format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Tribunal administratif de Strasbourg, 20 février 2004, n° 03-00784, M. Robert H. c/ Communauté urbaine de Strasbourg
Conseil d’Etat, 28 avril 2003, n° 233289, Me Gérard B., Me Jean-Paul L. et Me Frédérique T.-F.
Conseil d’Etat, 4 juillet 2008, n° 316028, Société Colas Djibouti
Conseil d’Etat, 17 mars 2004, n° 247367, Commune de Beaulieu-Sur-Loire et Société Groupama Loire Bourgogne - SAMDE
Cour administrative d’appel de Marseille, 23 janvier 2003, n° 99MA02109, Commune de Six-Fours-les-Plages c/ M. Albert A.
Conseil d’Etat, 19 novembre 2003, n° 257100, Ville de Nîmes c/ Société Dalkia France
Conseil d’Etat, 2 avril 2004, n° 257392, Société Imhoff
Conseil d’Etat, 26 mars 2008, n° 270772, Société Spie Batignolles
Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 218110, Département des Côtes d’Armor
Cour administrative d’appel de Marseille, 18 décembre 2003, n° 00MA01056, SA SPOMC c/ Ministre de la Défense




Conseil d’Etat, 11 décembre 2008, n° 309427, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ SA Hotelière La Chaine Lucien Barrière

Si une entreprise titulaire d’une délégation de service public, qui est dans l’obligation d’abandonner sans indemnité ses équipements et installations à la collectivité délégante à l’expiration de la durée de la délégation, peut pratiquer des amortissements de caducité sur ces immobilisations en fonction de la durée de la délégation, cette faculté n’est pas ouverte à une société liée à la collectivité publique par un tel contrat à raison des dépenses donnant lieu à immobilisations qu’elle expose au seul titre de son obligation d’entretien des installations que la collectivité propriétaire met à sa disposition alors même que ces immobilisations ne seraient pas totalement amorties avant l’échéance de ce contrat.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 309427

MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
c/ SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière

Mme Eliane Chemla
Rapporteur

M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 novembre 2008
Lecture du 11 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 14 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 1 et 2 de l’arrêt du 26 juin 2007 par lesquels la cour administrative d’appel de Nantes, sur l’appel formé par la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière contre le jugement du 23 mars 2006 du tribunal administratif de Rennes en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la réduction, à concurrence des impositions résultant de la réintégration dans les bénéfices d’une provision, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998 et 1999, des cotisations supplémentaires de la contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années et de la contribution temporaire de 15 % et de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des années 1997 et 1998 et de l’année 1999, a déchargé la société de ces cotisations en tant qu’elles excédaient celles résultant d’une base d’imposition prenant en compte une partie de cette provision ;

2°) réglant l’affaire au fond, de remettre à la charge de la société les rappels d’imposition contestés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d’Etat,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société fermière du Casino de Saint-Malo, filiale fiscalement intégrée de la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière, exploite un immeuble à usage de casino et de cabaret mis à sa disposition par la commune de Saint-Malo dans le cadre d’un contrat d’affermage conclu le 24 juin 1985 et dont le terme, fixé initialement au 31 décembre 1994, a été reporté par avenant au 31 décembre 2000 ; qu’au titre des exercices clos le 31 octobre des années 1997 à 1999, elle a inscrit à l’actif de son bilan des travaux de rénovation et de sécurité des bâtiments affermés ; que ces travaux ont donné lieu à la constitution d’amortissements selon le mode linéaire au taux annuel de 10 % ; que la société a également déduit de son résultat imposable des mêmes exercices, au titre des provisions pour risques et charges "pour renouvellement des immobilisations", un complément à cet amortissement, qui a été calculé d’après la valeur nette comptable de ces immobilisations afin de lui permettre de récupérer intégralement les capitaux investis dans ces immobilisations dont elle a estimé qu’elles étaient au nombre de celles qui, ainsi que le contrat le prévoit, deviendraient la propriété de la commune sans indemnité en fin d’affermage ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur ces exercices, l’administration fiscale a remis en cause la déduction de cette provision, s’élevant à 629 239 F (95 927 euros), 428 029 F (65 253 euros) et 602 506 F (91 581 euros) au titre respectivement des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 ; que la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière a contesté devant le tribunal administratif de Rennes les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de la contribution de 10 % et de la contribution temporaire auxquelles elle a été assujettie à la suite de la réintégration de ces sommes à ses résultats ; que, par jugement du 23 mars 2006, le tribunal a rejeté sa demande ; que, par son arrêt du 26 juin 2007 contre lequel, en ce qu’il lui fait grief, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nantes a partiellement fait droit à l’appel de la société et a jugé que celle-ci était fondée à déduire de ses résultats les sommes en cause sous réserve que soit exclue de la base de calcul une somme de 480 000 F correspondant aux travaux de sécurité financés indirectement par la commune et l’a déchargée des impositions supplémentaires correspondant à cette réduction de la base imposable ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que le ministre ne conteste pas le motif de l’arrêt selon lequel, eu égard au mode de calcul des dotations en cause, la Société fermière du Casino de Saint-Malo devait être regardée, quel que fût le libellé du compte utilisé, comme ayant constitué des amortissements de caducité ;

Considérant que, si une entreprise titulaire d’une délégation de service public, qui est dans l’obligation d’abandonner sans indemnité ses équipements et installations à la collectivité délégante à l’expiration de la durée de la délégation, peut pratiquer des amortissements de caducité sur ces immobilisations en fonction de la durée de la délégation, cette faculté n’est pas ouverte à une société liée à la collectivité publique par un tel contrat à raison des dépenses donnant lieu à immobilisations qu’elle expose au seul titre de son obligation d’entretien des installations que la collectivité propriétaire met à sa disposition alors même que ces immobilisations ne seraient pas totalement amorties avant l’échéance de ce contrat ;

Considérant qu’aux termes de l’article 3-1 du contrat d’affermage conclu entre la Société fermière du Casino de Saint-Malo et la commune de Saint-Malo : ". Le fermier ne pourra exiger de la ville aucune modification ni aucun aménagement nouveau de l’immeuble, ni aucune transformation dans la distribution des locaux, ni aucun remplacement, accroissement ou réparation du matériel et du mobilier affermé. / Cependant le fermier aura la possibilité d’apporter des modifications ou des aménagements à l’immeuble ou des transformations dans la distribution des locaux affermés. / Il ne pourra le faire qu’avec l’autorisation écrite de la ville et sous la surveillance d’un architecte agréé par elle. / Outre les plans et les devis descriptifs et estimatifs, il devra préalablement soumettre les matériaux et les fournitures à l’agrément de la ville, tant en ce qui concerne la qualité que les teintes. / Tous embellissements, améliorations ou changements apportés par le fermier deviendront la propriété de la ville sans indemnité en fin d’affermage." et qu’aux termes de l’article 3-2 du même contrat : "Le fermier sera tenu responsable de la conservation, de l’entretien courant des bâtiments affermés. Le fermier ne pourra exiger de la ville que les réparations d’étanchéité des couvertures et des terrasses. / Le paiement des consommations d’eau, de gaz, d’électricité. incombera au fermier de même que l’entretien des compteurs, canalisations, chaudières et appareils de chauffage, de distribution d’eau et de cuisine. / Les réparations d’entretien, les réfections et les remplacements mis à la charge du fermier devront être effectués par lui au fur et à mesure des besoins après un délai de trois ans. /. / Les peintures, tentures et moquettes seront maintenues en parfait état et refaites en tant que de besoin." ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les travaux que la société a comptabilisés en immobilisations à son bilan et sur lesquels elle a pratiqué les amortissements de caducité en litige, étaient relatifs à des travaux de plomberie, de peinture, de tissu mural et de revêtement de sols ; qu’en jugeant que la Société fermière du Casino de Saint-Malo était autorisée à prendre en compte, par des amortissements de caducité, la remise gratuite à la commune, à l’expiration du contrat, de ces immobilisations non intégralement amorties alors que ces travaux sont au nombre de ceux qu’en vertu des stipulations de l’article 3-2 du contrat d’affermage, il lui incombait de supporter au titre de son obligation d’entretien des locaux dans lesquels elle exerçait son activité, qu’ils ne relèvent pas des embellissements, améliorations ou changements apportés par le fermier et devant devenir la propriété de la ville sans indemnité en fin d’affermage en vertu de l’article 3-1 de ce contrat et qu’ils ne sont pas ainsi de la nature de ceux qui justifient de pratiquer un tel amortissement, la cour administrative d’appel de Nantes a inexactement qualifié les faits et par suite commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander, en ce qu’il lui fait grief, l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les travaux de plomberie, de peinture, de tissu mural et de revêtement de sols réalisés par la Société fermière du Casino de Saint-Malo au titre de son obligation d’entretien des locaux prévue par le contrat d’affermage ne sont pas au nombre de ceux pour lesquels un amortissement de caducité pouvait être effectué ; qu’ainsi la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière n’est pas fondée à se plaindre du rejet par le tribunal administratif de Rennes de sa demande sur ce point par le jugement du 23 mars 2006 ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 26 juin 2007 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé en tant qu’il réduit, à l’exception d’une somme de 480 000 F, la base de calcul de la provision constituée par la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière à la clôture des exercices clos le 31 octobre des années 1997, 1998 et 1999 et a déchargé la société des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998 et 1999, des cotisations supplémentaires de la contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années et de la contribution temporaire de 15 % et de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des années 1997 et 1998 et de l’année 1999, en tant qu’elles excédaient celles résultant de cette base d’imposition.

Article 2 : Les conclusions, dans la mesure précisée à l’article 1er, de la requête de la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière présentées devant la cour administrative d’appel de Nantes sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SA Hôtelière La Chaîne Lucien Barrière.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site