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Conseil d’Etat, 24 octobre 2008, n° 304549, Société Vortex

Alors même que le groupe Orbus contrôle moins de services radiophoniques que les groupes NRJ et CLT UFA, ce qui justifie que ceux-ci soient davantage présents dans la zone et le ressort du comité technique radiophonique de Marseille, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs, la nécessité d’éviter les abus de position dominante dont la loi lui prescrit de tenir compte et l’objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de radiodiffusion et services locaux, régionaux et thématiques indépendants.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 304549

SOCIETE VORTEX

M. Xavier de Lesquen
Rapporteur

M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement

Séance du 15 septembre 2008
Lecture du 24 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE VORTEX, dont le siège est 37 bis rue Greneta à Paris (75002) ; la SOCIETE VORTEX demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 21 novembre 2006 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter le service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne "Skyrock" dans les zones de Bonifacio, Zonza, Calvi, Ghisonaccia et l’Ile Rousse ;

2°) d’enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de lui délivrer les autorisations demandées sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE VORTEX demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 21 novembre 2006 en tant que, par cette décision, le Conseil a rejeté sa candidature en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne, dénommé Skyrock, dans les zones de Bonifacio, Zonza, Calvi, Ghisonaccia et l’Ile Rousse ;

Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel "accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence./ Il tient également compte : (.) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement./ (.) Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part (.)" ;

En ce qui concerne les zones de Zonza et de l’Ile Rousse :

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le comité technique radiophonique de Marseille a assuré l’instruction des demandes d’autorisation ; que la circonstance qu’il n’en soit pas fait mention dans la décision attaquée est sans incidence sur la légalité de celle-ci ;

Considérant que, comme il y était tenu afin d’être en mesure d’apprécier l’intérêt respectif des différents projets qui lui étaient présentés, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a statué sur l’ensemble des candidatures dont il était saisi et a décidé de leur acceptation ou de leur rejet au cours d’une même séance ; qu’en procédant ainsi, il n’a pas omis d’examiner l’intérêt particulier de chaque projet ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

En ce qui concerne la zone de Zonza :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’aucun service de radiodiffusion sonore n’était autorisé dans la zone de Zonza avant l’intervention de la décision attaquée ; qu’en écartant la candidature de la SOCIETE VORTEX qui propose un service thématique à vocation nationale, au profit du service RTL2 Corse, qui propose un programme d’intérêt local diffusant également le programme d’un réseau thématique à vocation nationale, au motif que ce dernier répondait mieux aux critères de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait, compte tenu de l’unique fréquence à attribuer dans cette zone, une inexacte application des critères dont la loi lui prescrit de tenir compte ; que, par suite, la SOCIETE VORTEX n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée en tant que, par cette décision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dans la zone de Zonza ;

En ce qui concerne la zone de l’Ile Rousse :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’aucun service de radiodiffusion sonore n’était autorisé dans la zone de l’Ile Rousse avant l’intervention de la décision attaquée ; qu’en écartant la candidature de la SOCIETE VORTEX, pour attribuer les trois fréquences disponibles dans cette zone à un service associatif (catégorie A) et à deux services proposant un programme d’intérêt local diffusant également le programme d’un réseau thématique musical à vocation nationale (catégorie C), au motif que le programme national sans décrochages locaux de Skyrock présentait moins d’intérêt pour le public, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait, compte tenu du nombre de fréquences à attribuer dans la zone, une inexacte application des dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, par suite, la SOCIETE VORTEX n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée en tant que, par cette décision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dans la zone de l’Ile Rousse ;

En ce qui concerne les autres zones :

En ce qui concerne la zone de Bonifacio :

Considérant que dans cette zone où un seul service était autorisé en catégorie C, NRJ Corse, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé un service en catégorie B, Alta Frequenza, deux services en catégorie C, Nostalgie Corse et RTL 2 Corse, et un service en catégorie E, RTL ; qu’il a rejeté la candidature de Skyrock au motif que ce programme musical national en catégorie D " s’adresse à un public jeune déjà visé par NRJ Corse " et justifié sa décision d’autoriser Nostalgie Corse et RTL 2 par le souhait de compléter l’offre musicale de la zone ; qu’aux termes de ce choix, d’une part, l’offre musicale dans la zone résulte de trois services autorisés en catégorie C alors qu’aucun programme musical n’a été autorisé en catégorie D et alors que celui proposé par Skyrock n’est pas assimilable en termes de contenus et de publics visés à ceux autorisés et, d’autre part, que deux groupes de communication sont titulaires de quatre des cinq fréquences disponibles dans la zone, le groupe NRJ qui contrôle NRJ Corse et Nostalgie Corse et le groupe CLT UFA qui contrôle RTL et RTL 2 ; que ces deux groupes sont, dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille, titulaires de quatre fois plus de fréquences au titre des services qu’ils contrôlent que le groupe Orbus, opérateur du service Skyrock ; qu’il s’en déduit que, alors même que le groupe Orbus contrôle moins de services radiophoniques que les groupes NRJ et CLT UFA, ce qui justifie que ceux-ci soient davantage présents dans la zone et le ressort du comité technique radiophonique de Marseille, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs, la nécessité d’éviter les abus de position dominante dont la loi lui prescrit de tenir compte et l’objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de radiodiffusion et services locaux, régionaux et thématiques indépendants ; qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE VORTEX est fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 21 novembre 2006 en tant qu’elle rejette sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dans la zone de Bonifacio ;

En ce qui concerne la zone de Ghisonaccia :

Considérant que dans cette zone dans laquelle deux radios étaient déjà autorisées, Costa Serena en catégorie A et Chérie FM, contrôlée par le groupe NRJ en catégorie C, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé une radio en catégorie A, deux en catégorie C, NRJ Corse et RTL 2, et une en catégorie E, RMC, et a rejeté la candidature de Skyrock au motif que le programme national sans décrochages locaux qu’il propose présentait moins d’intérêt pour le public que ceux de NRJ Corse et RTL 2 Corse ; qu’aux termes de ce choix, d’une part l’offre musicale dans la zone résulte de trois services autorisés en catégorie C alors qu’aucun programme musical n’a été autorisé en catégorie D et d’autre part, un groupe de communication, le groupe NRJ, y contrôle deux des trois services autorisés en catégorie C ; que ce groupe est, dans le ressort du comité technique radiophonique, titulaire de quatre fois plus de fréquences que le groupe Orbus ; qu’il s’en déduit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a également dans cette zone méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs, la nécessité d’éviter les abus de position dominante dont la loi lui prescrit de tenir compte et l’objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de diffusion et services locaux, régionaux et thématiques indépendants ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle rejette sa candidature dans cette zone ;

En ce qui concerne la zone de Calvi :

Considérant que dans cette zone où seule Radio Nostalgie Corse était autorisée en catégorie C, et où douze fréquences étaient disponibles, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé deux radios en catégorie A, deux en catégorie B, quatre en catégorie C, RTL 2 Corse, Fun radio Corse, NRJ Corse, Chérie FM Corse, une en catégorie D, Rires et Chansons, et trois en catégorie E, Europe 1, RMC et RTL ; qu’aux termes de ce choix, d’une part, l’offre musicale dans la zone résulte principalement de cinq services autorisés en catégorie C, le seul service autorisé en catégorie D étant partiellement musical et, d’autre part, deux groupes, NRJ et CLT UFA y contrôlent sept des douze services autorisés ; que ces deux groupes sont, dans le ressort du comité technique radiophonique, titulaires de quatre fois plus de fréquences que le groupe Orbus ; qu’il s’en déduit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a également dans cette zone méconnu le principe de diversification des opérateurs, la nécessité d’éviter les abus de position dominante dont la loi lui prescrit de tenir compte et l’objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de diffusion et services locaux, régionaux et thématiques indépendants ; qu’il en résulte que la SOCIETE VORTEX est fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 21 novembre 2006 en tant qu’elle rejette sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dans la zone de Calvi ;

Sur la demande d’injonction :

Considérant que la présente décision rejetant les conclusions aux fins d’annulation présentées par la SOCIETE VORTEX pour les zones de Zonza et de l’Ile Rousse, les conclusions à fins d’injonction présentées par la requérante pour ces zones ne peuvent être accueillies ;

Considérant que l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 21 novembre 2006 relative aux zones de Bonifacio, Ghisonaccia, Calvi prononcée par la présente décision du Conseil d’Etat n’implique pas nécessairement que le Conseil supérieur de l’audiovisuel délivre l’autorisation demandée mais qu’il se prononce à nouveau sur la candidature de la SOCIETE VORTEX ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’ordonner au Conseil supérieur de l’audiovisuel de réexaminer ladite candidature dans un délai de deux mois à compter de la présente décision ; qu’il n’y pas lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SOCIETE VORTEX de la somme de 2 500 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 21 novembre 2006 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la société VORTEX en vue de l’exploitation du service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne Skyrock sur les zones de Bonifacio, Ghisonaccia et Calvi est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Conseil supérieur de l’audiovisuel de prendre les mesures nécessaires au réexamen, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de la candidature de la SOCIETE VORTEX à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre sur les zones de Bonifacio, Ghisonaccia et Calvi.

Article 3 : L’Etat versera à la SOCIETE VORTEX une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VORTEX, au Conseil supérieur de l’audiovisuel et à la ministre de la culture et de la communication.

Copie pour information en sera adressée à la direction du développement des médias.

 


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