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Conseil d’Etat, 3 mai 2002, n° 222856, Société civile d’exploitation agricole "les templiers" et autres

Aucune disposition législative ou réglementaire ne définit de seuil minimum de participation dans un groupement agricole d’exploitation en commun ni n’exige que le capital y soit réparti de façon équilibrée entre les associés.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 222856

SOCIETE CIVILE D’EXPLOITATION AGRICOLE "LES TEMPLIERS" et autres

M. Derepas, Rapporteur

M. Austry Commissaire du gouvernement

Séance du 10 avril 2002

Lecture du 3 mai 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 7 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE D’EXPLOITATION AGRICOLE "LES TEMPLIERS", dont le siège est au lieu-dit « Le Temple » à Guillac (56800), M. Jean-Claude P., M. David P. et M. Jean-Luc F. ; ils demandent au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 avril 2000 par laquelle le comité national d’agrément des groupements agricoles d’exploitation en commun a confirmé la décision du 24 janvier 2000 par laquelle le comité départemental d’agrément du Morbihan a refusé la qualité de groupement agricole d’exploitation en commun à la SOCIETE CIVILE D’EXPLOITATION AGRICOLE "LES TEMPLIERS" ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE CIVILE D’EXPLOITATION AGRICOLE "LES TEMPLIERS" et autres,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que l’article R. 323-12 du code rural dispose que, lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à la reconnaissance de la qualité de groupement agricole d’exploitation en commun, le comité national d’agrément des groupements agricoles d’exploitation en commun "doit se prononcer au plus tard dans les trois mois. Si aucune décision n’est intervenue dans ce délai, la reconnaissance est considérée comme acquise à la société" ; que cette disposition implique que toute demande pour laquelle une décision expresse du comité n’a pas été notifiée aux demandeurs dans les trois mois de sa transmission au comité doit être regardée comme implicitement agréée ; qu’il ressort des pièces du dossier que la demande d’agrément présentée par MM. Jean-Claude P., David P. et Jean-Luc F. en vue de la reconnaissance du groupement agricole d’exploitation en commun « Les Templiers » est parvenue au ministre de l’agriculture et de l’alimentation le 14 février 2000 ; que la décision du 27 avril 2000 du comité a été notifiée aux intéressés par une lettre du 9 mai 2000, soit avant l’expiration du délai de trois mois imparti par la disposition précitée de l’article R. 323-12 ; que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le comité ne pouvait plus leur notifier à cette date une décision expresse de refus d’agrément ; qu’il n’est pas établi, ni même allégué que cette décision leur serait parvenue après l’expiration du délai de 3 mois courant à compter du 14 février 2000 ;

Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que les décisions du comité national d’agrément des groupements agricoles d’exploitation en commun, qui n’est pas une juridiction, mentionnent la composition de ce comité ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux demandes successives présentées par MM. Jean-Claude P., David P. et Jean-Luc F., qu’en estimant que les bénéfices du groupement seraient distribués en proportion de la répartition du capital entre les associés, le comité national d’agrément des groupements agricoles d’exploitation en commun n’a pas commis d’erreur matérielle ;

Considérant que le comité a notamment motivé le rejet de la demande présentée par MM. Jean-Claude P., David P. et Jean-Luc F. par la circonstance que la répartition très déséquilibrée des parts entre les associés, qui détiendraient respectivement 81,93 %, 3,51 % et 14,46 % des parts, serait contraire aux dispositions régissant les groupements agricoles d’exploitation en commun ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne définit de seuil minimum de participation dans un tel groupement ni n’exige que le capital y soit réparti de façon équilibrée entre les associés ; que les dispositions de l’article L. 323-13 du code rural, selon lesquelles la participation à un tel groupement ne doit pas avoir pour effet de mettre les chefs d’exploitation dans une situation inférieure à celle des chefs d’exploitation exerçant à titre individuel pour tout ce qui touche leurs statuts économique, social et fiscal, n’ont ni pour objet, ni pour effet d’obliger les associés d’un groupement à procéder à une répartition équilibrée du capital ; que le motif susanalysé est ainsi erroné en droit ;

Considérant, toutefois, que le comité a également fondé sa décision sur un autre motif, tiré de ce que M. F. ne participerait pas effectivement au travail en commun du groupement ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 323-31 du code rural : "Les associés doivent participer effectivement au travail commun. Ce travail doit être effectué dans des conditions comparables à celles existant pour les exploitations à caractère familial. Chaque membre du groupement doit être associé aux responsabilités de l’exploitation" ; qu’il ressort de la demande présentée par les pétitionnaires que le groupement envisagé devait avoir pour activité principale l’exploitation d’une quantité de référence laitière de 376 000 litres, dont 93 000 litres apportés par M. F. ; que, dans ces conditions, la circonstance que M. F. ne participe pas aux travaux de traite et d’entretien des animaux mais se borne, selon les termes mêmes de la demande, à prendre part aux "travaux des champs" fait obstacle à ce qu’il puisse être regardé comme participant effectivement au travail en commun de ce groupement au sens des dispositions de l’article R 323-31 précité ; que le comité national a pu légalement se fonder sur ce motif pour justifier la décision contestée et aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision attaquée ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SOCIETE CIVILE D’EXPLOITATION AGRICOLE "LES TEMPLIERS", M. Jean-Claude P., M. David P. et M. Jean-Luc F. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE D’EXPLOITATION AGRICOLE "LES TEMPLIERS", à M. Jean-Claude P., à M. David P., à M. Jean-Luc F. et au ministre de l’agriculture et de la pêche.

 


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