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Conseil d’Etat, 3 juillet 2002, n° 197024, Consorts G.

Les dispositions de l’article 150 A et 150 H, si elles font obstacle à ce que le prix d’acquisition d’un terrain soit majoré de la valeur des constructions édifiées sur ce terrain avant leur acquisition, n’ont ni pour objet ni pour effet d’exclure que ce prix soit déterminé en tenant compte des avantages de toute nature consentis par le bailleur du terrain au preneur, avant l’acquisition de ces constructions par le bailleur.

Conseil d’Etat

Statuant au contentieux

N° 197024

Consorts G.

M. Hourdin, Rapporteur

M. Courtial, Commissaire du gouvernement

Séance du 12 juin 2002

Lecture du 3 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 9 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Anne L., agissant en qualité d’héritiers de Mme Anne-Marie G. ; la succession G. demande que le Conseil d’Etat annule l’arrêt en date du 2 avril 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement avant-dire droit en date du 21 janvier 1993 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, sur leur demande tendant à la décharge de l’imposition supplémentaire de l’impôt sur le revenu mise à la charge de Mme Veuve G. au titre de l’année 1979, ordonné un supplément d’instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de Mme G. ,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les époux Geffroy sont, sous le régime de la communauté, devenus propriétaires, à la suite de diverses acquisitions réalisées à titre onéreux, de terrains situés à Trappes (Yvelines) qu’ils ont donnés en location à la société Férisol par un bail commercial en date du 20 octobre 1964 d’une durée de trois, six ou neuf ans ; qu’à l’expiration du bail, soit le 30 juillet 1974, la société Férisol avait édifié sur ce terrain des constructions qui sont entrées à cette date dans le patrimoine de M. et Mme G. ; que, le 19 août 1974, les époux G. ont loué à la société "Etablissements Geoffroy et Cie Férisol", puis, à la suite de la cessation de l’activité de cette société, à la société "Electronique Marcel Dassault" l’ensemble immobilier constitué par ces terrains et ces constructions ; que M. G. est décédé le 23 juin 1975 ; que Mme G. et ses trois enfants ont cédé ces terrains et les constructions qui y étaient édifiées à la société "Electronique Marcel Dassault" par un acte du 2 mars 1979 pour un prix de 7 334 000 F ; qu’ils ont déduit de ce prix, pour déterminer le montant de la plus-value imposable en venu des dispositions de l’article 150 A du code général des impôts, le prix d’acquisition des terrains ainsi que la valeur vénale, déterminée par un cabinet d’expertise, des constructions acquises au terme du bail expirant le 30 juillet 1974 ; que, par notification de redressements du 30 octobre 1981, l’administration a indiqué à Mme Geffroy qu’elle refusait de prendre en compte la valeur de ces constructions pour le calcul de la plus-value imposable ; que Mme Geffroy étant décédée le 21 novembre 1984, l’imposition est devenue exigible au nom des Consorts G. en leur qualité d’héritiers de leur mère ; que ceux-ci ont présenté, le 22 novembre 1984, au nom de la succession de Mme G. , une réclamation aux fins d’obtenir la décharge de cette imposition ; qu’à la suite du rejet de cette réclamation, ils ont saisi du litige le tribunal administratif de Versailles ; que les premiers juges, après avoir décidé que les constructions acquises par Mme G. au titre de la communauté l’avaient été à titre onéreux, ont, par jugement du 21 janvier 1993, ordonné un supplément d’instruction à l’effet de déterminer le prix des constructions édifiées sur les terrains ; que le ministre et les Consorts G. ont fait appel de ce jugement ; que, par l’arrêt dont les Consorts G. demandent l’annulation, la cour administrative d’appel de Paris a jugé que l’acquisition des constructions en cause était intervenue par la voie de l’accession régie par l’article 551 du code civil et en a déduit que la plus-value imposable entre les mains des intéressés était constituée par la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition, ce dernier s’entendant du seul prix des terrains dès lors que le prix d’acquisition des constructions revenues en fin de bail au propriétaire ne pouvait qu’être nul ; qu’en exécution de cet arrêt de la cour administrative d’appel, le tribunal administratif de Versailles a, par jugement du 6 mai 1999, statué au fond sur le litige dont il demeurait saisi et rejeté la demande des Consorts G. ; que, faute d’avoir été notifié, comme le prévoyaient les dispositions alors applicables de l’article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, au domicile réel de chacun des requérants, ce jugement n’est toutefois pas devenu définitif ; qu’ainsi, et contrairement à ce que soutient le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le pourvoi des Consorts G. n’est pas devenu sans objet ;

Considérant qu’aux termes de l’article 150 A du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "... les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : (...) 2° De l’impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent : a) De biens immobiliers cédés plus de deux ans et moins de dix ans après l’acquisition ; (...) c) De biens ou droits de toute nature cédés plus de dix ans après l’acquisition" ; qu’aux termes de l’article 150 H du code général des impôts : "La plus-value imposable en application de l’article 150 A est constituée par la différence entre : le prix de cession et le prix d’acquisition par le cédant. (...) Le prix d’acquisition est majoré (...) le cas échéant, des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement, de rénovation ou d’amélioration réalisées depuis l’acquisition, lorsqu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives (...)" ; que ces dispositions, si elles font obstacle à ce que le prix d’acquisition d’un terrain soit majoré de la valeur des constructions édifiées sur ce terrain avant leur acquisition, n’ont ni pour objet ni pour effet d’exclure que ce prix soit déterminé en tenant compte des avantages de toute nature consentis par le bailleur du terrain au preneur, avant l’acquisition de ces constructions par le bailleur ;

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’aux termes du bail conclu le 20 octobre 1964 entre les époux G. et la société Férisol, "toutes les constructions que la société a pu ou pourra édifier sur le terrain, après accord de M. G. , deviendront en fin de bail la propriété du bailleur, sans que la société puisse prétendre à aucune indemnité, quelle que soit la date des constructions" ; que ces stipulations contractuelles relatives au régime de propriété des constructions édifiées sur les terrains loués par les époux Geffroy avant le 30 juillet 1974 ; et qui prévoient que la propriété de ces constructions sera acquise aux époux Geffroy par l’effet d’une obligation née du contrat, font obstacle à ce que l’appropriation desdites constructions par les époux G. puisse être regardée comme ayant été effectuée par la voie de l’accession régie par l’article 551 du code civil ;

Considérant, en second lieu, qu’il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les stipulations précitées du bail du 20 octobre 1964 excluent que les époux G. versent au locataire une indemnité en remboursement de la valeur des constructions édifiées sur le terrain loué et que le loyer stipulé par le bail ne s’élevait qu’à 5 000 F par an en 1964 et à 8 000 F par an en 1973 ; que la modicité de ce loyer ne peut qu’être regardée comme la contrepartie de l’absence d’obligation, pour les époux G. , de verser à la société preneuse, en fin de bail, une indemnité en remboursement de la valeur des constructions édifiées par celle-ci sur le terrain pendant la durée du bail ; que, par suite, la valeur de l’avantage ainsi consenti par les époux G. à la société Férisol doit être prise en compte dans la détermination du prix d’acquisition des constructions en cause, qui ne peut être égal à zéro et qui est nécessaire au calcul de la plus-value imposable en application des dispositions précitées de l’article 150H du code général des impôts ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Paris n’a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger que les époux G. étaient devenus propriétaires des constructions édifiées par la société Férisol par la voie de l’accession, et déduire des faits qu’elle a relevés que le prix d’acquisition de ces constructions, à retenir pour le calcul de la plus-value imposable entre les mains de Mme Veuve G. , était égal à zéro ; que les Consorts G. sont, dès lors, fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans ces conditions, il appartiendra à la cour administrative d’appel de Paris, saisie par les Consorts G. d’un appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 mai 1999, de procéder à l’évaluation de l’avantage susdécrit consenti par les époux Geffroy à la société Férisol au cours des années 1964 à 1974 ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 2 avril 1998 est annulé.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux Consorts G. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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