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Conseil d’Etat, 25 avril 2003, n° 199190, Secrétaire d’Etat au logement c/ Société Murinvest

Lorsqu’il est établi, par procès-verbal, que le bénéficiaire d’un permis de construire a édifié des constructions non conformes aux éléments déclarés, en application de l’article R. 421-4 du code de l’urbanisme, en vue de la liquidation des impositions dues à raison de ces constructions, l’administration doit être réputée constater une insuffisance, omission, inexactitude ou dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de ces impositions, au sens de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 199190

SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT
c/ société Murinvest

M. Bereyziat
Rapporteur

M. Bachelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 mars 2003
Lecture du 25 avril 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu, enregistré le 28 août 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le recours du SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT ; le SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 18 juin 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, d’une part, rejeté son recours tendant à l’annulation du jugement du 11 décembre 1996 du tribunal administratif de Paris prononçant la décharge du complément de participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols et de la majoration y afférente, ainsi que du complément de taxe locale d’équipement et des pénalités y afférentes, mis à la charge de la société Murinvest au titre des travaux entrepris sur un immeuble sis 64, rue Bonaparte à Paris, d’autre part, condamné l’Etat à payer à cette société la somme de 5 000 F au titre des dispositions de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, repris à l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) statuant au fond, d’annuler le jugement du 11 décembre 1996 susmentionné et de rejeter la demande en décharge présentée par la société Murinvest devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 97-1239 du 27 décembre 1997 portant loi de finances rectificative pour 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de Me Cossa, avocat de la société Murinvest,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 18 juin 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, d’une part, rejeté son recours tendant à l’annulation du jugement du 11 décembre 1996 du tribunal administratif de Paris prononçant la décharge du complément de participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols et de la majoration y afférente, ainsi que des droits complémentaires et amende de taxe locale d’équipement, mis à la charge de la société Murinvest à concurrence respectivement des sommes de 4 006 440 F et de 58 004 F, à raison des travaux réalisés par l’intéressée sans permis de construire sur un immeuble sis 64, rue Bonaparte à Paris, d’autre part, condamné l’Etat à payer à cette société la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’en application de l’article R. 421-4 du code de l’urbanisme, doivent figurer, le cas échéant, dans une demande de permis de construire tous les éléments nécessaires au calcul des différentes impositions dont la délivrance dudit permis constitue le fait générateur ; qu’aux termes de l’article 1585 A du code général des impôts : "Une taxe locale d’équipement, établie sur la construction et l’agrandissement des bâtiments de toute nature, est instituée : 1°) De plein droit : a. Dans les communes de 10 000 habitants et au-dessus ; b. Dans les communes de la région parisienne (...). La taxe est perçue au profit de la commune (...)" ; qu’aux termes de l’article 1585 G du même code : "La taxe est liquidée au tarif en vigueur à la date, selon le cas, soit de la délivrance du permis de construire ou du permis modificatif, soit de l’autorisation tacite de construire, soit du procès-verbal constatant les infractions" ; qu’aux termes du II de l’article 1723 quater du même code : "En cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation, la base de la taxe ou du complément de taxe éventuellement exigible est notifiée au trésorier-payeur général par le directeur départemental de l’équipement ou par le maire. Le recouvrement de la taxe ou du complément de taxe, augmenté de l’amende fiscale prévue à l’article 1836, est immédiatement poursuivi contre le constructeur" ; que l’article R. 332-9 du code de l’urbanisme, relatif à la participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols alors exigible, dispose : "(...) si un dépassement de la surface de plancher prévue par le permis de construire est constaté dans les conditions prévues à l’article L. 480-1, la participation est due sur la base de la surface de plancher effectivement construite (...)./ Sans préjudice des sanctions prévues par les dispositions en vigueur en cas d’infraction à la réglementation en matière de permis de construire, la surface de plancher non autorisée est pour le calcul de la participation majorée de 50 p. 100 (...)" ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions de l’article L. 56, lorsque l’administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A" ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales, portant codification de l’article 1649 quinquies A ancien du code général des impôts, doivent, compte-tenu de la rédaction de ce dernier, se lire comme se référant, d’une part, à tous impôts, droits et taxes, d’autre part, aux redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, et sont ainsi susceptibles de s’appliquer à l’établissement tant de la taxe locale d’équipement visée à l’article 1585 A précité du code général des impôts, que de la participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols visée à l’article R. 332-9 précité du code de l’urbanisme, dès lors que cette dernière contribution fiscale ne peut, eu égard à l’objet auquel elle s’applique, être regardée comme une imposition directe perçue au profit des collectivités locales échappant, en application de l’article L. 56 du livre des procédures fiscales, aux règles définies à l’article L. 55 du même livre, et alors même que cette participation n’est pas due en vertu du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de la combinaison des dispositions législatives et réglementaires précitées que, lorsqu’il est établi, par procès-verbal, que le bénéficiaire d’un permis de construire a édifié des constructions non conformes aux éléments déclarés, en application de l’article R. 421-4 précité du code de l’urbanisme, en vue de la liquidation des impositions dues à raison de ces constructions, l’administration doit être réputée constater une insuffisance, omission, inexactitude ou dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de ces impositions, au sens de l’article L. 55 précité du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que ni les dispositions précitées de l’article 1723 quater II du code général des impôts relatif à la taxe locale d’équipement, ni celles de l’article R. 332-9 du code de l’urbanisme relatif à la participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols, n’ont eu pour objet ou pour effet d’instituer une procédure de taxation d’office, excluant la procédure de redressement contradictoire prévue à l’article L. 55 précité du livre des procédures fiscales, dans le cas de constructions réalisées en infraction aux obligations résultant du permis de construire délivré au constructeur ;

Considérant qu’il résulte, dès lors, de la combinaison des dispositions législatives et réglementaires précitées que, lorsque l’administration entend assujettir un contribuable à des compléments de taxe locale d’équipement ou de participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols, à raison de constructions réalisées en infraction aux obligations résultant du permis de construire délivré au constructeur, elle est tenue de respecter la procédure de redressement contradictoire prévue à l’article L. 55 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 21 septembre 1989, la société Murinvest a obtenu du maire de Paris un permis de démolir et de construire en vue de la transformation partielle en habitation d’un immeuble à usage commercial sis 64, rue Bonaparte à Paris ; qu’ayant constaté, par un procès-verbal d’infraction dressé le 23 février 1990, que cette société avait démoli et reconstruit sans autorisation une partie du plancher du bâtiment originel et, par suite, créé une surface de plancher nouvelle supérieure à celle autorisée, le maire de Paris lui a réclamé, pour ce motif, par deux notifications du 10 juin 1992, le paiement d’un complément de participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols assorti, sur le fondement de l’article R. 332-9 du code de l’urbanisme, d’une majoration de 50 %, ainsi que de droits complémentaires de taxe locale d’équipement, eux-mêmes assortis de pénalités de 100 % en application du II de l’article 1723 quater du code général des impôts ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant, d’une part, que la société Murinvest devait être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant souscrit une déclaration inexacte en vue de l’obtention du permis de construire qui lui a été délivré le 21 septembre 1989, d’autre part, que l’autorité chargée de la notification des compléments de taxe locale d’équipement et de participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols dus à raison de ces travaux était tenue de respecter les garanties de procédure prévues aux articles L. 54 B et L. 57 à L. 61 A du livre des procédures fiscales, la cour a souverainement apprécié les faits de l’espèce et n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant qu’il ressort, en outre, des énonciations de l’arrêt attaqué qu’après avoir relevé que les notifications du 10 juin 1992 susmentionnées ne mentionnaient pas la possibilité, prévue par les dispositions de l’article L. 54 B du livre des procédures fiscales, de se faire assister d’un conseil, la cour en a déduit que la procédure d’imposition suivie à l’encontre de la société Murinvest était irrégulière et a rejeté, pour ce seul motif, les conclusions du recours formé par le SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT contre le jugement du 11 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé cette société de l’ensemble des compléments d’imposition, en droits et pénalités, mis à sa charge par ces notifications ; qu’en statuant ainsi, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt ; que, par suite, le SECRETARIE D’ETAT AU LOGEMENT ne critique pas utilement cet arrêt en soutenant, d’une part, que la cour se serait méprise sur la portée de son moyen d’appel tiré de l’intervention, en cours d’instance, de la loi de finances rectificative du 27 décembre 1997 susvisée, d’autre part, que la cour aurait fait une inexacte application de cette loi ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir de la société Murinvest, que le recours du SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT ne peut qu’être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à payer à la société Murinvest une somme de 3 000 euros (19 678,71 F) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du SECRETAIRE D’ETAT AU LOGEMENT est rejeté.

Article 2 : L’Etat paiera à la société Murinvest une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et à la société Murinvest.

 


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