CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 227945
M. P.
SARL DELTANA
Mme Legras
Rapporteur
M. Lamy
Commissaire du gouvernement
Séance du 3 février 2003
Lecture du 24 février 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Thierry P. et la SARL DELTANA, dont le siège social se trouve au 266, avenue Dausmenil, à Paris (75012), représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; M. P. et la SARL DELTANA demandent que le Conseil d’Etat annule l’arrêt du 14 juin 2000 par lequel la Cour des comptes a condamné M. P. au versement d’une amende de 500 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 ;
Vu le décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Legras, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. P.,
les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l’arrêt attaqué :
Considérant que le rapport du rapporteur près les juridictions financières ne constitue pas une pièce de la procédure d’instruction mais participe à la fonction de juger dévolue à la formation collégiale dont ce magistrat est membre ; que par suite, et pas plus d’ailleurs que celui du contre-rapporteur, il n’a à être communiqué aux requérants préalablement au jugement de l’affaire ;
Considérant que si, à l’appui de leur pourvoi contre l’arrêt du 6 octobre 2000 leur infligeant une amende pour immixtion dans les fonctions de comptable public, la SARL DELTANA et M. P. font valoir que la Cour des comptes a pris parti, de manière publique, dans son rapport au Président de la République pour l’année 1991, sur les faits qui ont donné lieu à la procédure d’apurement de la gestion de fait, il ressort des termes mêmes de ce rapport que si la Cour des comptes a évoqué l’ouverture des procédures par la chambre régionale des comptes, elle n’a pas préjugé les appréciations qu’elle a portées dans l’arrêt attaqué ; qu’il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la Cour des comptes aurait méconnu le principe d’impartialité et celui des droits de la défense ;
Considérant que le principe général d’impartialité ne fait pas obstacle à ce que le magistrat de la Cour des comptes investi des fonctions de contre-rapporteur participe au délibéré de la formation de jugement appelée à statuer sur l’amende pour gestion de fait, dès lors que ce magistrat n’a exercé aucun pouvoir d’investigation ;
Considérant que la SARL DELTANA et M. P. ne sont pas recevables à soutenir pour la première fois devant le juge de cassation que la participation du rapporteur près la chambre régionale des comptes au délibéré du jugement du 4 octobre 1994 a méconnu le principe général d’impartialité, ni que l’audience n’aurait pas été publique devant la chambre régionale des comptes ;
Considérant que la Cour des comptes a indiqué avec précision les raisons pour lesquelles le comportement de M. P. et celui de la société DELTANA justifiaient des amendes du montant de celles qui ont été infligées ; que le moyen tiré de ce que l’arrêt attaqué ne serait, sur ce point, pas suffisamment motivé doit donc être écarté ;
Sur la légalité de l’arrêt attaqué :
Considérant qu’en indiquant que les requérants étaient passibles de l’amende prévue à l’article L. 131-11 du code des juridictions financières dès lors qu’ils avaient été déclarés comptables de fait par un arrêt devenu définitif, la Cour des comptes n’a pas entaché son arrêt de dénaturation ;
Considérant que, contrairement à ce qu’indiquent les requérants, la Cour ne s’est livrée à aucune substitution de motifs ;
Considérant que l’arrêt attaqué vise le § XI de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, dont le dernier alinéa dispose : "Les comptables de fait pourront, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l’article 433-12 du code pénal, être condamnés aux amendes prévues par, la loi", ainsi que le code des juridictions financières, dont l’article L. 131-11 prévoit l’amende pour immixtion dans les fonctions de comptable public ; qu’ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’amende qu’ils contestent a été prononcée en violation des stipulations du paragraphe 3, a), de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au motif qu’ils n’auraient pas été informés qu’une immixtion dans les fonctions de comptable public leur était reprochée ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. P. et la SARL DELTANA ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt du 14 juin 2000 de la Cour des comptes ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. P. et de la SARL DELTANA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Thierry P., à la SARL DELTANA, au procureur général près la Cour des comptes et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie