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Conseil d’Etat, 19 mai 2004, n° 247211, Danièle et Jacques B.

Il appartient au juge de cassation de vérifier que les juges du fond ont exactement qualifié les faits constitutifs du fait générateur d’une créance. Sauf dénaturation, l’appréciation des circonstances susceptibles de permettre à un créancier d’être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ne peut, en revanche, être discutée en cassation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 247211

M. et Mme B.

M. Hourdin
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 28 avril 2004
Lecture du 19 mai 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 20 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Danièle B. et M. Jacques B., représenté par Me Delaby, liquidateur judiciaire ; M. et Mme B. demandent que le Conseil d’Etat annule l’arrêt en date du 26 mars 2002 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Douai a rejeté leurs requêtes tendant à l’annulation du jugement du 30 juin 1998 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 24 novembre 1997 par laquelle le maire de Soissons a opposé la prescription quadriennale à leur demande de versement d’une somme de 3 385 845 F destinée à indemniser le préjudice ayant résulté pour eux de l’avis négatif émis le 9 mai 1990 par la commission communale de sécurité pour l’ouverture d’un hôtel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme B. et de M. B. et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la commune de Soissons,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que si, pour demander l’annulation de l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté leurs requêtes tendant à l’annulation du jugement du 30 juin 1998 du tribunal administratif d’Amiens rejetant leur demande dirigée contre la décision du 24 novembre 1997 par laquelle le maire de Soissons a opposé la prescription quadriennale à la demande d’indemnité qu’ils avaient présentée à concurrence de la somme de 3 385 845 F au titre du préjudice moral et financier résultant pour eux de l’avis défavorable émis le 9 mai 1990 par la commission communale de sécurité pour l’ouverture d’un hôtel, M. et Mme B. soutiennent que cet avis ne mentionnait pas les voies et délais de recours, la cour n’a pu, en tout état de cause, commettre d’erreur de droit en regardant ce moyen comme inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "La prescription est interrompue par (.) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance (.)" ; que, si les requérants font valoir que la prescription qui leur a été opposée avait été interrompue par l’instance contentieuse engagée par eux en 1991 devant le tribunal de grande instance de Soissons et en 1995 devant la cour d’appel d’Amiens, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces instances étaient étrangères au litige les opposant à la commune de Soissons ; qu’ainsi, et en tout état de cause, le moyen ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l’Etat, des départements et des communes (.) toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ; qu’aux termes de l’article 3 de la même loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (.) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance (.)" ; que, pour l’application de ces dispositions, il appartient au juge de cassation de vérifier que les juges du fond ont exactement qualifié les faits constitutifs du fait générateur d’une créance ; que, sauf dénaturation, l’appréciation des circonstances susceptibles de permettre à un créancier d’être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ne peut, en revanche, être discutée en cassation ;

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par lettre en date du 9 mai 1990, le commandant des sapeurs pompiers de la commune de Soissons a fait connaître à M. B. que la commission communale de sécurité avait émis un avis défavorable au projet de création d’un hôtel dans l’immeuble dont l’intéressé était propriétaire ; qu’en estimant que l’impossibilité de mettre cet hôtel en exploitation était apparue à cette date et en en déduisant que le fait générateur de la créance de M. et Mme B. sur la commune de Soissons appartient à l’année 1990, la cour n’a pas inexactement qualifié, au regard des dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant, d’autre part, que la cour administrative d’appel a constaté qu’à la date du 9 mai 1990, les requérants ne pouvaient être légitimement regardés comme ayant ignoré l’existence de leur créance sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la commission communale de sécurité avait émis, en 1996, au vu des précisions apportées sur le projet, un avis favorable à celui-ci ; que cette appréciation des juges du fond, qui n’est entachée d’aucune dénaturation des faits de l’espèce, ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B. ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme B. la somme que la commune de Soissons demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Soissons tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Me Delaby, liquidateur judiciaire de M. Jacques B., à Mme Danièle B., à la commune de Soissons et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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