CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 306286
COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC
Mme Laure Bédier
Rapporteur
M. Luc Derepas
Commissaire du gouvernement
Séance du 8 septembre 2008
Lecture du 8 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 6 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 3 avril 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, à la demande de MM. Pierre-Claude L. et Serge G., annulé le jugement du 16 novembre 2004 du tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 4 juillet 2002 par laquelle le conseil municipal de la commune requérante a décidé d’exercer le droit de préemption sur la parcelle cadastrée AH92, ainsi que cette délibération ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de MM. L. et G.,
les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une délibération du 4 juillet 2002, la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC a décidé d’exercer son droit de préemption sur la parcelle AH 92 afin d’y aménager des commerces de proximité ; que, sur requête des acquéreurs évincés, cette délibération a été annulée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 3 avril 2007 au motif que la commune n’établissait pas l’existence d’un projet d’aménagement justifiant la décision de préemption litigieuse ; que la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 (.) / Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé (.) " ; qu’il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu’ainsi, en exigeant que la commune justifie de l’existence, à la date à laquelle elle exerce le droit de préemption, d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement " suffisamment certain et élaboré " et " précisément défini ", la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, qu’en application de l’article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, le délai de convocation de trois jours du conseil municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants ne peut être abrégé, sans pouvoir être inférieur à un jour, qu’en cas d’urgence ; qu’il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC a été convoqué le 2 juillet pour une réunion le 4 juillet 2002, dont l’objet était d’adopter une nouvelle délibération de préemption, à la suite des observations formulées par le préfet portant sur la forme des précédentes délibérations des 12 et 27 juin 2002 ; qu’eu égard au fait que la secrétaire de mairie, qui ne pouvait pas être remplacée, était absente du 5 au 31 juillet, et compte tenu des diligences à accomplir avant le 31 juillet, date d’expiration du délai imparti à la commune pour exercer son droit de préemption, la condition d’urgence doit en l’espèce, être considérée comme remplie ; que, par suite, les dispositions de l’article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales n’ont pas été méconnues ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des pièces du dossier, que la commune justifiait bien, à la date à laquelle elle a exercé son droit de préemption, d’un projet d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que MM. L. et G. ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 4 juillet 2002 ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées en appel à ce titre par la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC et de mettre à la charge de MM. L. et G. la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 3 avril 2007 est annulé.
Article 2 : La requête de M. L. et de M. G. devant la cour administrative d’appel de Bordeaux et leurs conclusions présentées devant le Conseil d’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : MM. L. et G. verseront à la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BEYNAC ET CAZENAC, à M. Pierre-Claude L., à M. Serge G. et à SCI " Les trois châteaux ".