CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 232367
Mme M.
M. Delion
Rapporteur
M. Austry
Commissaire du gouvernement
Séance du 30 octobre 2002
Lecture du 22 novembre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 9 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Sandra M. ; Mme M. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler sans renvoi l’arrêt en date du 28 mars 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 5 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 14 septembre 1996 du maire d’Appietto mettant fin à ses fonctions ;
2°) de condamner la commune d’Appietto à lui verser une somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Delion, Maître des requêtes,
les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Sandra M. et de Me Spinosi, avocat de la commune d’Appietto,
les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il résulte des pièces soumises aux juges du fond que Mme M. a été recrutée par la commune d’Appietto, qui compte moins de 2 000 habitants, en qualité d’agent de cantine et d’entretien scolaire à temps incomplet pour la période du 15 septembre 1989 au 30 juin 1990 sur un contrat à durée déterminée, puis, bien que ce contrat ne comportât aucune clause de reconduction, a été maintenue en fonctions jusqu’à la fin de l’année scolaire 1995-1996 ; que le maire d’Appietto a alors vainement proposé à Mme M. un nouveau contrat à durée déterminée, comportant des modifications par rapport à son contrat initial ; que, par décision du 14 septembre 1996, le maire d’Appietto a mis fin aux fonctions de Mme M. ; que, par jugement du 5 juin 1997, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme M. tendant à l’annulation de cette décision ; que Mme M. se pourvoit en cassation contre l’arrêt en date du 28 mars 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé ce jugement ;
Sur le pourvoi :
Considérant que lorsqu’un agent contractuel, parvenu au terme de son contrat, refuse un nouveau contrat parce que celui-ci diffère substantiellement du précédent, la décision de non renouvellement du contrat que prend l’administration ne peut s’analyser comme la simple satisfaction donnée à une renonciation exprimée par l’agent lui-même, lequel ne serait donc pas fondé à contester cette décision ; que pour écarter comme inopérants les moyens invoqués par Mme M. pour contester le non renouvellement de son contrat, la cour administrative d’appel s’est fondée sur ce que l’intéressée avait refusé la proposition de renouvellement de son contrat qui lui avait été faite par la commune d’Appietto ; qu’en statuant ainsi sans rechercher si les modifications du contrat proposées par la commune revêtaient ou non un caractère substantiel, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit ;
Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Sur la requête d’appel de Mme M. :
Considérant, en premier lieu que Mme M. , qui n’a jamais été titularisée, n’est pas fondée à se prévaloir des droits d’un agent titulaire ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984, modifiée par la loi du 13 juillet 1987 et applicable au présent litige : "Les collectivités et établissements mentionnés à l’article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d’un congé de maladie, d’un congé de maternité ou d’un congé parental, ou de l’accomplissement du service national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d’un an à la vacance d’un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi./ Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel./ Des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les mêmes cas et selon les mêmes conditions de durée que ceux applicables aux agents de l’Etat./ Toutefois, dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d’habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour une durée déterminée et renouvelés par reconduction expresse pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet et correspondant à un nombre maximal d’heures de travail qui n’excède pas celui mentionné à l’article 107 de la présente loi" ; qu’aux termes des prescriptions de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 rendues applicables aux agents territoriaux par l’article 3 précité de la loi du 26 janvier 1984 : "Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d’une durée maximale de trois ans qui ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse" ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions législatives que les contrats passés par les collectivités et établissements publics territoriaux en vue de recruter des agents non titulaires doivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse ; que, par suite, la reconduction tacite d’un tel contrat ne peut légalement avoir pour effet de conférer au contrat dès son origine une durée indéterminée ; que le maintien en fonction à l’issue du contrat initial a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est soit celle prévue par les parties, soit, à défaut, celle qui était assignée au contrat initial ;
Considérant qu’en application des principes ci-dessus énoncés résultant des prescriptions de la loi du 26 janvier 1984, Mme M. doit être regardée comme ayant bénéficié au terme de son contrat initial de plusieurs contrats à durée déterminée conclus chacun pour une année scolaire ; que la décision litigieuse est toutefois fondée sur le refus de Mme M. de conclure un nouveau contrat comportant des modifications par rapport au précédent, en particulier une augmentation de 21 à 26 heures de sa durée hebdomadaire de travail sans majoration proportionnelle de son salaire ; que ces modifications revêtaient un caractère substantiel ; que, par suite, la décision litigieuse exprime le refus de la commune de renouveler à l’identique le contrat antérieur ;
Considérant toutefois qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n’imposent, à peine d’illégalité, que les décisions portant refus de renouvellement de contrat soient motivées, qu’elles soient précédées d’un entretien préalable ou d’un préavis et que l’agent concerné soit invité à prendre connaissance de son dossier, dès lors que la mesure ne revêt pas un caractère disciplinaire ; que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ; que, par suite, Mme M. n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 14 septembre 1996 du maire d’Appietto ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative
Considérant que la présente décision, qui rejette la demande de Mme M. , n’appelle aucune mesure d’exécution ; qu’ainsi, les conclusions tendant à ce que le juge administratif ordonne la réintégration de l’intéressée doivent être, en tout état de cause, rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761 du code de justice administrative ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, en application de ces dispositions, de condamner Mme M. à verser à la commune d’Appietto la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce que la commune d’Appietto soit condamnée à verser à Mme M. la somme que cette dernière demande au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt du 28 mars 2000 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.
Article 2 : La requête de Mme M. devant la cour administrative d’appel de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d’Etat sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune d’Appietto tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Sandra M. , à la commune d’Appietto et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.