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Conseil d’Etat, 26 novembre 2001, n° 222741, ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE et autres

Les lois de police sanitaire s’appliquent impérativement aux situations qu’elles visent sans qu’une personne puisse s’y soustraire au motif qu’elle n’aurait pas la nationalité française ou serait un double national ; qu’ainsi, la circonstance qu’une personne qui est regardée par la France comme par la Suisse comme étant un de ses nationaux, se trouve soumise à l’obligation vaccinale en France alors qu’elle ne le serait pas en Suisse est sans incidence aucune sur la légalité des dispositions contestées.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 222741, 223639, 224342, 224358, 224384, 224428

ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE et autres

M. Boulouis, Rapporteur

Mme Boissard, Commissaire du gouvernement

Séance du 29 octobre 2001

Lecture du 26 novembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu 1°), sous le n° 222741, la requête sommaire et le mémoire complémentaires, enregistrés les 4 et 13 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE, dont le siège est 19, rue de l’Argentière à Riom (63200), représentée par sa présidente en exercice ; l’ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-4, L. 3111-6 à L. 3111-8, L. 3112-1 L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu 2°), sous le n° 223639, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 20 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, dont le siège est 4, rue Saulnier, BP 190 à Paris cedex 09 (7422). représentée par son président en exercice ; la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les dispositions de l’article L. 3116-1 du code de la santé publique résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique en tant qu’il renvoie aux articles L. 1312-1 et L. 1312-2 du même code ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu 3°), sous le n° 224342, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août 2000 et 17 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par M. Roland C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-4, L. 3111-6 à L. 3111-8, L. 3112-1 L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

2°) de prononcer le sursis à l’exécution de l’article L. 3111-4 ;

Vu 4°), sous le n° 22438, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 12 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par le RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE, dont le siège est 20, rue Henri Martin à Boulogne-Billancourt (92100), représenté par son président et son administratrice en exercice ; le RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE demande au Conseil d’Etat d’annuler les dispositions des articles L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

Vu 5°), sous le n° 224384, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 22 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par M. et Mme Gauthier H. ; M. et Mme H. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les dispositions des articles L. 1131-1, troisième alinéa. L. 1131-6-1°, L. 3111-1 à L .3111-11. L. 3112-1 à L. 3112-5, L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

2) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 3 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu 6°), sous le n° 224428, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 7 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE, dont le siège 20, rue des Chaussumiers à Fondettes (37230), représentée par sa présidente en exercice ; l’ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE demande au Conseil d’Etat d’annuler les dispositions des articles L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et les articles 34 et 38 ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 ;

Vu la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 ;

Vu la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999, ensemble la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS,

- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 a, en application de l’article 38 de la Constitution. autorisé le gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de plusieurs codes, au nombre desquels figure le code de la santé publique ;

Considérant que les requêtes de l’ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE, de la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, de M. C., du RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE, de M. et Mme H. et de l’ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE sont dirigées contre les articles L. 1131-1. troisième alinéa, L. 1131-6-1°, L. 3111-1 à L. 3111-11, L. 3112-1 à L. 3112-5, L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique issus de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative de ce code ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité de la requête n° 224358 du RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE :

Considérant que pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir, une personne physique ou morale doit établir que l’acte attaqué l’affecte de façon suffisamment caractérisée ;

Considérant qu’eu égard à l’objet très étendu et indifférencié qu’elle s’est assigné et qui lui donne pour vocation, selon l’article 2 de ses statuts, de « soutenir et promouvoir toute action visant à proposer une politique de vie au sein de l’Union européenne », l’association du RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE ne peut se réclamer d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation des dispositions des articles L. 3116-1 et L. 3116-4 figurant dans la partie législative du code de la santé publique annexée à l’ordonnance n° 2000-548 du 1 5 juin 2000 et qui sont relatives aux sanctions pénales applicables en matière de vaccinations obligatoires ;

Considérant que selon le dernier alinéa de l’article 1er de la loi d’habilitation du 16 décembre 1999 : « Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes (...) et harmoniser l’état du droit » ; qu’appelé à se prononcer sur la conformité de ce texte à l’exigence qui découle de l’article 38 de la Constitution suivant laquelle une habilitation conférée sur le fondement de cet article doit déterminer avec précision son domaine d’intervention, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, estimé, que le gouvernement ne saurait, à l’occasion de la codification autorisée par la loi, apporter des modifications de fond aux dispositions législatives existantes et qu’il n’est fait exception à ce principe que s’il s’agit d’assurer le respect de la hiérarchie des normes ou de procéder à l’harmonisation de l’état du droit, cette dernière devant « se borner à remédier aux incompatibilités pouvant apparaître entre des dispositions soumises à codification » ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles L. 1131-1 et L. 1131-6 du code de la santé publique relatifs aux empreintes génétiques :

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 38 de la Constitution que les ordonnances prises sur son fondement ont le caractère d’actes administratifs réglementaires aussi longtemps que le législateur n’en a pas opéré la ratification ; que cependant, par son contenu, une ordonnance a vocation à intervenir dans une matière ressortissant en vertu de l’article 34 de la Constitution ou d’autres dispositions constitutionnelles au domaine de la loi ; qu’en conséquence et dans la mesure où elle se borne, conformément aux prévisions de la loi du 16 décembre 1999 à codifier les dispositions législatives en vigueur, il ne saurait être utilement inféré du fait qu’une ordonnance est soumise temporairement au régime contentieux des actes administratifs, qu’elle ne pourrait comporter de dispositions législatives qui dérogent à d’autres dispositions de même valeur juridique, que ces dernières soient ou non comprises dans la codification ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 1131-1 et du 1° de l’article L. 1131-6 sont la reprise pure et simple du texte des articles L. 145-15 et L. 145-15-1 introduits dans le précédent code de la santé publique par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 ; qu’elles ont pour objet de permettre, à titre exceptionnel, de procéder à des fins médicales à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou à son identification par ses empreintes génétiques sans son consentement, dans son intérêt et dans le respect de sa confiance ; que postérieurement à leur insertion dans l’ancien code de la santé publique, ces dispositions législatives spéciales n’ont été abrogées ni explicitement ni même implicitement du fait de la promulgation, le même jour que la loi n° 94-654, de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 insérant les dispositions de portée générale des articles 16, 16-10 et 16-11 du code civil aux termes desquelles l’étude génétique des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification à des fins médicales ne peuvent être effectuées sans le consentement de la personne ; que, dans ces conditions, la reprise dans le code annexé à l’ordonnance attaquée des articles L. 145-15 et L. 145-15-1 de l’ancien code de la santé publique ne méconnaît pas l’étendue de l’habilitation conférée par la loi du 16 décembre 1999 ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles L. 3111-1 à L. 3111-11 et L. 3112-1 à L. 3112-5 du code de la santé publique relatifs aux obligations vaccinales :

Considérant que les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-11 et des articles L. 3112-1 à L. 3112-5 rendent obligatoires un certain nombre de vaccinations ou donnent la possibilité à l’autorité administrative d’instituer par voie réglementaire de telles obligations ; que si ces dispositions ont pour effet de porter une atteinte limitée aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain invoqués par les requérants, elles sont mises en oeuvre dans le but d’assurer la protection de la santé, qui est un principe garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 198. et sont proportionnées à cet objectif ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; que, pour les mêmes raisons, elles ne portent pas une atteinte illégale au principe constitutionnel de la liberté de conscience ;

Considérant qu’à la supposer établie, la circonstance qu’une circulaire autoriserait les personnes effectuant leur service national à ne pas se soumettre à une vaccination obligatoire est sans incidence sur la légalité des dispositions contestées ;

Considérant que les lois de police sanitaire s’appliquent impérativement aux situations qu’elles visent sans qu’une personne puisse s’y soustraire au motif qu’elle n’aurait pas la nationalité française ou serait un double national ; qu’ainsi, la circonstance qu’une personne qui est regardée par la France comme par la Suisse comme étant un de ses nationaux, se trouve soumise à l’obligation vaccinale en France alors qu’elle ne le serait pas en Suisse est sans incidence aucune sur la légalité des dispositions contestées ;

Considérant qu’en raison de leur application abstraction même de la nationalité de la personne concernée, les dispositions critiquées ne sont incompatibles ni avec les stipulations de l’article 12 du traité instituant la Communauté européenne qui, pour l’application dudit traité et sous les réserves qu’il prévoit, prohibent les discriminations en fonction de la nationalité des ressortissants des Etats membres de la Communauté, ni avec les stipulations de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lesquelles au demeurant ne régissent que les discriminations dans la mise en oeuvre des droits garantis par la convention ou ses protocoles additionnels ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique relatifs aux dispositions pénales en matière de vaccination :

Considérant que les articles L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique, qui se sont substitués notamment aux dispositions des articles L. 48, L. 48-3 et L. 217 de l’ancien code de la santé publique, prévoient les sanctions applicables en cas de manquement au respect des obligations vaccinales ainsi que les modalités de constatation des infractions ;

En ce qui concerne l’article L-3116-1 :

Considérant, en premier lieu, que l’article L. 3116-1, par le renvoi qu’il opère aux articles L. 1312-1 et L. 1312-2, substitue les fonctionnaires et agents du ministère de la santé ou des collectivités territoriales aux inspecteurs de salubrité pour la constatation des infractions aux obligations de vaccination et inclut dans la compétence de ces fonctionnaires ou agents la constatation des infractions aux obligations de vaccination auxquelles sont astreints certains professionnels de santé en application de l’article L. 3111-4 ou qui peuvent être institués par voie réglementaire en application des articles L. 3111-6 à L. 3111-8 ; qu’en deuxième lieu, le même article, par le même renvoi. réprime de trois mois d’emprisonnement et de 25 000 F d’amende le fait de faire obstacle à l’action de ces fonctionnaires ou agents ;

Quant à la définition des fonctionnaires ou agents habilités à constater les infractions :

Considérant que les dispositions de l’article L. 3116-1, qui se bornent à tirer les conséquences de la suppression du corps des inspecteurs de salubrité et de l’intégration de ces derniers dans de nouveaux corps du ministère de la santé ou cadres territoriaux d’emploi, sont justifiées par la nécessité d’harmoniser l’état du droit ; qu’elles ne méconnaissent pas, dès lors, l’article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ; qu’en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer par décret les conditions dans lesquelles les fonctionnaires ou agents concernés seraient habilités et assermentés. alors que le fait de faire obstacle à l’accomplissement des missions de ces fonctionnaires ou adents constitue un délit, les auteurs de l’ordonnance attaquée n’ont pas méconnu le principe de légalité des peines posé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution de 198 ; qu’il ne saurait davantage être soutenu que les dispositions figurant dans la partie législative n’épuiseraient pas la compétence appartenant en la matière à la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution ;

Quant à la nature des sanctions encourues en cas d’obstacle à l’action des fonctionnaires ou agents habilités :

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 48 et L. 48-3 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 1970, que le fait de faire obstacle à l’action des inspecteurs de salubrité était passible, dans tous les cas, des peines correctionnelles prévues par cet article ; que, dès lors, ne peut qu’être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article L. 3116-1 du code de la santé publique issues de l’ordonnance attaquée auraient, à la faveur de la codification, érigé une contravention en délit et par là même méconnu l’habilitation conférée par l’article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des peines n’est pas davantage fondé ;

Quant à l’extension des missions des fonctionnaires ou agents habilités :

Considérant qu’avant l’intervention de l’ordonnance attaquée, la compétence des inspecteurs de salubrité -dont les membres ont été ainsi qu’il a été dit ci-dessus intégrés dans de nouveaux corps- était strictement définie ; qu’elle ne s’étendait pas à la constatation des infractions aux obligations vaccinales prévues par l’article L. 5 ainsi que par les articles L. 8 à L. 10 du code de la santé publique ; que bien que la méconnaissance des obligations vaccinales visées de ce chef constitue une infraction pénale réprimée dans les conditions prévues par le décret n° 73-502 du 21 mai 1973, le fait d’étendre le domaine d’intervention des agents compétents à l’ensemble des manquements aux obligations vaccinales ne saurait être regardé comme une harmonisation de l’état du droit au sens où l’a entendu la loi du 16 décembre 1999 dans l’interprétation qui lui a été donnée par le Conseil constitutionnel avant d’en reconnaître la conformité à la Constitution ; qu’ainsi, le fait d’avoir procédé à une extension du champ d’application de règles de procédure pénale par rapport à l’état antérieur du droit excède les limites de l’habilitation résultant de l’article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ; que l’article L. 3116-1 du code de la santé publique doit, dans cette mesure, être annulé ;

En ce qui concerne l’article L. 3116-4 :

Considérant que les dispositions de l’article L. 3116-4 du code de la santé publique issues de l’ordonnance attaquée prévoient, pour les infractions à l’obligation de vaccination contre la tuberculose, une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 25 000 F d’amende ; que les requérants contestent qu’une telle incrimination résulte de l’état antérieur du droit ;

Considérant sans doute que l’article 5 de la loi n° 50-7 du 5 janvier 1950 rendant obligatoire pour certaines catégories de la population la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG a prévu que la méconnaissance de cette obligation serait passible des peines fixées par l’article 471 du code pénal et, en cas de récidive, de celles édictées par l’article 475 de ce code ; qu’à l’origine, ces dispositions se référaient à des peines contraventionnelles ; que ce dispositif a été codifié sous l’article 218, devenu l’article L. 218 du code de la santé publique et a reçu force de loi en vertu de la loi du 3 avril 198 ;

Mais considérant que par son article 8, l’ordonnance n° 58-1297 du 23 décembre 198 prise sur le fondement de l’article 92 de la Constitution a fait figurer dans le texte des articles 471 et 475 du code pénal des sanctions à caractère délictuel ; que ce changement ne saurait être regardé comme ayant été sans incidence sur le renvoi opéré à ces articles par l’article L. 218 du code de la santé publique alors surtout que d’autres dispositions de l’ordonnance précitée du 23 décembre 1958 ainsi que le chapitre IV du décret n° 58-1303 du 23 décembre 198 ont procédé à un réaménagement de plusieurs dispositions d’ordre pénal du code de la santé publique ; qu’en outre, lors de l’adoption des dispositions relatives à la lutte contre la tuberculose incluses dans la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, l’article L. 218 du code la santé publique, devenu l’article L. 217 de ce code, a vu ses termes précisés et, au cours des débats ayant précédé son adoption, le législateur a entendu maintenir des sanctions pénales en cas de manquement à l’obligation vaccinale ;

Considérant, en définitive, que les dispositions mentionnées ci-dessus de l’article L. 3116-4 du code de la santé publique se bornent à reprendre les dispositions de l’article L. 217 de l’ancien code, en tenant compte simplement des modifications apportées avec effet au 1er mars 1994, par les articles 322 et 329 de la loi du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en ce qui concerne l’échelle des peines ; qu’elles n’ont donc pas excédé l’habilitation consentie par l’article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ;

Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à verser à l’ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE la somme de 3 000 F et à la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS une somme de 1 5 000 F au titre des frais qu’elles ont engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article L. 3116-1 du code de la santé publique est annulé dans la mesure où il étend les dispositions des articles L. 1312-1 et L. 1312-2 de ce code à la méconnaissance des obligations vaccinales prévues aux articles L. 3111-6 et L. 3111-7.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 3 000 F à l’ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE et la somme de 15 000 F à la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

 


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