format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 19 mars 2008, n° 305593, Ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer c/ Association pour la sauvegarde du Gers
Conseil d’Etat, 2 février 2004, n° 238315, SCI La Fontaine de Villiers
Conseil d’Etat, 21 mai 2008, n° 293404, Antoinette A.
Conseil d’Etat, 17 mai 2002, n° 235062, Société entreprise Jean Lefebvre Centre Pays de la Loire
Conseil d’Etat, 17 avril 2008, n° 276920, Société McDonald’s France
Conseil d’Etat, 30 décembre 2003, n° 232584, Société civile immobilière d’HLM de Lille et environs
Cour administrative d’appel de Paris, 6 novembre 2003, n° 00PA01250, Société Metin Brie
Conseil d’Etat, 14 avril 2008, n° 283283, Ministre de l’agriculture et de la pêche c/ M. et Mme B.
Conseil d’Etat, 5 avril 2004, n° 231679, SCEA de la Charlotterie
Conseil d’Etat, 24 novembre 2003, n° 240820, M. et Mme H. et autres




Conseil d’Etat, 9 juin 2004, n° 265457, Francis M.

Eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d’un bâtiment autorisée par un permis de construire, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés. Il peut, toutefois, en aller autrement au cas où le pétitionnaire ou l’autorité qui a délivré le permis justifient de circonstances particulières. Il appartient alors au juge des référés de procéder à une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce qui lui est soumise.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 265457

M. et Mme M.

M. Boulouis
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 26 mai 2004
Lecture du 9 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 24 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme Francis M. ; M. et Mme M. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance en date du 24 février 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a rejeté leur requête tendant à la suspension de l’exécution de la décision du maire de Dury (Somme) en date du 23 janvier 2004 ayant accordé un permis de construire à M. Michel G. sur la parcelle cadastrée section AI n° 143 ;

2°) statuant sur la demande en référé, de suspendre l’exécution de cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme et notamment ses articles L. 421-2, L. 600-4-1 et R. 421-2 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boutet, avocat de M. et Mme M., de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la commune de Dury et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. G.,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté en date du 23 janvier 2004, le maire de Dury (Somme) a délivré à M. G. un permis de construire un bâtiment à usage d’habitation sur une parcelle située chemin du Crocq ; que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a rejeté, faute d’urgence, la demande présentée par M. et Mme M., propriétaires d’une maison, qu’ils habitent, située sur la parcelle voisine, et tendant à la suspension de l’exécution de cet arrêté ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif, lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d’un bâtiment autorisée par un permis de construire, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu’il peut, toutefois, en aller autrement au cas où le pétitionnaire ou l’autorité qui a délivré le permis justifient de circonstances particulières ; qu’il appartient alors au juge des référés de procéder à une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce qui lui est soumise ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif d’Amiens que les travaux préparatoires à la construction de la maison de M. G. avaient commencé et que ni la commune de Dury ni le pétitionnaire n’avaient fait état, en défense, de circonstances de nature à justifier d’un intérêt s’attachant à ce que cette construction fût édifiée sans délai ; que la circonstance que le début des opérations dont faisaient état les requérants ait porté sur l’abattage d’arbres, qui aurait pu être réalisé sans autorisation administrative préalable, est sans incidence sur l’appréciation de l’urgence à laquelle le juge devait procéder ; que, dans ces conditions, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que les requérants n’avaient pas justifié de l’urgence à demander la suspension de l’exécution du permis de construire délivré à M. G. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme M. sont fondés à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant qu’il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, il ressort des pièces du dossier que la construction de la maison autorisée par l’arrêté attaqué est imminente ; que, par suite et alors même que l’abattage des arbres aurait cessé à la suite de l’intervention du maire de Dury, M. et Mme M. justifient de l’urgence de la suspension de l’exécution du permis de construire litigieux ;

Considérant que deux des moyens invoqués par M. et Mme M., tirés de ce que les documents figurant dans le dossier de la demande de permis ne permettent pas, en méconnaissance des dispositions des 6° et 7° de l’article R. 421-2 du code de l’urbanisme, d’apprécier l’insertion de la construction envisagée dans l’environnement et le paysage existants ni l’impact qu’il aura sur eux et de ce que, par voie de conséquence, il n’est pas possible de s’assurer que ce permis respecte les dispositions de l’article UD 13 du plan d’occupation des sols de la commune en ce qu’elles imposent de replanter autant d’arbres qu’il en est abattu, sont de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce permis ; qu’en revanche, en l’état de l’instruction, aucun des autres moyens invoqués par M. et Mme M. et tirés de ce que le dossier de permis a été élaboré par une personne ne remplissant pas les conditions posées par l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme, de ce que le permis ne respecte pas les dispositions de l’article UD 10 du plan d’occupation des sols de Dury et du détournement de pouvoir commis par le maire de Dury n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité dudit permis ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir la demande de M. et Mme M. tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté du maire de Dury en date du 23 janvier 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de M. et Mme M. qui ne sont pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance ; qu’en revanche, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Dury le versement à M. et Mme M. de la somme de 1 500 euros qu’ils ont demandée devant le juge des référés au titre des frais qu’ils ont exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d’Amiens en date du 24 février 2004 est annulée.

Article 2 : L’exécution de l’arrêté du maire de Dury en date du 23 janvier 2004 est suspendue.

Article 3 : La commune de Dury versera à M. et Mme M. la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Dury et de M. G. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Francis M., à la commune de Dury et à M. Michel G..

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site