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Cour administrative d’appel de Douai, 5 février 2003, n° 00DA00998, Société nationale des chemins de fer français c/ M. Bernard C.

Les dispositions de l’article L. 241-1 du code du travail ont pour objet d’imposer à la SNCF la mise en place de services médicaux du travail s’inspirant des principes de la médecine du travail selon des modalités régies par le seul règlement prévu par l’article 2 du décret du 9 septembre 1960, à l’exclusion de toute application directe du titre IV du code du travail.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

N° 00DA00998

Société nationale des chemins de fer français
c/ M. Bernard C.

Mme Brin
Rapporteur

M. Evrard
Commissaire du Gouvernement

Audience du 22 janvier 2003
Lecture du 5 février 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

3ème chambre

Vu la requête, enregistrée le 25 août 2000 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentée pour la société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.), dont la direction juridique est 10, place de Budapest à Paris (75009), par Me Pierre Bufquin, avocat ; la S.N.C.F. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement N° 98-4529 du 8 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 2 novembre 1998 par laquelle le ministre de l’équipement, des transports et du logement a annulé la décision en date du 28 avril 1998 du directeur adjoint du travail des transports de Lille reconnaissant l’aptitude de M. C. au poste de conducteur de ligne ;

2°) de rejeter la demande de M. C. ;

3°) de décider qu’il sera sursis à l’exécution du jugement ;

Vu les autres pièces du dossier desquelles il ressort que la requête a été communiquée au ministre de l’équipement, des transports et du logement ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi N° 46-2195 du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail ;

Vu la loi N° 55-292 du 15 mars 1955 étendant aux entreprises de transport les dispositions de l’article 1er de la loi du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail ;

Vu la loi N° 76-1106 du 6 décembre 1976 relative au développement de la prévention des accidents du travail ;

Vu le décret N° 60-695 du 9 septembre 1960 portant application de la loi N° 55-292 du 15 mars 1955 étendant à la société nationale des chemins de fer français les dispositions de l’article 1er de la loi N° 46-2195 du 11 octobre 1946 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le décret N° 53-934 du 30 septembre 1953 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 janvier 2003
- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,
- les observations de Me Fargot, avocat, pour M. Bernard C.,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’à la suite d’une consultation en vue de la reprise du travail succédant à un accident de travail subi par M. C., le médecin du travail de la S.N.C.F. à Douai, par avis du 22 novembre 1995, a déclaré ce dernier inapte définitivement à son poste de conducteur de train, occupé jusqu’alors à l’établissement"traction du Hainaut" ; que l’intéressé a été ensuite muté à l’unité de production de Somain ; que par une décision en date du 28 avril 1996 prise sur le fondement de l’article L. 241-10-1 du code du travail et après avis du médecin inspecteur du travail chargé de l’inter-région Nord, le directeur adjoint du travail des transports de Lille, chargé des fonctions d’inspecteur du travail, saisi par M. C., a décidé que celui-ci devait être considéré comme apte au poste de conducteur de ligne ; que, sur recours hiérarchique du président du conseil d’administration de la S.N.C.F., le ministre de l’équipement, des transports et du logement, par décision en date du 2 novembre 1998, a annulé ladite décision du 28 avril 1998 pour"défaut de base légale" ; que la S.N.C.F. fait appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 8 juin 2000 qui, sur le recours de M. C., a annulé la décision du ministre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d’une part, qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que la décision attaquée par M. C. ne constitue pas un acte administratif dont le champ d’application s’étend au delà du ressort d’un seul tribunal administratif ; que dès lors la S.N.C.F. n’est pas fondée à soutenir qu’en vertu du 3° de l’article 2 du décret susvisé du 30 septembre 1953 alors en vigueur, le Conseil d’Etat serait compétent en premier et dernier ressort pour connaître du recours pour excès de pouvoir formé par M. C. dirigé contre la décision ministérielle du 2 novembre 1998 ;

Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article R. 54 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors applicable les litiges relatifs aux législations régissant la réglementation du travail relèvent, lorsque la décision n’a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d’exercice de la profession ; que le présent litige relatif à la législation sur la médecine du travail, porte sur une décision individuelle qui concerne M. C. dont le lieu d’exercice de la profession se trouve dans le ressort du tribunal administratif de Lille ;

Considérant qu’il s’ensuit que le jugement attaqué n’est pas entaché d’irrégularité ;

Sur la décision du 2 novembre 1998 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 241-1 du code du travail contenu au titre IV"médecine du travail"du livre II"Réglementation du travail" :"Le champ d’application du présent titre est celui qui est défini à l’article L. 231-1, alinéas 1 et 2. / Il s’étend en outre aux entreprises de transport par fer, par route, par eau et par air. Des décrets fixent, pour chaque catégorie d’entreprises de transport, les modalités d’application du présent alinéa." ; que ces dispositions résultent de l’article 1er de la loi susvisée du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail dont les dispositions ont été étendues aux entreprises de transport par la loi susvisée du 15 mars 1955 dont l’article 2 prévoit que des décrets en fixeront les modalités d’application pour chaque catégorie d’entreprise ;

Considérant qu’aux termes du décret susvisé du 9 septembre 1960 qui porte application de ladite loi du 15 mars 1955 et étend à la S.N.C.F. les dispositions de l’article 1er de la loi susrappelée du 11 octobre 1946 :"Article 1er : La société nationale des chemins de fer français étendra à l’ensemble de son personnel la surveillance des services médicaux du travail. Article 2 : Les conditions d’organisation et de fonctionnement desdits services, qui s’inspireront des principes de la médecine du travail, feront l’objet d’un règlement établi par la société nationale ; ce règlement sera soumis à l’approbation du ministre des travaux publics et des transports, qui devra recueillir l’accord du ministre du travail" ;

Considérant que l’article L. 241-10-1 du code du travail qui a été ajouté au titre IV du livre II du code du travail par l’article 4 de la loi susvisée du 6 décembre 1976 dispose :"Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé des travailleurs. / Le chef d’entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l’inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail" ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 241-1 du code du travail ont pour objet d’imposer à la S.N.C.F. la mise en place de services médicaux du travail s’inspirant des principes de la médecine du travail selon des modalités régies par le seul règlement prévu par l’article 2 précité du décret du 9 septembre 1960, à l’exclusion de toute application directe du titre IV du code du travail ; qu’il en résulte que le règlement PS 24 B, homologué en dernier lieu par décision du ministre des transports du 26 janvier 1976, et dont l’objet est de déterminer les modalités d’exécution des dispositions dudit décret, est, contrairement à ce que soutient M. C., exclusivement applicable à la S.N.C.F. en matière de médecine du travail ; que, par suite, les dispositions précitées de l’article L. 241-10-1 du code du travail ne trouvent pas à s’appliquer à la S.N.C.F. ; que dès lors c’est à bon droit que le ministre de l’équipement, des transports et du logement, par sa décision du 2 novembre 1998, estimant que l’inspecteur du travail ne pouvait légalement se fonder sur cet article L. 241-10-1 pour décider que M. C. devait être considéré comme apte au poste de conducteur de ligne, a annulé la décision de ce dernier en date du 28 avril 1998 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur l’application à la S.N.C.F. de l’article L. 241-10-1 du code du travail pour annuler la décision ministérielle du 2 novembre 1998 ;

Considérant toutefois qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par M. C. devant le tribunal administratif de Lille et devant la Cour ;

Considérant que si M. C. soutient que le règlement PS 24 B de la S.N.C.F. ne prévoit pas de garantie équivalente à celle résultant du 3° alinéa de l’article L. 241-10-1 du code du travail, cette seule circonstance n’est pas de nature à entacher la légalité de la décision attaquée dès lors que la procédure prévoyant l’intervention de l’inspecteur du travail définie audit article n’est pas applicable à la S.N.C.F. ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la S.N.C.F. est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 2 novembre 1998 du ministre de l’équipement, des transports et du logement ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la S.N.C.F. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. C. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement N° 98-4529 en date du 8 juin 2000 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Bernard C. devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. Bernard C. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société nationale des chemins de fer français, à M. Bernard C. et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

 


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