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NOTES ET COMMENTAIRES :
Jean-Jacques MENURET, La compétence directe du Conseil d’Etat pour connaître des actes autorisant la commercialisation de spécialités pharmaceutiques, AJDA 2002, p.158

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Conseil d’Etat, Section, 25 avril 2001, n° 216521, Association Choisir la vie et Association pour l’objection de conscience à l’avortement

Les dispositions de l’article 3 de la loi du 28 décembre 1967, en tant qu’elles autorisent la commercialisation, sous réserve de l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, de médicaments contraceptifs, ne sont incompatibles ni avec les stipulations de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon lesquelles "le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement", ni avec celles de l’article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques selon lesquelles "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie".

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 216521

Association Choisir la vie et Association pour l’objection de conscience à l’avortement

Mlle Landais, Rapporteur

Mme Boissard, Commissaire du gouvernement

Lecture du 25 Avril 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT, dont le siège est 91, rue Gambetta à Rueil-Malmaison (92500), représentée par son président ; l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 avril 1999 par laquelle l’agence du médicament a autorisé la mise sur le marché de la spécialité dénommée "Norlevo" ; 2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international sur les droits civils et politiques ;

Vu la convention sur les droits de l’enfant ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 ;

Vu la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,

- les observations de Me Delvolvé, avocat de l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT,

- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la spécialité pharmaceutique dite "Norlevo" a fait, le 16 avril 1999, l’objet d’une autorisation de mise sur le marché qui a été modifiée le 6 janvier 2000 par une décision du directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; que, par la présente requête, l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT conteste l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité pharmaceutique initiale ainsi que la modification dont elle a fait l’objet ;

Sur la compétence en premier ressort du Conseil d’Etat :

Considérant qu’aux termes de l’article R 311-1 du code de justice administrative : "Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ( ) 5° Des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif" ; Considérant que si l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament délivrée, en application de l’article L 601 du code de la santé publique, par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a pour principal objet de permettre à l’entreprise qui le demande de commercialiser cette spécialité et doit donc être réputée de ce fait, même si elle a une portée nationale, n’avoir d’effet direct qu’au siège de cette entreprise, elle peut également, depuis l’intervention des décrets du 2 novembre 1994 et 14 juin 1996 maintenant codifiés aux articles R 5143-5-1 et R 5135 du code de la santé publique, soumettre le médicament à des restrictions en matière de prescription ou de publicité auprès du public ; qu’ayant, dans cette mesure, vocation à produire des effets directs à l’égard de l’ensemble des personnes qui prescrivent ou dispensent cette spécialité sur le territoire national, elle doit être regardée comme étant au nombre des actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif, dont il appartient au Conseil d’Etat de connaître en premier et dernier ressort ; qu’il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de retenir la compétence directe du Conseil d’Etat aussi bien dans le cas où le recours est dirigé contre une autorisation de mise sur le marché que dans celui où il tend à l’annulation d’un refus d’autorisation ;

Sur les conclusions dirigées contre l’autorisation de mise sur le marché en date du 16 avril 1999 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d’autorisation de mise sur le marché ait comporté des mentions inexactes ou incomplètes sur leseffets thérapeutiques de la spécialité ou les substances entrant dans la composition du produit ; que le moyen tiré de ce que le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé aurait pris sa décision au vu d’un dossier incomplet ou entaché d’inexactitude doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la commission prévue à l’article R 5140 du code de la santé publique aurait rendu un avis au vu d’un dossier incomplet ou entaché d’inexactitude ne peut être accueilli ;

Considérant qu’il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé se serait mépris sur l’étendue de sa compétence en s’estimant lié par l’indication thérapeutique mentionnée dans la demande ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant que l’autorisation de mise sur le marché attaquée a été prise sur le fondement de l’article 3 de la loi modifiée n° 67-1176 du 28 décembre 1967 aux termes duquel "peuvent seuls être vendus ( ) les médicaments contraceptifs ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché accordée par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé" ; que, contrairement à ce que soutient l’association requérante, les dispositions précitées de la loi du 28 décembre 1967, en tant qu’elles autorisent la commercialisation, sous réserve de l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, de médicaments contraceptifs ne sont incompatibles ni avec les stipulations de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon lesquelles "le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement", ni avec celles de l’article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques selon lesquelles "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie", ni, en tout état de cause, avec celles de l’article 6 de la convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990 selon lesquelles : "Les Etats reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie. Ils assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la spécialité "Norlevo" constitue un contraceptif hormonal au sens de la loi du 28 décembre 1967 et non un produit abortif ; que l’association requérante ne peut donc utilement invoquer à l’encontre de l’autorisation de mise sur le marché la violation des dispositions de l’article 16 du code civil aux termes desquels : "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie" ou la violation des dispositions de la loi du 17 janvier 1975, et notamment celles aux termes desquelles "la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi" ; que sont, pour les mêmes raisons, inopérants les moyens tirés de ce que l’autorisation de mise sur le marché, en tant qu’elle concernerait en réalité un produit abortif, méconnaîtrait les stipulations précitées de l’article 2-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques ;

Considérant, enfin, que l’association requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en autorisant la mise sur le marché de la spécialité "Norlevo" ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision en date du 6 janvier 2000 modifiant l’autorisation de mise sur le marché :

Considérant qu’aux termes des dispositions combinées des articles R. 5140 et R 5135 du code de la santé publique, les autorisations de mise sur le marché "ne peuvent faire l’objet d’un recours contentieux qu’après l’exercice d’un recours gracieux, qui lui-même doit être soumis à la commission constituée à cet effet" ; que la décision par laquelle le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé modifie une précédente autorisation de mise sur le marché entre dans le champ de ces dispositions sauf si, ne portant que sur des éléments relatifs à l’étiquetage ou à la notice du médicament, autres que le résumé des caractéristiques du produit, elle est soumise à une procédure simplifiée en application de l’article R 5135-4 du code de la santé publique ;

Considérant que la décision du 6 janvier 2000 par laquelle le directeur de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a modifié l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité "Norlevo" et notamment les conditions de délivrance au public, qui font partie du résumé des caractéristiques du produit en application de l’article R 5128-2 du code de la santé publique, n’a pas fait l’objet du recours gracieux prévu par l’article R 5140 avant d’être contestée devant le Conseil d’Etat ; que les conclusions dirigées contre cette décision sont, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions de l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l’article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION CHOISIR LA VIE - ASSOCIATION POUR L’OBJECTION DE CONSCIENCE A L’AVORTEMENT, à l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et au ministre de l’emploi et de la solidarité

 


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