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Conseil d’Etat, 8 octobre 2008, n° 301743, Commune de Fayet

Si la juridiction de renvoi est tenue par l’autorité de chose jugée découlant de la décision rendue en cassation, il résulte de ce qui vient d’être dit que cette autorité ne s’attachait en l’espèce qu’à la reconnaissance d’une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune, et non à la détermination du préjudice indemnisable, laquelle incluait la vérification de l’existence tant d’un préjudice suffisamment certain que d’un lien de causalité entre ce préjudice et la faute commise par la commune

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 301743

COMMUNE DE FAYET

Mme Laure Bédier
Rapporteur

M. Luc Derepas
Commissaire du gouvernement

Séance du 8 septembre 2008
Lecture du 8 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 21 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE FAYET, représentée par son maire ; la COMMUNE DE FAYET demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 14 décembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, réformant le jugement du tribunal administratif d’Amiens l’ayant condamnée à verser la somme de 266 785, 78 euros à la compagnie foncière Fideicom en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité de sa décision de procéder à l’acquisition d’un immeuble par voie de préemption, a ramené à 163 882, 69 euros, avec intérêts au taux légal, la somme qu’elle avait été condamnée à verser à cette société ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge de la compagnie foncière Fideicom le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de la COMMUNE DE FAYET et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la compagnie foncière Fideicom,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE FAYET a renoncé le 8 janvier 1997 à la préemption d’un immeuble appartenant à la compagnie foncière Fideicom après que le juge de l’expropriation eut fixé le prix du bien à 1 750 000 F (266 785, 78 euros), soit la somme figurant dans la promesse de vente initiale, alors qu’elle proposait un prix inférieur ; que la société Fideicom a vendu cet immeuble le 5 mars 1999 au prix de 675 000 F (102 903, 09 euros) ; qu’elle a saisi le juge administratif pour obtenir réparation du préjudice subi en raison de la décision de préemption qu’elle estimait illégale ; que, par un arrêt du 12 février 2004, la cour administrative d’appel de Douai a jugé illégale la décision de préemption, au motif qu’elle n’était fondée sur aucun projet d’aménagement et avait pour seul objet de faire obstacle à l’installation d’un centre d’hébergement pour les personnes sans domicile fixe, et a condamné la COMMUNE DE FAYET à indemniser la société Fideicom du préjudice résultant de la différence entre le prix figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner et le prix de vente effectif ; que, par une décision du 15 mai 2006, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé par la COMMUNE DE FAYET en tant qu’il portait sur le principe de la responsabilité de la COMMUNE DE FAYET en raison de cette décision de préemption illégale, mais a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel du 12 février 2004, en tant qu’il évaluait le préjudice indemnisable, et renvoyé l’affaire dans cette mesure à cette cour ;

Considérant que, si la juridiction de renvoi est tenue par l’autorité de chose jugée découlant de la décision rendue en cassation, il résulte de ce qui vient d’être dit que cette autorité ne s’attachait en l’espèce qu’à la reconnaissance d’une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune, et non à la détermination du préjudice indemnisable, laquelle incluait la vérification de l’existence tant d’un préjudice suffisamment certain que d’un lien de causalité entre ce préjudice et la faute commise par la commune ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit en écartant sans l’examiner le moyen tiré de ce que la vente initiale ne serait pas suffisamment probable, au motif qu’il tend à remettre en cause le principe de responsabilité de la commune sur lequel il a été définitivement statué ; que dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu’il y a lieu, par suite, de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’à l’issue d’une procédure de préemption qui n’a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision est entachée d’illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité ; que lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte notamment, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était suffisamment probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation à la préemption ; que pour l’évaluation de ce préjudice, le prix de vente effectif peut être regardé comme exprimant cette valeur vénale si un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences effectuées par le vendeur, et sous réserve que ce prix de vente ne s’écarte pas anormalement de cette valeur vénale ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les conditions suspensives figurant dans la promesse de vente initiale, relatives à l’absence de servitudes et d’hypothèques et au non-exercice du droit de préemption, permettent de regarder comme suffisamment probable la réalisation de la vente initiale ;

Considérant, en second lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le préjudice subi résulte directement de la décision de préemption illégale ; que la valeur vénale à retenir pour déterminer le montant du préjudice s’apprécie en fonction des diligences du propriétaire pour vendre son bien dans un délai raisonnable et sous réserve que le prix de vente final ne s’écarte pas anormalement de la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation à la préemption ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’immeuble litigieux, isolé par rapport aux voies de communications existantes, n’a jamais été exploité conformément à sa destination initiale d’hôtel ; qu’il a été muré en 1991 ; que mis en vente cette année là, il n’a trouvé acquéreur qu’en 1995 ; que si la compagnie foncière Fideicom n’a pas proposé à la COMMUNE DE FAYET d’acquérir l’immeuble, cette abstention n’est pas de nature à remettre en cause la réalité de ses diligences, puisque cette société pouvait légitimement penser que la commune avait renoncé à acquérir le bien à la suite de l’abandon du projet ayant motivé la décision de préemption ; qu’ainsi, eu égard aux conditions particulières du marché immobilier local et aux caractéristiques hôtelières de l’immeuble en cause, le délai de deux ans séparant la renonciation à l’exercice du droit de préemption de la vente effective peut être regardé comme raisonnable ; que, pour les mêmes raisons, le prix de vente final ne s’écarte pas de manière anormale de la valeur vénale du bien à la date de la renonciation à l’exercice de la préemption ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la compagnie foncière Fidéicom est fondée à demander la réparation de son préjudice résultant de la différence entre le prix figurant dans la promesse de vente, soit 1 750 000F (266 785, 78 euros), et le prix de vente effectif, soit 675 000 F (102 903, 09 euros) ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE FAYET est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens l’a condamnée à verser à la compagnie foncière Fideicom la somme de 1 750 000 F (266 785, 78 euros), qui doit être ramenée à la somme de 1 075 000 F (163 882, 69 euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 1997, date de réception de la réclamation préalable de la société ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE FAYET en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE FAYET, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposées par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 14 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La somme de 266 785, 78 euros que la COMMUNE DU FAYET a été condamnée à verser à la compagnie foncière Fideicom par le jugement du tribunal administratif d’Amiens du 13 juin 2002 est ramenée à la somme de 163 882, 69 euros ; cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 5 juillet 1997.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d’Amiens du 13 juin 2002 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par la compagnie foncière Fideicom et par la COMMUNE DE FAYET sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE FAYET et à la compagnie foncière Fideicom.

 


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