format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 11 juin 2003, n° 160939, M. Jean-Paul G.
Conseil d’Etat, 19 mars 2008, n° 296679, Garde des Sceaux, Ministre de la justice c/ M. M.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 9 octobre 2003, n° 01BX00020, Veuve El Hamel Kheira O. A.
Conseil d’Etat, 12 janvier 2004, n° 249275, Caisse de des dépôts et consignations
Conseil d’Etat, 14 janvier 2004, n° 245192, Agence nationale pour l’indemnisation des français d’outre-mer c/ M. Truong M. K.
Conseil d’Etat, 19 mai 2004, n° 250607, Roger P.
Conseil d’Etat, 26 mai 2008, n° 281913, Commune de Porto-Vecchio
Conseil d’Etat, 1er mars 2004, n° 243592, Philippe C.
Conseil d’Etat, 25 février 2004, n° 248809, Caisse des dépôts et consignations c/ Mme M.
Conseil d’Etat, 5 septembre 2008, n° 298297, Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche c/ Mme R.




Conseil d’Etat, 3 septembre 2008, n° 280122, Pierre L.

a prime de plongée, qui est liée à la nature de l’activité professionnelle exercée par l’intéressé et non pas à ses modalités d’exercice, remplit les conditions pour être qualifiée de prime de fonction au sens des dispositions précitées de l’article 28 du décret du 24 septembre 1965 et supporte la retenue pour pension

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 280122

M. L.

M. Bertrand du Marais
Rapporteur

M. Pierre Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juin 2008
Lecture du 3 septembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 2 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Pierre L. ; M. L. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 1er mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle la Caisse des dépôts et consignations a rejeté sa demande de prise en compte, pour le calcul de sa pension de retraite, des sommes relatives aux primes de plongée qu’il percevait régulièrement en tant que plongeur scaphandrier ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’enjoindre à la Caisse des dépôts et consignations, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d’une date n’excédant pas deux mois à compter de la notification de l’arrêt qui sera rendu, de liquider rétroactivement la pension du requérant à compter de la date d’entrée en jouissance de son droit à pension, en incluant le bénéfice de la prime de plongée, avec intérêts légaux capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ;

Vu le décret n° 72-154 du 24 février 1972 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand du Marais, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. L. et de Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. L., ouvrier de l’Etat plongeur scaphandrier, se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de la Caisse des dépôts et consignations refusant de prendre en compte, dans le coefficient de valorisation servant au calcul de sa pension de retraite, les primes de plongée qu’il avait perçues, au titre du maintien de sa rémunération d’activité pendant les périodes de congé de maladie intervenues dans l’année ayant précédé sa mise à la retraite pour invalidité ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu’aux termes de l’article 9 du décret du 24 septembre 1965 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, alors en vigueur : "I. La pension est basée sur les émoluments annuels soumis à retenue afférents à l’emploi occupé effectivement depuis six mois au moins par l’intéressé au moment de sa radiation des contrôles ou, dans le cas contraire, sauf s’il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire, sur les émoluments annuels soumis à retenue afférents à l’emploi antérieurement occupé (.) / En ce qui concerne les intéressés rémunérés en fonction des salaires pratiqués dans l’industrie, les émoluments susvisés sont déterminés par la somme brute obtenue en multipliant par 1.960 le salaire horaire de référence correspondant à leur catégorie professionnelle au moment de la radiation des contrôles ou, dans le cas visé à l’alinéa précédent, à la catégorie professionnelle correspondant à l’emploi occupé. Ce produit est affecté d’un coefficient égal au rapport existant entre le salaire horaire résultant des gains et de la durée effective du travail pendant l’année expirant à la fin de la période dont il doit éventuellement être fait état et le salaire horaire de référence durant la même année" ; qu’aux termes de l’article 28 du même décret : "I. Les personnels visés à l’article 1er supportent une retenue de 8, 9 %, calculée sur les émoluments représentés : (.) / b) Pour les intéressés rémunérés en fonction des salaires pratiqués dans l’industrie, par la somme brute obtenue en multipliant par 1.960 le salaire horaire moyen déterminé d’après le nombre d’heures de travail effectif dans l’année et les gains y afférents constitués par le salaire proprement dit et, éventuellement, la prime d’ancienneté, la prime de fonction, la prime de rendement ainsi que les heures supplémentaires, à l’exclusion de tout autre avantage, quelle qu’en soit la nature (.)" ; que la prime de plongée, qui est liée à la nature de l’activité professionnelle exercée par l’intéressé et non pas à ses modalités d’exercice, remplit les conditions pour être qualifiée de prime de fonction au sens des dispositions précitées de l’article 28 du décret du 24 septembre 1965 et supporte la retenue pour pension ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d’accidents du travail dont peuvent bénéficier certains personnels ouvriers de l’Etat mensualisés, dans sa rédaction applicable en l’espèce : "En cas de maladie, les personnels (.) peuvent obtenir, par période de douze mois et sur production d’un certificat médical (.), un congé de trois mois à plein salaire (.)" ; qu’en vertu de l’article 7 du même décret : "Le salaire dont il est tenu compte pour l’application des articles 2, 3, 4 et 6 est déterminé à partir du forfait mensuel de rémunération" ; qu’il résulte de ces dispositions que le "plein salaire" auquel elles font référence et qui doit être versé à l’ouvrier d’Etat en congé de maladie pendant les trois premiers mois de ces congés sur une période de douze mois doit être déterminé à partir du forfait mensuel horaire de rémunération auquel doivent s’ajouter les primes qui lui ont été versées dans les trois mois précédant le début du congé et qui ont donné lieu à retenue ; que la prime de plongée versée en congé de maladie pendant les trois premiers mois de ce congé doit être prise en compte dans le "salaire horaire résultant des gains" servant au calcul du coefficient mentionné au I de l’article 9 du décret du 24 septembre 1965 ; qu’il en résulte que c’est au prix d’une erreur de droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que la prime de plongée, dont il résultait des pièces de son dossier qu’elle avait été versée à M. L. en application des textes précités pendant les trois premiers mois de ses congés de maladie intervenus pendant l’année précédant sa mise à la retraite pour invalidité, ne devait pas entrer en ligne de compte pour la fixation du "salaire horaire résultant des gains" servant au calcul du coefficient prévu au I de l’article 9 du décret du 24 septembre 1965 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Sur les conclusions aux fins de révision du coefficient de majoration à raison de l’absence de prise en compte, pour le calcul de ce coefficient, de la prime de plongée versée pendant la période de congé maladie :

Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c’est à tort que la Caisse des dépôts et consignations a refusé de procéder à la révision de la pension de M. L. pour tenir compte, dans le calcul du coefficient prévu au I de l’article 9 du décret du 24 septembre 1965, des primes de plongée incluses dans la rémunération maintenue à l’intéressé pendant les congés de maladie intervenus dans l’année précédant son départ à la retraite pour invalidité ; que M. L. est fondé à demander l’annulation de cette décision ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu’il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l’administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu’il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de prescrire à la Caisse des dépôts et consignations de réviser, dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision, le coefficient de majoration servant de fondement au calcul du montant de la pension de retraite versée à M. L. en application du I de l’article 9 précité du décret du 24 septembre 1965 en intégrant la prime de plongée qui lui a été versée pendant les cinq périodes successives où il a été placé en congés de maladie, entre le 17 novembre 1989 et le 23 août 1990 ; que cette révision prendra effet à compter de la date d’ouverture des droits à pension de M. L., soit le 1er septembre 1990 ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d’une astreinte ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. L. a demandé le versement des intérêts sur les arrérages de la pension qui lui a été illégalement refusée ; qu’il y a lieu de faire droit à ces conclusions, à compter du 4 décembre 1992, date de réception de sa demande de révision, et au fur et à mesure des échéances successives de cette pension ; qu’il a demandé le 2 mai 2005 la capitalisation des intérêts afférents à ces arrérages ; qu’à cette date il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. L. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la Caisse des dépôts et consignations la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement à M. L. de la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d’Etat et devant le tribunal administratif de Bordeaux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 1er mars 2005 et la décision implicite de la Caisse des dépôts et consignations rejetant la demande de M. L. tendant à la révision de sa pension sont annulés.

Article 2 : M. L. est renvoyé devant la Caisse des dépôts et consignations afin qu’il soit procédé à la liquidation de sa pension de retraite, y compris les arrérages échus et les intérêts sur ces arrérages, dans les conditions précisées par les motifs de la présente décision.

Article 3 : Les intérêts afférents aux arrérages de la pension de M. L. échus le 2 mai 2005 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : La Caisse des dépôts et consignations versera à M. L. une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre L., à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de la défense.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site