CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 227770
CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER
M. El Nouchi
Rapporteur
M. Bachelier
Commissaire du gouvernement
Séance du 8 janvier 2003
Lecture du 29 janvier 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2000 et 4 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER, dont le siège est 555, route de Ganges, représenté par son directeur général ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER demande au Conseil d’Etat d’annuler les articles 2 à 5 de l’arrêt du 26 septembre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, annulé le jugement du 28 avril 1999 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il avait rejeté la demande de Mme Ribière tendant à l’annulation des décisions des 12 et 13 mars 1997 du directeur du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER mettant fin au versement de son revenu de remplacement, d’autre part, annulé lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
les observations de Me Luc-Thaler, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER et de Me Blondel, avocat de Mme Ribière,
les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme Stéphanie R., infirmière psychiatrique au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER, a saisi le 2 mai 1997 le tribunal administratif de Montpellier d’une demande tendant, notamment, à l’annulation des décisions des 12 et 13 mars 1997 du directeur général de cet établissement supprimant pour l’avenir le bénéfice de l’allocation pour perte d’emploi précédemment accordé à l’intéressée qui avait été exclue pour une durée de deux ans à titre disciplinaire ; que, par un jugement du 28 avril 1999, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces conclusions ; que Mme R. ayant interjeté appel de ce jugement, la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt du 26 septembre 2000, fait droit à sa requête sur ce point après avoir, cependant, confirmé la légalité de la mesure d’exclusion temporaire de fonctions ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER se pourvoit en cassation contre cet arrêt, en tant qu’il a, par ses articles 2 à 5, annulé les décisions des 12 et 13 mars 1997 excluant Mme R. du bénéfice des allocations pour perte d’emploi, réformé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 avril 1999 en ce qu’il avait de contraire et enjoint au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER de procéder au calcul et à la liquidation des allocations pour perte d’emploi dues à Mme R. et de procéder au paiement à l’intéressée desdites allocations dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 351-1 du code du travail : "(...) Les travailleurs involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement (...)" ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 351-3 du même code, l’allocation d’assurance est attribuée aux travailleurs involontairement privés d’emploi qui satisfont à des conditions d’âge et d’activité antérieure ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 351-12 : "Ont droit à l’allocation d’assurance dans les conditions prévues à l’article L. 351-3 : 1 ° les agents non fonctionnaires de l’Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs (...) La charge et la gestion de cette indemnisation sont assurées par les employeurs mentionnés au présent article" ;
Considérant que si, la sanction d’exclusion temporaire prononcée à l’encontre d’un agent de la fonction publique hospitalière, en application de l’article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, entraîne pour celui-ci la privation de la rémunération attachée à son emploi, elle n’a pas pour effet de le priver, au sens des dispositions précitées du code du travail, de cet emploi, qu’il a le droit de réintégrer au terme de la période d’exclusion ; que l’agent exclu temporairement ne peut donc prétendre, pendant la période où court cette sanction, à un revenu de remplacement ; que, par suite, en jugeant que, du fait de la sanction d’exclusion temporaire prononcée à son encontre, Mme R. devait être regardée comme ayant été involontairement privée d’emploi au sens des dispositions précitées du code du travail et pouvait donc bénéficier du revenu de remplacement qu’elles instituent, la cour a commis une erreur de droit ; que dès lors, les articles 2, 3 et 4 ci-dessus analysés de son arrêt doivent être annulés ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que les décisions attaquées n’ont pas pour objet d’exclure, en application des dispositions du code du travail, du bénéfice du revenu de remplacement un allocataire qui aurait refusé d’accepter une offre d’emploi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait été seul compétent pour prendre de telles décisions doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que les décisions énoncent les considérations de droit et de fait qui les ont justifiées ; qu’elles sont ainsi suffisamment motivées ;
Considérant, en troisième lieu, que si la décision du 5 mars 1996 accordant à Mme R. le bénéfice du revenu de remplacement, alors même que cette dernière ne remplissait pas les conditions pour y prétendre, a créé des droits au profit de l’intéressée, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l’auteur de cette décision pût légalement mettre fin pour l’avenir au versement de cette allocation ; qu’il n’a, ce faisant, ni porté une atteinte illégale aux droits acquis par Mme R., ni méconnu le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, ni violé les principes, invoqués par la requérante, reconnus par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1958, l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 17 et 23 du pacte des droits civils et politiques ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme R. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement dont elle fait appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions des 12 et 13 mars 1997 du tribunal administratif de Montpellier ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme R. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER, fondées sur l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, qu’il avait présentées devant la cour administrative d’appel de Marseille ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 26 septembre 2000 sont annulés.
Article 2 : La requête de Mme R. devant la cour administrative d’appel de Marseille et se : conclusions devant le Conseil d’Etat tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER devant la cour administrative d’appel de Marseille, fondées sur l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER et à Mme Stéphanie R. .