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NOTES ET COMMENTAIRES :
Chronique de Mattias GUYOMAR et Pierre COLLIN, Le Conseil d’Etat précise l’articulation entre le référé-suspension et le recours administratif préalable obligatoire, AJDA 2002, p.123

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Cette information, qui répond à un impératif de santé publique, serait compromise par la mesure de suspension demandée ; que, dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’urgence justifie la suspension de l’exécution de l’autorisation de mise sur le marché modificative du 6 août 2001 en tant qu’elle mentionne les génériques du Roaccutane dans l’accord de soins et de contraception et dans le tableau de suivi des patientes.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 237376

SOCIETE PRODUITS ROCHE

Mlle Landais, Rapporteur

Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement

Lecture du 12 Octobre 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE PRODUITS ROCHE, dont le siège est 52, boulevard du Parc à Neuilly-sur-Seine (92521), représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE PRODUITS ROCHE demande au juge des référés du Conseil d’Etat de prononcer, sur le fondement de l’article L 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 6 août 2001 du directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) portant modification de l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité Roaccutane en tant qu’elle mentionne, dans le formulaire d’accord de soins et de contraception ainsi que dans le tableau de suivi des patientes, les génériques du Roaccutane ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique tenue par la première sous-section le 1er octobre 2000 à 14 heures à laquelle ont été entendus Mmes Sylvie Caccia-Chetcuti et Bérangère Bastien, représentant la SOCIETE PRODUITS ROCHE et Mme Elisabeth Hérail et M Antoine Sawaya, représentant l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE PRODUITS ROCHE, qui commercialise la spécialité pharmaceutique Roaccutane classée dans la catégorie des médicaments à prescription restreinte en raison des risques de malformation qu’elle comporte pour l’enfant à naître, a demandé le 26 novembre 1999 une modification de l’autorisation de mise sur le marché de cette spécialité afin de soumettre à des conditions plus sévères sa prescription aux femmes en âge de procréer ; que, par une décision en date du 6 août 2001, le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a procédé à cette modification en prévoyant notamment que la prescription du Roaccutane aux femmes en âge de procréer serait désormais subordonnée, par le médecin, au recueil préalable d’un formulaire d’accord de soins et de contraception signé par la patiente et que la surveillance du traitement serait renforcée par l’établissement d’un tableau de suivi des patientes ; que, contrairement à ce que souhaitait la SOCIETE PRODUITS ROCHE, l’accord de soins et de contraception et le tableau de suivi exigés par l’autorisation de mise sur le marché rectificative mentionnent dans leur intitulé le Roaccutane " ou l’un de ses génériques " ; que la société requérante demande par la voie du référé que soit suspendue, sur le fondement de l’article L 521-1 du code de justice administrative, l’exécution de la décision du 6 août 2001 en tant qu’elle mentionne les génériques du Roaccutane dans les deux documents évoqués ci-dessus ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé :

Considérant qu’aux termes de l’article L 511-1 du code de justice administrative, " le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais " ; qu’aux termes de l’article L 521-1 du même code, " quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant que l’objet même du référé organisé par les dispositions législatives mentionnées ci-dessus de l’article L 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l’urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d’une décision administrative contestée par le demandeur ; qu’une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l’exercice d’un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l’excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l’administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l’intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu’il a engagé les démarches nécessaires auprès de l’administration pour obtenir l’annulation ou la réformation de la décision contestée ;

Considérant que, saisi d’une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l’urgence justifie la suspension avant même que l’administration ait statué sur le recours préalable et s’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s’il en décide autrement, la mesure qu’il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu’à l’intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l’intéressé ;

Considérant qu’aux termes des dispositions combinées des articles R 5140 et R 5135 du code de la santé publique, les autorisations de mise sur le marché " ne peuvent faire l’objet d’un recours contentieux qu’après l’exercice d’un recours gracieux, qui lui-même doit être soumis à la commission constituée à cet effet " ; que la décision par laquelle le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé modifie une précédente autorisation de mise sur le marché entre dans le champ de ces dispositions sauf si, ne portant que sur des éléments relatifs à l’étiquetage ou à la notice du médicament, autres que le résumé des caractéristiques du produit, elle est soumise à une procédure simplifiée en application de l’article R 5135-4 du code de la santé publique ;

Considérant que la décision du 6 août 2001 par laquelle le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a modifié l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité " Roaccutane " et notamment les conditions de prescription, qui font partie du résumé des caractéristiques du produit en application de l’article R 5128-2 du code de la santé publique, a fait l’objet le 14 août 2001, de la part de la SOCIETE PRODUITS ROCHE, du recours gracieux prévu par l’article R 5140 ; que la demande de suspension de cette décision présentée le 17 août 2001 au juge des référés, à laquelle était jointe une copie du recours gracieux, était donc recevable sans qu’y fasse obstacle ni la circonstance que l’agence n’avait pas encore statué sur ce recours, ni celle qu’une requête en annulation n’avait pu, par suite, être formée contre la décision prise à la suite de ce recours ; qu’il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, tirée, d’une part, de ce que la demande ne satisferait pas aux conditions de l’article L 521-1 du code de justice administrative faute d’être précédée d’une requête contentieuse aux fins d’annulation, d’autre part, de ce que le recours gracieux n’aurait pu être soumis à la commission prévue à l’article R 5140 du code de la santé publique, ne peut être accueillie ;

Sur la demande de suspension :

Considérant qu’en vertu de l’article L 521-1 précité du code de justice administrative, la suspension de l’exécution d’une décision administrative est subordonnée, notamment à la condition " que l’urgence le justifie " ; que l’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce ;

Considérant que, pour justifier l’urgence, la SOCIETE PRODUITS ROCHE se borne à invoquer les risques de confusion et de " banalisation " du traitement au Roaccutane que pourrait entraîner, pour les prescripteurs comme pour les patients, la mention des génériques de cette spécialité dans le libellé de l’accord de soins et de contraception que le prescripteur fait signer aux patientes ; qu’au contraire, l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé fait valoir qu’en raison de la mise sur le marché imminente de spécialités génériques du Roaccutane qui ouvrira aux pharmaciens la possibilité de substituer ces génériques à la spécialité princeps, il est nécessaire d’informer les patients sur les risques associés à l’ensemble des médicaments utilisant le principe actif de l’isotrétinoïne, même dans le cas où le médecin prescrit le Roaccutane ; que cette information, qui répond à un impératif de santé publique, serait compromise par la mesure de suspension demandée ; que, dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’urgence justifie la suspension de l’exécution de l’autorisation de mise sur le marché modificative du 6 août 2001 en tant qu’elle mentionne les génériques du Roaccutane dans l’accord de soins et de contraception et dans le tableau de suivi des patientes ; qu’il en résulte que la demande de suspension doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE PRODUITS ROCHE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PRODUITS ROCHE, à l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

 


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