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Conseil d’Etat, 28 novembre 2008, n° 297803, Marie-Ange P.

Si la requérante invoque une violation du principe d’égalité en relevant que d’autres sapeurs-pompiers professionnels ont retrouvé le logement de fonction dont ils disposaient avant les travaux, il ressort des pièces du dossier que l’autorité compétente, appelée à procéder à un choix pour la réattribution des logements, a accordé une priorité aux agents dont la présence sur place était la plus utile au service en raison de leurs fonctions opérationnelles ; que, dans la situation résultant de la réduction du nombre de logements disponibles, l’exercice de telles fonctions impliquait une différence de situation de nature à justifier une différence de traitement.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 297803

Mme P.

M. Jean de L’Hermite
Rapporteur

M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement

Séance du 22 octobre 2008
Lecture du 28 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 22 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Marie-Ange P. ; Mme P. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 30 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, d’une part, à d’annulation de la décision en date du 24 octobre 2001 du directeur du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de l’Hérault lui refusant l’attribution d’un logement de fonction et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint sous astreinte au directeur du SDIS de mettre à sa disposition un logement de fonction équivalent au précédent logement qu’elle occupait dans les locaux de la caserne des pompiers de Béziers ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit aux conclusions de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge du SDIS de l’Hérault la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean de L’Hermite, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Hemery, avocat de Mme P. et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 5 du décret du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels : " Les sapeurs-pompiers professionnels ont droit au logement en caserne dans la limite des locaux disponibles (.). / Les sapeurs-pompiers professionnels peuvent également être logés à l’extérieur des casernements par nécessité absolue de service. " ;

Considérant que, pour rejeter la demande de Mme P. tendant à l’annulation de la décision en date du 24 octobre 2001 du directeur du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de l’Hérault lui refusant l’attribution d’un logement de fonction, le tribunal administratif de Montpellier s’est borné à relever qu’à la date de la décision attaquée la requérante n’exerçait pas effectivement des fonctions opérationnelles ; qu’en se fondant sur ce seul motif, sans rechercher si des logements de fonction étaient disponibles à l’intérieur de la caserne, le tribunal administratif de Montpellier a méconnu les dispositions précitées du décret du 25 septembre 1990 qui donnent droit à tous les sapeurs pompiers professionnels à un logement en caserne dans la limite des places disponibles ; que par suite et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, la requérante est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur la demande présentée par Mme P. devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que si Mme P. soutient que le directeur du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de l’Hérault n’était pas compétent pour prendre la décision attaquée, refusant de lui attribuer un logement de fonction, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil d’administration du SDIS, compétent en vertu des dispositions combinées des articles L. 1424-9 et L. 1424-30 du code général des collectivités locales, avait, par arrêté du 26 juillet 2001, donné délégation au colonel Cassar, directeur du SDIS, pour signer tout document relatif au fonctionnement du service en l’absence ou en cas d’empêchement du président du conseil d’administration ; que par suite le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant que, pour refuser, par la décision attaquée du 24 octobre 2001, d’attribuer à Mme P. un logement de fonction, le directeur du SDIS de l’Hérault, agissant par délégation du président du conseil d’administration, s’est fondé sur les motifs que, d’une part, il ne disposait pas de logement de fonction vacant en caserne et que, d’autre part, l’affectation de la requérante ne justifiait pas qu’un logement de fonction lui fût attribué par nécessité absolue de service ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de travaux de restructuration entrepris en 2000, le nombre de logements de fonction disponibles dans les locaux du centre de secours de Béziers a été ramené de 30 à 23 ; que Mme P. disposait jusqu’en janvier 2000 d’un logement de fonction, qui lui a été retiré en raison de la restructuration imminente ; qu’il est constant qu’à la date de la décision attaquée rejetant sa demande tendant à l’obtention d’un nouveau logement de fonction, tous les logements disponibles dans les locaux rénovés avaient été attribués ; que si la requérante invoque une violation du principe d’égalité en relevant que d’autres sapeurs-pompiers professionnels ont retrouvé le logement de fonction dont ils disposaient avant les travaux, il ressort des pièces du dossier que l’autorité compétente, appelée à procéder à un choix pour la réattribution des logements, a accordé une priorité aux agents dont la présence sur place était la plus utile au service en raison de leurs fonctions opérationnelles ; que, dans la situation résultant de la réduction du nombre de logements disponibles, l’exercice de telles fonctions impliquait une différence de situation de nature à justifier une différence de traitement ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme P., qui était affectée en qualité de chargée de mission auprès du directeur du SDIS de l’Hérault, sur un emploi administratif, aurait ainsi été victime d’une discrimination illégale ;

Considérant que, dès lors que Mme P. n’exerçait pas de fonctions opérationnelles, l’attribution d’un logement hors de la caserne n’était pas justifiée par une nécessité absolue de service et devait lui être refusée par application du second alinéa de l’article 5 précité du décret du 25 septembre 1990 ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme P. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de l’Hérault la somme que demande Mme P. ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande du SDIS de l’Hérault et de mettre à la charge de la requérante la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui dans la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 juin 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme P. devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault et de Mme P. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Ange P. et au directeur du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault.

Copie pour information en sera adressée pour information à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

 


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