avril 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

1ère chambre

Vu 1°) sous le n° 01DA00066, la requête, enregistrée le 23 janvier 2001 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentée pour la commune de Proville (59267), par Me Nathalie Greugny ; la commune de Proville demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement en date du 30 novembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes dirigées contre l’arrêté du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord du 2 avril 1999 déclarant d’utilité publique les travaux de déviation de la R.N. 43 au sud de Cambrai et emportant mise en comptabilité des plans d’occupation des sols des communes concernées et contre l’arrêté du 9 novembre 1999 déclarant cessible au profit de l’Etat la parcelle n° B 1395 appartenant à la commune ;

2°) d’annuler ledit arrêté ainsi que l’arrêté de cessibilité pris sur son fondement ;

3°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 10 000 francs sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 1265 du 29 novembre 1952 ;

Vu la loi n°92-3 du 3 janvier 1992 ;

Vu le décret n° 55-1064 du 4 août 1955 ;

Vu les décrets n°93-742 et n° 93-743 du 29 mars 1993 ;

Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le code rural ;

Vu le code du domaine public de l’Etat ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 mars 2003
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,
- les observations de Me Cockempot, avocat, substituant Me Perruchot, avocat, pour la commune de Proville, de Me Masson, avocat, membre de la SCP Dutat Lefebvre, pour le ministère de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et de Me Savoye, avocat, pour l’association " défense de la qualité de la vie ", M. et Mme L. et M et Mme C.,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 01DA00066 et 01DA00175 sont dirigées contre le même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête présentée par l’association " Défense de la qualité de la vie " :

Sur l’arrêté en date du 2 avril 1999 du préfet du Nord :

En ce qui concerne la légalité externe :

Sur la procédure d’instruction mixte :

Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret du 4 août 1955 : "Selon la nature et l’importance des travaux, l’instruction mixte est faite à l’échelon central ou à l’échelon local (.)/ A. Sont soumis à la procédure d’instruction mixte à l’échelon central les projets de grands travaux portant sur les objets énumérés ci-après, lorsque leur réalisation est de nature à entraîner une dépense totale évaluée à 100 millions de francs au moins. 1° Etablissement, aménagement et suppression de moyens de communications terrestres, aériens, maritimes et fluviaux en ce qui concerne : le tracé d’ensemble et les caractéristiques générales des itinéraires routiers définis par arrêtés conjoints du ministre de la défense nationale et des forces armées, du ministre des travaux publics, des transports et du tourisme et éventuellement du ministre de l’intérieur (.)" ; qu’en l’absence d’intervention des arrêtés ainsi prévus, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge, d’apprécier si, eu égard à leur localisation, à leur nature et à leur importance, les projets de travaux relatifs à des itinéraires routiers d’un coût au moins égal à 100 millions de francs doivent faire l’objet d’une instruction mixte à l’échelon central ou à l’échelon local ; qu’en l’espèce, si le coût des travaux de la déviation routière de Cambrai excède 100 millions de francs, ce projet, qui n’affecte qu’une zone géographique restreinte et n’a pour objet que d’améliorer la circulation locale, a pu légalement faire l’objet d’une instruction mixte à l’échelon local ; que le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du ministre de l’intérieur du 14 mars 1997, qui est dépourvue de caractère réglementaire, est, en tout état de cause, inopérant ;

Sur la régularité du dossier soumis à l’enquête publique :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact figurant au dossier retrace les résultats d’une étude acoustique réalisée sur chacune des sections de l’itinéraire, en particulier dans le secteur compris entre la RN 44 et la RN 43 sur le territoire des communes de Niergnies et d’Awoingt, et décrit les mesures envisagées pour réduire les nuisances sonores ; que si, s’agissant de ce même secteur, certaines habitations de construction récente ne figuraient, ni sur les plans du dossier, ni sur ceux annexés à l’étude d’impact, ces documents, qui n’ont pas pour objet de déterminer avec précision les parcelles éventuellement soumises à expropriation, avaient une précision suffisante pour permettre aux intéressés de connaître la nature et la localisation des travaux envisagés ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif, dont le jugement n’est sur ce point entaché d’aucune omission à statuer ni d’aucune contradiction de motifs, a pu estimer que le dossier soumis à enquête satisfaisait aux exigences des dispositions de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation ;

Considérant que la circonstance que l’étude d’impact mentionne -en page 164- qu’en application de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et de ses décrets d’application du 29 mars 1993, une procédure sera ultérieurement conduite " afin de déterminer avec précision les incidences du projet sur l’Escaut et sur le canal de Saint-Quentin, liées à leur franchissement et aux rejets effectués " n’est pas, en elle-même, de nature à faire regarder comme insuffisante l’analyse par l’étude d’impact des effets du projet sur la qualité des eaux ; qu’aucune disposition de nature législative ou réglementaire n’imposait que l’enquête publique hydrologique spécifique exigée par les textes précités fût réalisée avant que n’intervienne l’arrêté de déclaration d’utilité publique ;

Sur les travaux de la commission d’enquête :

Considérant que les membres de la commission d’enquête, anciens fonctionnaires de l’Etat, avaient été admis à faire valoir leurs droits à la retraite depuis plus de cinq ans et n’ont pris aucune part à l’élaboration du projet soumis à enquête ; que, dans ces conditions, ils ne sauraient être regardés comme personnes intéressées à l’opération au sens des dispositions de l’article R. 11-14-4 du code de l’expropriation ;

Considérant que, selon les dispositions de l’article R. 11-14-14 du même code, la commission d’enquête doit examiner les observations recueillies et consignées au cours de l’enquête, et transmettre le dossier avec ses conclusions ; que, toutefois, ces dispositions ne faisaient pas obligation à la commission de répondre à chacune des observations qui lui ont été présentées ; qu’il ressort des pièces du dossier que la commission d’enquête a, dans son rapport, répondu aux observations les plus argumentées et indiqué avec une précision suffisante les motifs qui, en dépit des oppositions qui se sont manifestées, l’ont conduite à donner un avis favorable à l’opération envisagée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Sur l’atteinte au domaine public de la commune :

Considérant qu’il n’est pas contesté que la parcelle ZA 43, nécessaire à la réalisation de l’ouvrage, appartient au domaine public de la commune de Proville ; que, toutefois, la déclaration d’utilité publique n’entraîne pas, par elle-même, transfert de propriété au profit de l’Etat ; qu’à défaut de l’accord de la commune, son changement d’affectation peut être prononcé, avant l’exécution des travaux et sans transfert de propriété, par le ministre des finances ou le premier ministre dans les conditions prévues par l’article R. 58 du code du domaine de l’Etat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté de déclaration publique porterait atteinte au principe d’inaliénabilité du domaine public de la commune ne peut qu’être écarté ;

Sur l’utilité publique du projet :

Considérant qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

Considérant que l’opération déclarée d’utilité publique par le décret attaqué consiste en une voie de déviation de la RN 43 au sud de Cambrai d’une longueur de 13,6 km partant de la RN 30 au nord de Proville pour rejoindre la RN 43 à l’est d’Awoingt, destinée à alléger du trafic de transit le centre-ville de Cambrai et à améliorer les relations entre les zones périphériques de l’agglomération ; que ce projet constitue la fraction sud de la future voie de contournement de la ville ; que, compte tenu de l’intérêt qui s’attache à l’amélioration des conditions de vie et de circulation dans la ville de Cambrai, et alors même que la réduction de trafic ne serait que de 11 000 véhicules par jour à l’horizon 2015, ce projet revêt en lui-même un caractère d’utilité publique ; que si les requérants soutiennent que les atteintes portées par le projet à des intérêts publics ou privés seraient excessives, il ressort du dossier que d’importantes mesures ont été prévues pour réduire les effets dommageables de l’ouvrage ; qu’en particulier, s’agissant des risques de pollution de la nappe phréatique, très vulnérable à proximité de l’Escaut, le tracé retenu passe à l’extérieur des périmètres de protection des captages d’alimentation en eau potable de la Marlière et de Proville ; que, pour éviter tout risque de pollution des eaux souterraines, des fossés latéraux étanches recueilleront les eaux de ruissellement de la route qui seront dirigées vers des bassins de rétention aménagés aux points bas du projet en dehors de la zone sensible ; que, par ailleurs, l’ouvrage de franchissement de l’Escaut et du canal de Saint-Quentin sera réalisé sans appui sur le lit mineur des deux cours d’eau et ne provoquera pas de modifications de leur écoulement superficiel ; qu’ainsi les orientations générales du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du Bassin Artois-Picardie ont été prises en compte par les auteurs du projet conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 3 de la loi susvisée du 3 janvier 1992 aujourd’hui codifiées à l’article L. 212-1 du code de l’environnement ; que, si le site naturel de la vallée de l’Escaut présente un intérêt évident pour la région, le point de traversée retenu ainsi que la conception de l’ouvrage de franchissement atténuent l’impact visuel du projet ; que, contrairement à ce qui est allégué, aucune emprise n’est prévue sur le bois Chenu menaçant le projet de réhabilitation du site entrepris par la commune de Proville, l’emprise sur le bois de la Folie étant réduite à la pointe nord de celui-ci ; que les déboisements nécessaires donneront lieu à des reboisements compensateurs ; que l’impact sur la faune et la flore sauvages sera par là-même limité ; que les nuisances sonores subies par les riverains dans la partie semi-urbaine du tracé n’excèderont en aucun cas 60 db, des protections acoustiques étant prévues aux points les plus exposés ; qu’une réorganisation du parcellaire permettra d’atténuer les effets perturbateurs du passage de la voie sur l’activité agricole ; qu’enfin, quand bien même la participation de l’Etat serait elle subordonnée à la réalisation du contournement intégral de la ville de Cambrai, le coût financier du projet n’apparaît pas excessif ; qu’ainsi, eu égard aux précautions prises pour les limiter et satisfaire, notamment, aux exigences du principe de précaution énoncées à l’article L. 200-1 du code rural, les inconvénients de toute nature que présente le projet retenu ne peuvent, ni être regardés comme excessifs par rapport à l’intérêt que l’opération présente, ni lui retirer son caractère d’utilité publique ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Sur l’arrêté de cessibilité du 9 novembre 1999 :

Considérant que la commune de Proville soutient qu’elle a réalisé, dès 1997, sur la parcelle B 1395 située en bordure du bois Chenu et déclarée cessible au profit de l’Etat par arrêté du 9 novembre 1999 du préfet du Nord, divers travaux destinés à ouvrir ce bois au public dans le cadre d’un " parc écologique urbain " incluant cette parcelle ; que, toutefois de tels travaux, compte tenu de leur objet et de leur caractère limité, ne constituent pas des aménagements spéciaux de nature à faire regarder ce bien comme faisant partie du domaine public de la commune ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’une dépendance du domaine public ne pouvait faire l’objet de l’arrêté attaqué ne peut être accueilli ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés en date des 2 avril 1999 et 9 novembre 1999 du préfet du Nord ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner conjointement et solidairement les requérants à payer à l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat soit condamné à verser aux requérants les sommes qu’ils demandent au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 01DA00066 de la commune de Proville et N° 01DA00175 de l’association " défense de la qualité de la vie ", M. et Mme L. et M. et Mme C. sont rejetées.

Article 2 : La commune de Proville, l’association " défense de la qualité de la vie ", M. et Mme L. et M. et Mme C. sont condamnés conjointement et solidairement à payer à l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Proville, à l’association " défense de la qualité de la vie ", à M. et Mme C., à M. et Mme L., à M. L., à M. D., à l’association Transparence, au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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