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Conseil d’Etat, 16 juin 2008, n° 289461, Guy V. et Christian A.

Le principe d’impartialité applicable à toutes les juridictions administratives fait obstacle à ce que le rapporteur d’une chambre régionale des comptes participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à l’occasion d’une vérification de gestion ; qu’il s’ensuit que la participation du rapporteur, auquel a été confiée la vérification de la gestion de l’organisme dont les deniers sont en cause, au délibéré de la formation de jugement chargée, à titre provisoire ou définitif, de se prononcer sur la déclaration de gestion de fait, la ligne de compte, la mise en débet ou la sanction du comptable de fait entache d’irrégularité la composition de cette formation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 289461, 289462

MM. V ET A.

Mlle Aurélie Bretonneau
Rapporteur

M. Mattias Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 mai 2008
Lecture du 16 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 289461, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 24 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Guy V et M. Christian A ; MM. V et A. demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 24 novembre 2005 par lequel la Cour des comptes a rejeté leur demande tendant à l’annulation du jugement du 15 octobre 2004 par lequel la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé définitivement la ligne de compte de la gestion de fait de l’association " Les amis de Méru Information " (AMI), les a déclarés conjointement et solidairement débiteurs des deniers de la commune à hauteur de 95 285, 98 €, cette somme portant intérêt à compter du 31 décembre 1995, et les a condamnés au paiement d’une amende de 300 euros chacun à raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public ;

Vu 2°), sous le n° 289462, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 24 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Guy V et M. Christian A. ; MM. V et A. demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 24 novembre 2005 par lequel la Cour des comptes a rejeté leur demande tendant à l’annulation du jugement du 15 octobre 2004 par lequel la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé définitivement la ligne de compte de la gestion de fait de l’" Association de formation des élus méruviens " (AFEM), les a déclarés conjointement et solidairement débiteurs des deniers de la commune à hauteur de 152 618, 06 euros, cette somme portant intérêt à compter du 31 décembre 1995, et les a condamnés au paiement d’une amende de 300 euros chacun à raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963, notamment son article 60 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Guy V et de M. Christian A. et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la commune de Méru, les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que statuant à titre définitif par deux jugements du 15 octobre 2004, la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé la ligne de compte de la gestion de fait de l’association " Les amis de Méru Information " (AMI) et de l’" Association de formation des élus méruviens " (AFEM), a déclaré MM. V et A. conjointement et solidairement débiteurs des deniers de la commune à hauteur, pour chaque association, respectivement de 95 285, 98 € et de 152 618, 06 €, ces sommes portant intérêt à compter du 31 décembre 1995, et les a condamnés au paiement de deux amendes de 300 euros chacun en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public ; que les appels présentés par MM. V et A. auprès de la Cour des comptes ont été rejetés par deux arrêts du 24 novembre 2005 contre lesquels les requérants se pourvoient en cassation ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois ;

Considérant que le principe d’impartialité applicable à toutes les juridictions administratives fait obstacle à ce que le rapporteur d’une chambre régionale des comptes participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à l’occasion d’une vérification de gestion ; qu’il s’ensuit que la participation du rapporteur, auquel a été confiée la vérification de la gestion de l’organisme dont les deniers sont en cause, au délibéré de la formation de jugement chargée, à titre provisoire ou définitif, de se prononcer sur la déclaration de gestion de fait, la ligne de compte, la mise en débet ou la sanction du comptable de fait entache d’irrégularité la composition de cette formation ;

Considérant qu’il ressort des arrêts attaqués et des pièces de la procédure qu’un magistrat, membre de la chambre régionale des comptes de Picardie, a mené, pour le compte de cette juridiction, les contrôles de la gestion de l’association " Les amis de Méru Information " et de l’" Association de formation des élus méruviens " ; qu’à la suite de ses rapports, deux procédures juridictionnelles de déclaration de gestion de fait puis de jugement de compte ont été successivement engagées à l’encontre de MM. V et A. à raison de l’extraction irrégulière de fonds communaux sous l’appellation fallacieuse de subventions versées aux deux associations mentionnées ; qu’il ressort des pièces des dossiers que le même magistrat a également occupé les fonctions de rapporteur devant la formation de la chambre régionale des comptes de Picardie qui, par un même jugement du 30 avril 1998, d’une part a déclaré la gestion de fait, d’autre part s’est prononcée, à titre provisoire, sur le jugement des comptes des deux associations ; que le jugement du 30 avril 1998 n’est passé en force de chose jugée qu’en tant qu’il a déclaré la gestion de fait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la composition de la formation de jugement de la chambre régionale des comptes de Picardie qui s’est prononcée à titre provisoire le 30 avril 1998 était irrégulière et que cette seule circonstance, malgré l’intervention d’autres jugements provisoires avant l’intervention des jugements définitifs du 15 octobre 2004, entachait d’irrégularité l’ensemble de la procédure de jugement des comptes et de sanction des comptables de fait devant la chambre régionale des comptes de Picardie ; que, par suite, en ne relevant pas d’office le moyen d’ordre public tiré de l’irrégularité de la procédure de jugement des comptes en raison de la participation du magistrat en cause à la formation de jugement du 30 avril 1998, la Cour des comptes a commis une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que MM. V et A. sont fondés à demander l’annulation des deux arrêts attaqués ;

D E C I D E :

Article 1er : Les arrêts de la Cour des comptes du 24 novembre 2005 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la Cour des comptes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guy V, à M. Christian A., au Premier président de la Cour des comptes et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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