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Conseil d’Etat, 29 novembre 2002, n° 244873, Commune de Lirac c/ SARL Chaux et Ciments

Sauf recours des tiers, le certificat d’achèvement des travaux d’un lotissement, lorsqu’il a été obtenu tacitement et n’a fait l’objet d’aucune mesure d’information des tiers, ne peut être retiré qu’à la double condition que ce retrait intervienne dans le délai de deux mois de l’obtention tacite du certificat et qu’il soit motivé par l’illégalité de ce dernier, tenant notamment à la non réalisation de tout ou partie des travaux prescrits par l’autorisation de lotissement.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 244873

COMMUNE DE LIRAC
c/ SARL Chaux et Ciments

M. El Nouchi
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 novembre 2002
Lecture du 29 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 22 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE LIRAC, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LIRAC demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 18 mars 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l’exécution des décisions des 23 juillet et 10 octobre 2001 du maire de Lirac refusant de délivrer un certificat administratif d’achèvement des travaux de réalisation du lotissement "les Hauts de Lirac" à la SARL Chaux et Ciments ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Chaux et Ciments devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de condamner la SARL Chaux et Ciments à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 23 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE LIRAC et de Me Blondel, avocat de la SARL Chaux et Ciments,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d’une part, que l’article R. 315-36 du code de l’urbanisme dispose : "L’autorité compétente délivre (...), à la requête du bénéficiaire de l’autorisation et dans le délai maximum d’un mois à compter de cette requête, un certificat constatant qu’en exécution des prescriptions de l’arrêté d’autorisation ont été achevés selon le cas : a) Soit l’ensemble des travaux du lotissement ; b) Soit l’ensemble de ces travaux, exception faite des travaux de finition lorsque l’exécution différée de ces derniers a été autorisée en application de l’article R. 315-33 a ; c) Soit les travaux de finition mentionnés au b ci-dessus. En cas d’inexécution de tout ou partie des prescriptions imposées, le requérant est avisé dans le même délai par l’autorité compétente des motifs pour lesquels le certificat mentionné au premier alinéa ne peut être délivré./ A défaut de réponse dans le délai d’un mois mentionné au premier alinéa, le bénéficiaire de l’autorisation peut requérir, par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal, l’autorité compétente de délivrer le certificat./ La décision de l’autorité compétente doit être notifiée dans le mois de cette réquisition. A l’expiration de ce dernier délai, si aucune notification n’est intervenue, le certificat est réputé accordé (...)" ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : "Une décision implicite d’acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l’autorité administrative : (...) 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu’aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en oeuvre ; 3°) Pendantla durée de l’instance au cas où un recours contentieux a été formé" ; qu’il résulte de ces dispositions combinées que, sauf recours des tiers, le certificat d’achèvement des travaux d’un lotissement, lorsqu’il a été obtenu tacitement et n’a fait l’objet d’aucune mesure d’information des tiers, ne peut être retiré qu’à la double condition que ce retrait intervienne dans le délai de deux mois de l’obtention tacite du certificat et qu’il soit motivé par l’illégalité de ce dernier, tenant notamment à la non réalisation de tout ou partie des travaux prescrits par l’autorisation de lotissement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier que, le 11 avril 2001, la SARL Chaux et Ciments, venant aux droits de la société Prestasud, a sollicité auprès du maire de Lirac (Gard) la délivrance d’un certificat constatant l’achèvement des travaux prescrits dans l’autorisation de lotissement qui avait été accordée le 27 mars 2000 à la société Prestasud ; que, cette première demande étant restée sans réponse, la SARL Chaux et Ciments l’a réitérée par une lettre recommandée avec accusé de réception qui a été reçue le 30 mai 2001 mais n’a fait l’objet d’aucune réponse dans le délai d’un mois prévu à l’article R. 315-36 précité du code de l’urbanisme ; qu’en revanche, le maire de Lirac a adressé à la société, les 23 juillet et 10 octobre 2001, des lettres qui, dans les termes où elles sont rédigées, doivent être regardées comme portant retrait du certificat tacite d’achèvement obtenu le 30 juin 2001 ;

Considérant, d’une part, que, pour ordonner la suspension, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de l’exécution des décisions du maire de Lirac en date des 23 juillet et 10 octobre 2001, le juge des référés a relevé "qu’en l’état de l’instruction le moyen tiré de ce que le maire ne pouvait retirer le certificat administratif tacite pour les motifs invoqués, alors qu’il n’est pas contesté que fense nble des travaux permis par l’autorisation de lotir ont été réalisés, est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de ce retrait" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que si la COMMUNE DE LIRAC avait contesté la réalité de l’achèvement des travaux dans un mémoire produit dans une précédente instance close par une ordonnance du 18 décembre 2001 du juge des référés du même tribunal, elle n’a pas joint une copie de ce mémoire à celui qu’elle a déposé dans l’instance qui a conduit à l’ordonnance attaquée, instance au cours de laquelle elle n’a contesté que la réalisation de travaux supplémentaires qu’elle avait demandés afin d’améliorer la desserte des lots 3 et 4 par rapport à ce qui était prévu dans l’autorisation du 27 mars 2000 ; qu’ainsi, en relevant que l’ensemble des travaux prescrits par cette autorisation était réalisé, le juge des référés n’a pas dénaturé les écritures de la COMMUNE DE LIRAC ; qu’il n’a pas davantage commis d’erreur de droit en déduisant de cette constatation qu’était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées le moyen tiré de ce que le certificat tacite d’achèvement ne pouvait être légalement retiré pour les motifs invoqués par le maire de Lirac ;

Considérant, d’autre part, que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; que pour estimer que l’urgence justifiait la suspension des décisions contestées, après avoir relevé que le retrait du certificat administratif tacite qu’elle avait obtenu privait la SARL Chaux et Ciments de la possibilité de commercialiser le lotissement réalisé en empêchant la présentation des demandes de permis de construire, le juge des référés, dont la décision n’est pas entachée d’erreur de droit, s’est livré, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des circonstances de l’espèce qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LIRAC n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de la SARL Chaux et Ciments ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Chaux et Ciments, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE LIRAC la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner la COMMUNE DE LIRAC à verser à la SARL Chaux et Ciments une somme de 3 500 ewos au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE LIRAC est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE LIRAC versera à la SARL Chaux et Ciments une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LIRAC et à la SARL Chaux et Ciments.

 


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