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Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 218242, Syndicat national des entrepreneurs de spectacles

La différence de taxation liée aux conditions d’exploitation d’une même oeuvre dont la création est le fruit de la seule initiative privée n’est pas justifiée par une différence de situation pertinente au regard de l’objet du décret, qui ne peut résulter de la circonstance, invoquée par le ministre de la culture et de la communication, que les producteurs et les exploitants de lieux de représentation publique rattachés à une collectivité publique ou subventionnés par celle-ci sont soumis, du fait de ces rattachement ou subvention à des sujétions particulières. Une telle discrimination n’est pas non plus rendue nécessaire par des considérations d’intérêt général en rapport avec l’objectif poursuivi par le décret.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 218242

SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES

M. Bereyziat
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 décembre 2002
Lecture du 30 décembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 5 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES (SNES), dont le siège est 48, rue Sainte-Anne à Paris (75002) ; le syndicat requérant demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’article 3-c) du décret n° 2000-1 du 4 janvier 2000 relatif à la taxe parafiscale sur les spectacles ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré par le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES de ce que le texte publié audit journal diffèrerait du projet soumis à l’avis du Conseil d’Etat et du texte proposé par celui-ci manque en fait ;

Considérant, d’autre part, qu’aucun texte n’imposait au pouvoir réglementaire de consulter les organisations représentatives de la profession d’entrepreneurs de spectacles avant de prendre le décret attaqué ; que, dès lors, à la supposer établie, la circonstance que le document de travail communiqué à ces organisations pour leur seule information différé du texte du décret publié au Journal officiel est sans incidence sur la légalité de ce dernier ;

Sur l’unique moyen de légalité interne tiré de la violation du principe de l’égalité devant les charges publiques :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret attaqué : "Il est institué, à compter du 1er janvier 2000 et jusqu’au 31 décembre 2004, une taxe parafiscale sur les spectacles destinée à financer des actions de soutien au théâtre privé et aux variétés. Cette taxe est perçue au profit : - de l’Association pour le soutien du théâtre privé lorsqu’elle est due au titre d’un spectacle d’art dramatique, lyrique et chorégraphique ; - de l’Association pour le soutien de la chanson, des variétés et du jazz lorsqu’elle est due au titre d’un spectacle de variétés" ; que l’article 2 de ce décret dispose : "Sont assujetties à la taxe les représentations publiques des spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique et des spectacles de variétés (...)" ; qu’aux termes de son article 3 : "Sont exonérées de la taxe : (...) c) Les représentations publiques des spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique qui sont données par un établissement relevant de l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics de l’Etat ou de ces collectivités, ou par une entreprise de spectacles vivants subventionnée par eux, à l’exception : -des spectacles faisant l’objet d’un contrat de coproduction ou de coréalisation entre d’une part l’Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ou des entreprises subventionnées par ces collectivités publiques et d’autre part un entrepreneur de spectacles vivants assujetti à la taxe ; - des spectacles présentés dans une salle faisant l’objet d’un contrat de location à un entrepreneur de spectacles vivants privé non subventionné" ; qu’enfin, l’article 4 dudit décret prévoit que "la taxe est due par l’entrepreneur de spectacles vivants qui exploite la billetterie du spectacle. Elle est assise sur le montant hors taxe des recettes de billetterie réalisées à l’entrée./ Lorsque le spectacle ne donne pas lieu à la perception d’un droit d’entrée, la taxe est due par le producteur qui en cède ou concède à titre onéreux le droit d’exploitation. Elle est assise sur le montant hors taxe des sommes reçues par celui-ci" ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions précitées que la taxe parafiscale instituée par le décret attaqué est assise sur deux types de spectacles de nature différente que sont les variétés d’une part, le théâtre, l’opéra et la danse d’autre part ; que son objet est, pour les premiers, de contribuer au soutien de l’ensemble des spectacles de variétés alors qu’il se limite, pour les seconds, au soutien du seul théâtre privé ; que son produit est, en conséquence, affecté à des associations différentes ; que, compte tenu de ces différences de situations, qui sont pertinentes au regard des objectifs poursuivis par la taxe, le décret attaqué a pu, sans méconnaître le principe de l’égalité devant les charges publiques, prévoir au c) de son article 3, des règles d’exonération différentes pour les spectacles de variétés et les spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique ;

Considérant, en second lieu, que les actions de soutien auxquelles doit être affecté le produit de la fraction de la taxe parafiscale assise sur les spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique, sont destinées à favoriser la création de tels spectacles par des entrepreneurs privés, et non pas seulement leur représentation dans un établissement ou par une entreprise privés ; qu’il résulte cependant des dispositions précitées de l’article 3-c) du décret attaqué que la représentation, dans un établissement rattaché à une collectivité publique ou subventionné par celle-ci, ou par une entreprise placée dans les mêmes conditions, d’un même spectacle d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique produit par un entrepreneur privé non subventionné par la puissance publique, est tantôt assujettie à la taxe parafiscale, tantôt exonérée de cette même taxe, selon le statut privé ou public de l’entrepreneur qui en exploite la billetterie ; qu’en outre, par application des dispositions combinées des articles 3-c) et 4 du décret, la cession à un établissement rattaché à une collectivité publique ou subventionné par celle-ci ou à une entreprise placée dans les mêmes conditions, des droits d’exploitation de la billetterie d’un spectacle d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique produit par un producteur privé non subventionné, a pour effet d’exonérer de taxe tant le produit de cette cession que les recettes de billetterie tirées de la représentation ultérieure de ce spectacle dans l’établissement cessionnaire ; que cette différence de taxation liée aux conditions d’exploitation d’une même oeuvre dont la création est le fruit de la seule initiative privée n’est pas justifiée par une différence de situation pertinente au regard de l’objet du décret, qui ne peut résulter de la circonstance, invoquée par le ministre de la culture et de la communication, que les producteurs et les exploitants de lieux de représentation publique rattachés à une collectivité publique ou subventionnés par celle-ci sont soumis, du fait de ces rattachement ou subvention à des sujétions particulières ; qu’une telle discrimination n’est pas non plus rendue nécessaire par des considérations d’intérêt général en rapport avec l’objectif poursuivi par le décret ; qu’elle méconnaît, par suite, le principe de l’égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES est seulement fondé à demander l’annulation des dispositions de l’article 3-c) du décret du 4 janvier 2000, qui sont divisibles des autres dispositions de ce décret, qui exonèrent de la taxe parafiscale sur les spectacles les représentations publiques de spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique données par un établissement relevant de l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics de l’Etat ou de ces collectivités, ou par une entreprise de spectacles vivants subventionnée par eux, de spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique produits, par un ou plusieurs entrepreneurs privés non subventionnés qui n’en exploitent pas la billetterie ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES la somme de 2 250 euros qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 3-c) du décret n° 2000-1 du 4 janvier 2000 relatif à la taxe parafiscale sur les spectacles est annulé, en tant qu’il exonère de la taxe parafiscale sur les spectacles les représentations publiques données par un établissement relevant de l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics de l’Etat ou de ces collectivités, ou par une entreprise de spectacles vivants subventionnée par eux, de spectacles produits par un ou plusieurs entrepreneurs de spectacles vivants privés non subventionnés qui n’en exploitent pas la billetterie.

Article 2 : L’Etat paiera au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES une somme de 2 250 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES, au premier ministre, au ministre de la culture et de la communication et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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