format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 24 octobre 2008, n° 288051, Luc-Eric N.
Conseil d’Etat, 27 juin 2008, n° 314141, Gholam Reza J.
Conseil d’Etat, 28 décembre 2001, n° 213931, M. V.
Conseil d’Etat, référé, 6 octobre 2003, n° 260632, M. Jean-Pierre L.
Conseil d’Etat, 21 novembre 2009, n° 306152, Union des chirurgiens de France (UCDF)
Conseil d’Etat, 17 novembre 2008, n° 295877, Centre hospitalier universitaire de Besançon
Conseil d’Etat, 30 juin 2003, n° 231126, Sarl La Biomécanique intégrée
Conseil d’Etat, 29 octobre 2008, n° 307035, Société Laboratoire GlaxoSmithKline
Conseil d’État, 26 Mai 1995, Consorts P.
Conseil d’Etat, 20 février 2008, n° 272431, Yves L.




Conseil d’Etat, 7 mai 1999, n° 192902, Association "Choisir la Vie" et Association "Les médecins pour le respect de la vie"

Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n’imposait que préalablement à l’établissement du diagnostic prénatal soit recueilli en sus du consentement de la femme enceinte celui du père.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 192902

ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE" et ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE"

M. Eoche-Duval, Rapporteur

Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement

Lecture du 7 mai 1999

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux (1ère et 4ème sous-sections réunies)

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 1997 et 13 février 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE", dont le siège social est 91, rue Gambetta à Rueil-Malmaison (92500) et l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE", dont le siège social est 66, rue Daguerre à Paris (75014), respectivement représentées par leurs présidents en exercice ; l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE" et l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE" demandent que le Conseil d’Etat annule l’arrêté du 30 septembre 1997 relatif au consentement de la femme enceinte à la réalisation des analyses mentionnées à l’article R 162-16-1 du code de la santé publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la déclaration universelle des droits de l’homme publiée le 9 février 1949 au Journal officiel de la République française ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974 ;

Vu le pacte international des droits civils et politiques auquel la France a adhéré par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ;

Vu la convention relative aux droits de l’enfant ratifiée en vertu de la loi du 2 juillet 1990, par décret du Président de la République du 8 octobre 1990 et publiée le 12 octobre 1990 ;

Vu de code de la santé publique, notamment ses articles L 162-1 à L 162-16-7, L 184-3 et R 162-16-1 à R 162-16-7 ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article R 162-18 ;

Vu le code civil, notamment son article 16-4 ;

Vu la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975, modifiée par la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979 ;

Vu la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Eoche-Duval, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE" et de l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE",
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’emploi et de la solidarité ;

Sur la légalité externe de l’acte attaqué :

Considérant que, par arrêté du 9 juillet 1997, publié au Journal officiel de la République française le 11 juillet 1997, le ministre du travail et des affaires sociales a donné délégation permanente dans la limite de ses attributions à M Jean-François Girard, directeur général de la santé, à l’effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et conventions à l’exclusion des décrets ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté du 30 septembre 1997 relatif au consentement de la femme enceinte à la réalisation des analyses mentionnées à l’article R 162-16-1 du code de la santé publique émanerait d’une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L 184-3 du code de la santé publique : "La commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal est chargée de donner un avis sur les demandes d’autorisation d’exercice des activités d’assistance médicale à la procréation et de diagnostic prénatal, sur les demandesd’agrément des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ainsi que sur les décisions de retrait d’autorisation" ; que sa consultation n’était pas requise préalablement à l’intervention de l’arrêté attaqué ; que, si le ministre chargé de la santé a cependant sollicité son avis, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci ait été rendu dans des conditions irrégulières ;

Considérant, d’autre part, qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrivait, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, que l’arrêté attaqué aurait dû être soumis au comité national de l’organisation sanitaire et sociale et au comité national d’éthique ;

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de base légale de l’arrêté attaqué :

Considérant que l’article L 162-16 du code de la santé publique tel qu’il a été modifié par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 prévoit que le diagnostic prénatal doit être précédé d’une consultation médicale de conseil génétique et laisse à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les conditions dans lesquelles peuvent être pratiquées les analyses de cytogénétique et de biologie en vue d’établir un diagnostic prénatal ;

Considérant que l’article R. 162-16-7 ajouté à cette fin au code de la santé publique par le décret n° 97-579 du 28 mai 1997 dispose que : "Les analyses de cytogénétique ou de biologie destinées à établir un diagnostic prénatal doivent avoir été précédées d’une consultation médicale de conseil génétique antérieure au prélèvement, permettant : 1°) D’évaluer le risque pour l’enfant à naître d’être atteint d’une maladie d’une particulière gravité, compte tenu des antécédents familiaux ou des constatations médicales effectuées en cours de grossesse ; 2°) D’informer la femme enceinte sur les caractéristiques de cette maladie, les moyens de la détecter, les possibilités thérapeutiques et sur les résultats susceptibles d’être obtenus au cours de l’analyse ; 3°) D’informer la patiente sur les risques inhérents aux prélèvements, sur leurs contraintes et leurs éventuelles conséquences ; 4°) De recueillir, après lui avoir donné les informations susmentionnées, le consentement écrit de la femme enceinte à la réalisation des analyses ; le consentement est recueilli sur un formulaire conforme au modèle fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé" ;

Considérant que ces dispositions réglementaires, loin de méconnaître les prescriptions de l’article L 162-16 du code de la santé publique, en ont fait une exacte application ; qu’ainsi, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir, par la voie de l’exception, que l’article R 162-16-7 du code de la santé publique serait entaché d’illégalité et à en déduire que l’arrêté attaqué, pris pour l’application de ce dernier texte, serait lui-même dépourvu de base légale ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne invoqués :

Considérant que l’arrêté attaqué, pris sur le fondement de l’article R. 162-16-7 du code de la santé publique, se borne à établir les formulaires de consentement de la femme enceinte à la réalisation du diagnostic prénatal ; qu’ainsi, l’arrêté attaqué n’a pour objet que de fixer les conditions de réalisation du diagnostic prénatal ; que, par suite, les moyens de la requête tirés de la violation de la Constitution, de traités internationaux, de l’article L. 162-12 du code de la santé publique, de l’article 1er de la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse et de l’article 16-4 du code civil sont inopérants ;

Considérant que l’arrêté litigieux rappelle, conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l’article L 162-16 du code de la santé publique, que les analyses proposées en vue d’établir un diagnostic prénatal doivent être exclusivement effectuées dans un laboratoire autorisé à les pratiquer par le ministre chargé de la santé ; que les taux mentionnés pour déterminer le cas de grossesse comportant certains risques ont un caractère indicatif ; qu’ainsi, la circonstance que lesdites analyses, d’une part, ne permettraient pas de déceler la totalité des "grossesses trisomiques" et, d’autre part, conduiraient à déclarer "à risque" un nombre important de grossesses alors que l’enfant à naître ne sera pas atteint de trisomie, ne suffit pas à établir que l’arrêté attaqué comporterait une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant que la nomenclature des actes de biologie médicale, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 23 janvier 1997, prévoit la prise en charge par la sécurité sociale du caryotype foetal dans le cas de "grossesse à risque de trisomie 21 égal ou supérieur à 1/250" ; que les taux indicatifs mentionnés par l’arrêté attaqué fixent le risque "considéré comme élevé" à 1/100 ou 1/50 et le risque "considéré comme faible" à 1/300 ou 1/500 ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les dispositions attaquées ne sont, en tout état de cause, pas incompatibles avec la nomenclature des actes de biologie médicale établie par voie d’arrêté interministériel pris sur le fondement de l’article R 162-18 du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire non plus qu’aucun principe général du droit n’imposait que préalablement à l’établissement du diagnostic prénatal soit recueilli en sus du consentement de la femme enceinte celui du père ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations "CHOISIR LA VIE" et "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE" ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du 30 septembre 1997 ;

Sur les conclusions de la requête tendant à l’application de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer aux associations requérantes la somme qu’elles réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE" et de l’ASSOCIATION "LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE" est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION "CHOISIR LA VIE", à l’ASSOCIATION"LES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE" et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site