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Conseil d’Etat, 9 octobre 2002, n° 233876, Union nationale de l’apiculture française

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 253-1 et L.253-6 du code rural que l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique à usage agricole ne peut être délivrée qu’après vérification de l’innocuité du produit à l’égard de la santé publique, des utilisateurs, des cultures et des animaux, dans les conditions d’emploi prescrites.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 233876

UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANÇAISE

M. Derepas
Rapporteur

M. Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 septembre 2002
Lecture du 9 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu l’ordonnance du 9 mai 2001 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat le dossier de la demande présentée à ce tribunal par l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE ;

Vu la demande enregistrée le 30 avril 2001 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANÇAISE, dont le siège est 26, rue des Tournelles à Paris (75004) ; l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE demande au tribunal

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a rejeté sa demande en date du 30 octobre 2000 tendant à ce que soit retirée l’autorisation de mise sur le marché du produit dénommé "Gaucho" pour toutes ses applications ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de la pêche de retirer l’autorisation de mise sur le marché de ce produit sous astreinte de 100 000 F par jour de retard ;

3°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 25 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré produite par l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCHISE ;

Vu le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 ;

Vu l’arrêté du 25 février 1975 modifié par l’arrêté du 5 juillet 1985 ;

Vu l’arrêté du 6 septembre 1994 modifié par l’arrêté du 27 mai 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la société Bayer,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que L’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCHISE demande l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a refusé d’abroger ses décisions du 4 avril 1991 et du 6 février 1992 autorisant la vente de l’insecticide dénommé "Gaucho" utilisé pour le traitement des semences de betteraves et de maïs ;

Sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de l’agriculture

Considérant que la requête, dirigée contre la décision implicite de rejet de la demande dont le ministre avait été saisi le 30 octobre 2000, a été télécopiée au greffe du Conseil d’Etat le 30 avril 2001, avant qu’un exemplaire signé n’en soit enregistré le 4 mai 2001 ; qu’ainsi la requête a été formée dans le délai de recours contentieux ; que les statuts de l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCHISE habilitent son président à la représenter en justice et ne réservent à aucun autre organe le pouvoir de décider d’engager une action en justice en son nom ; que par suite ledit président avait qualité pour former la requête ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’avocat de l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCHISE a reçu mandat pour représenter la requérante dans la présente instance ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne l’autorisation d’utiliser le "Gaucho" pour traiter les semences de maïs :

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 253-1 et L.253-6 du code rural que l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique à usage agricole ne peut être délivrée qu’après vérification de l’innocuité du produit à l’égard de la santé publique, des utilisateurs, des cultures et des animaux, dans les conditions d’emploi prescrites ; qu’aux termes de l’article 20 du décret du 5 mai 1994 susvisé

"L’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique est retirée : - si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies ( ....)" ; qu’il résulte de ces dispositions que l’autorisation de vente du "Gaucho" donnée en 1992 pour le traitement des semences de maïs doit être abrogée s’il apparaît, au vu d’éléments nouveaux, que le produit ne satisfait pas à la condition d’innocuité susdéfinie ;

Considérant qu’à la suite des troubles que les apiculteurs avaient constatés depuis plusieurs années chez les abeilles et des phénomènes persistants de dépopulation des ruches, le ministre chargé de l’agriculture a suspendu, le 22 janvier 1999, l’autorisation de mise sur le marché du "Gaucho" pour le traitement des semences de tournesol ; qu’il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à cette décision, ces troubles et la diminution de la production de miel en France se sont poursuivis ; qu’il incombait au ministre, saisi de la demande d’abrogation de l’Union requérante, et au vu de ces éléments nouveaux, de procéder au réexamen des causes possibles de ces troubles, en particulier de celles qui pourraient être liées aux utilisations encore autorisées du "Gaucho" ;

Considérant que le ministre justifie devant le Conseil d’Etat la décision de ne pas procéder à l’abrogation de l’autorisation d’utilisation du "Gaucho" pour le traitement des semences de maïs par le fait que les abeilles visiteraient davantage le tournesol que le maïs, qui n’est pas mellifère ; qu’en ne prenant pas en compte la fréquentation du maïs par les abeilles aux fins d’y prélever le pollen, que cette plante produit en abondance, et en ne recherchant ni l’ampleur exacte du prélèvement du pollen de maïs par les abeilles, ni la nature et l’intensité des éventuels effets directs ou indirects du contact des abeilles avec du pollen contaminé par fimidaclopride, le ministre n’a pas examiné l’intégralité des éléments nécessaires à l’appréciation de (innocuité du produit ; que sa décision, en tant qu’elle concerne le maïs, doit par suite être regardée comme entachée d’une erreur de droit ; que par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l’arrêté du 25 février 1975 modifié, la requérante est fondée à en demander l’annulation ;

En ce qui concerne l’autorisation d’utiliser le "Gaucho" pour traiter les semences de betterave

Considérant qu’aux termes de l’article 2.5.1.1. de la partie C de l’annexe III à l’arrêté du 6 septembre 1994 modifié portant application du décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 27 mai 1998 : "Il n’est pas accordé d’autorisation lorsque la substance active et, s’ils sont significatifs du point de vue toxicologique, écotoxicologique ou environnemental, les métabolites et produits de dégradation ou de réaction résultant du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées : - lors d’essais en champ, subsistent dans le sol pendant plus d’un an (...) à moins qu’il soit établi scientifiquement que, dans les conditions pertinentes de terrain, l’accumulation dans le sol est insuffisante pour provoquer une teneur inacceptable en résidus pour les cultures ultérieures et qu’il ne se produit pas d’effets phytotoxiques inacceptables sur les cultures ultérieures ni d’impact inacceptable sur des espèces non visées (...)" ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’imidaclopride reste présent dans le sol près de trois ans après la culture de semences traitées au "Gaucho" ; que l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCHISE soutient que pour ce motif, l’autorisation de mise sur le marché litigieuse est devenue illégale à la suite de l’intervention des dispositions précitées et que l’autorité administrative était, par suite, tenue de l’abroger ;

Considérant qu’il ressort d’une étude conjointe de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, du Centre national de la recherche scientifique et de l’Institut national de la recherche agronomique remise au mois de juin 2000 au ministère de l’agriculture et de la pêche, et dont les conclusions ne sont pas contestées par la requérante, que la culture de tournesol non traité au "Gaucho"- sur des sols contenant des traces d’imidaclopride laissées par des cultures antérieures fait apparaître dans la fleur de tournesol, dans la très grande majorité des cas, une proportion d’imidaclopride inférieure à 0,1 microgramme par kilogramme ; que cette proportion est très inférieure au seuil de dangerosité de l’imidaclopride pour les abeilles tel qu’il est actuellement connu ; que la même étude indique que la capacité d’absorption de l’imidaclopride par le maïs non traité au "Gaucho" est inférieure à celle du tournesol ; que par suite, en estimant que la rémanence de l’imidaclopride dans le sol n’entraînait pas d’effets inacceptables sur les abeilles, le ministre n’a pas porté sur les pièces du dossier, à la date à laquelle il s’est prononcé sur la demande d’abrogation de la requérante, une appréciation manifestement erronée ; que dès lors, et alors même que l’imidaclopride reste présent dans le sol plus d’un an après son utilisation, l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE n’est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de l’arrêté du 6 septembre 1994 modifié ;

Sur la demande d’injonction

Considérant qu’eu égard à ses motifs l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle concerne le maïs n’implique pas que le ministre soit tenu de prononcer l’abrogation sollicitée ; qu’il y a lieu en revanche d’impartir au ministre un délai de trois mois pour réexaminer la demande dont il a été saisi par la requérante ;

Sur les conclusions relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner l’Etat à verser à l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCHISE la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la société Bayer à payer à la requérante la somme qu’elle demande sur le même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a rejeté la demande de l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE tendant à l’abrogation de sa décision du 6 février 1992 autorisant la vente de l’insecticide "Gaucho" pour le traitement des semences de maïs est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales de se prononcer, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sur la demande d’abrogation mentionnée à l’article précédent.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 3 000 euros à l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANÇAISE, à la société Bayer et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

 


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