CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 203591 214196
SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I.
M. Mahé, Rapporteur
M. Goulard, Commissaire du gouvernement
Séance du 14 novembre 2001
Lecture du 5 décembre 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Vu 1°), sous le n° 203591, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 17 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I., dont le siège se trouve 65, rue Monceau à Paris (75008) ; la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 novembre 1998 de la commission de contrôle des assurances en tant qu’elle rejette sa demande tendant à ce que les injonctions qui lui avaient été adressées les 24 juin 1996 et 27 juin 1997 soient levées ;
2°) d’enjoindre à la commission de contrôle des assurances de lever ces injonctions ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 35 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 214196, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 novembre 1999 et 3 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I., dont le siège se trouve 65, rue Monceau à Paris (75008) ; la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler la décision implicite de la commission de contrôle des assurances rejetant son recours gracieux contre la décision du 10 mars 1999 par laquelle cette commission a, d’une part, interdit l’entrée de nouveaux adhérents dans son régime collectif de retraite et, d’autre part, adressé un avertissement à ses dirigeants ;
2°) d’annuler la décision du 10 mars 1999 ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Mahé, Auditeur,
les observations de la -SCP Vier, Barthélemy, avocat de la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I.,
les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il résulte de l’article L. 310-17 du code des assurances que lorsqu’une entreprise d’assurances enfreint une disposition législative ou réglementaire ou a un comportement qui met en péril sa marge de solvabilité ou l’exécution des engagements qu’elle a contractés envers les assurés, la commission de contrôle des assurances peut, après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs observations, lui adresser une injonction à l’effet de prendre, dans un délai déterminé, toutes mesures destinées à rétablir ou renforcer son équilibre financier ou à corriger ses pratiques ; qu’aux termes de l’article L. 310-18 du même code, si l’entreprise "n’a pas respecté une disposition législative ou réglementaire (..) ou n’a pas déféré à une injonction, la commission peut prononcer à son encontre, ou à celle de ses dirigeants, l’une ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes, en fonction de la gravité du manquement : 1 ° L’avertissement ; (..) 3° L’interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l’exercice de l’activité (..) Dans tous les cas visés au présent article, la commission de contrôle des assurances statue après une procédure contradictoire. Les responsables de l’entreprise sont obligatoirement mis à même d’être entendus avant que la commission de contrôle des assurances n’arrête sa décision. Ils peuvent se faire représenter ou assister" ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par lettre en date du 24 juin 1996, le président de la commission de contrôle des assurances a enjoint à la Société "Caisse d’assurance et de prévoyance mutuelle des agriculteurs-Caisse d’assurance et de prévoyance mutuelle interprofessionnelle" (C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I.) de présenter un plan de redressement prévoyant, d’une part, le rétablissement de l’équilibre d’exploitation et, d’autre part, l’apport financier nécessaire pour garantir le renforcement des provisions de rente et présenter la marge de solvabilité réglementaire ; que, par courrier en date du 27 juin 1997, la commission a reporté au 31 mars 1998 le terme de cette injonction, initialement fixé le 31 octobre 1996, et rappelé à la société qu’elle devait, par ailleurs, prendre toutes mesures propres à garantir le respect des ratios prudentiels à l’issue de chacun des deux semestres 1997 ; que, par lettre du 13 novembre 1998, le président de la commission, constatant que l’équilibre d’exploitation avait été rétabli, mais que les autres éléments de l’injonction ne semblaient pas avoir été entièrement satisfaits, a fait part à la société de l’ouverture d’une procédure de sanction en application des dispositions précitées de l’article L. 310-18 du code des assurances ; que la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. défère au Conseil d’Etat, d’une part, la lettre du 13 novembre 1998 du président de la commission de contrôle des assurances en tant qu’elle rejette sa demande tendant à ce que les injonctions prononcées à son encontre soient levées, et, d’autre part, la décision par laquelle la commission a implicitement rejeté le recours gracieux introduit contre la décision du 10 mars 1999 adressant un avertissement aux dirigeants de la société et interdisant l’entrée de nouveaux adhérents dans son régime collectif de retraite ;
Considérant que les requêtes présentées par la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. sont relatives à des mesures prises par la commission de contrôle des assurances au cours de la même procédure de sanction ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 203591 dirigée contre la lettre du 13 novembre 1998 en tant qu’elle vaudrait refus de lever l’injonction adressée à la requérante :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 310-12 du code des assurances : "Lorsque la commission de contrôle des assurances estime qu’il peut y avoir lieu de faire application des sanctions prévues à l’article L. 310-18, elle porte à la connaissance de l’entreprise concernée, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au représentant légal de l’entreprise, les faits qui lui sont reprochés ; elle fait savoir au représentant légal de l’entreprise qu’il peut prendre connaissance des pièces du dossier ; elle l’invite à faire parvenir ses observations écrites dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours" ;
Considérant que la lettre du 13 novembre 1998 avait pour seul objet, en application des dispositions précitées, d’indiquer à la SOCIETE C.A.P. M.A.-C.A.P.M.1. qu’une des sanctions prévues à l’article L. 310-18 du code des assurances était susceptible d’être prise à son encontre ou à celle de ses dirigeants et d’inviter le président de cette société à faire parvenir à la commission ses observations écrites dans le délai d’un mois ; qu’elle ne constitue donc que le premier acte de la procédure de sanction instituée à l’article L. 310-18 du code des assurances et ne peut être déférée au Conseil d’Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Sur la requête n° 214196 dirigée contre la décision par laquelle la commission de contrôle des assurances a rejeté le recours gracieux présenté par la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. contre la décision du 10 mars 1999 adressant un avertissement à ses dirigeants et interdisant l’entrée de nouveaux adhérents dans son régime collectif de retraite :
Considérant qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 310-18 du code des assurances : "Les personnes sanctionnées peuvent, dans le délai de deux mois qui suit la notification de la décision, former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat" ; qu’eu égard à la nature, à la composition et aux pouvoirs de la commission de contrôle des assurances, la procédure particulière instituée par ces dispositions fait obstacle à ce que les décisions de sanction qu’elle prend puissent faire l’objet de la part des personnes sanctionnées, dans le délai qui leur est imparti pour l’introduction d’un recours de plein contentieux, d’un recours gracieux interrompant le cours de ce délai ; que, par suite, le délai de recours contentieux n’a pu être conservé par le recours gracieux de la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. contre la décision du 10 mars 1999 adressant un avertissement à ses dirigeants et interdisant l’entrée de nouveaux adhérents dans son régime collectif de retraite ; qu’il y a donc lieu de rejeter comme tardive la requête de la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. ;
Sur les conclusions de la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. les sommes de 35 000 F et de 25 000 F qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I DE :
Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I. sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE C.A.P.M.A.-C.A.P.M.I., à la commission de contrôle des assurances et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.